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Artistes et intellectuels
Ivan Illich - Philosophe
« A l'école, l'enfant apprend avant tout qu'apprendre est le résultat d'un processus d'une institution officielle. Il apprend que, d'année en année, on acquiert de la valeur, parce qu'on accumule plus de bien non tangible. On apprend que ce qui est valable à apprendre, ce qui servira plus tard à la société, c'est ce qui est transmis par quelqu'un qui est "professionnel". On apprend qu'enseigner, si on n'est pas professionnellement instituteur, est en quelque sorte moins valable. L'école inévitablement introjecte le capitalisme, la capitalisation du savoir. Parce qu'il est le capitaliste en savoir, qui peut démontrer avec les certificats ce qu'il a accumulé intérieurement et auquel la société reconnait une valeur sociale supérieure. »
Émission Ivan Illich : "L'école enseigne à l'enfant qu'il doit être inévitablement classé par un bureaucrate"sur France Culture Une société sans école
François Bégaudeau - Pourquoi il faut supprimer l’école obligatoire
«puisque l’école fabrique structurellement des inégalités, il faut supprimer la structure».
Source: Entretien avec Louise Tourret
Albert Dupontel - L'école formate les élèves
«Le conditionnement, il commence à l'école. Un enfant est un génie, il sait marcher et il sait parler tout seul et on le met à l'école et bizarrement, il ne sait plus rien faire.»
«Il n'y a qu'à voir l'école, avec quel irrespect et quelle insolence sont traités le dessin, la musique, les cours de théâtre… C'est là où on va, en général, pour ne rien faire, j'ai été le premier à faire ça»
«Plus on donne de la connaissance aux gens, plus on va solliciter et créer leur esprit critique ce qui est une très bonne chose mais pas forcément quelque chose qui intéresse les dominants donc on subit un enseignement classique en mettant en évidence des valeurs comme les mathématiques, comme d’autres valeurs scientifiques surtout après la fin de la Seconde Guerre mondiale d’ailleurs et qui vont avoir pour but de transformer l’individu en être productif»
« Le drame humain vient de l’éducation, de l’école. On nous met déjà en compétition les uns avec les autres, et ce n’est pas parce qu’on est un cancre dans les institutions qu’on est un raté dans la réalité. Mais c’est tout de même ce que l’on croit ou ce que l’on nous porte à croire. […] On nous donne simplement des formules à assimiler sans nous pousser à cogiter, à faire fonctionner notre matière grise dans une réelle appréciation de ces choses. Mais on fait plutôt faire aux étudiants du calcul mental, de la récitation, on les formate pour un système dans l’espoir de les rendre productif. Où on les transforme en vache à lait, en consommateur, ou en prédateur industriel. Les meilleurs deviennent des prédateurs, et le reste devient la grande majorité des consommateurs qui abreuvent la société conformiste.
Tout est fait en gros pour que l’individu ne se rencontre pas lui-même dans une vie. Parce que si il se rencontre c’est terrible, il développe un sens critique il développe un jugement, et alors là, il est ingouvernable. Donc, que ce soit les religions, que ce soit les commerçants, que ce soit les politiques, ils n’ont aucun intérêt à ce que l’individu se trouve. […]
Échange avec Albert Dupontel lors de l’avant première de 9 mois ferme au Pathé Orléans le 06/09/2013
Alexandre Astier - C'est l'école qui a tord
La nature de l'enfant, c'est d'apprendre»
«L'école vient dire à l'enfant "t'y arrives pas"»
«Dès qu’ils en ont plein le dos, je les enlève. Je leur paie des cours à la maison ou ils font une école un peu parallèle comme ils veulent. "»
Matthieu Belliard - Monsieur le président, ne nous ôtez pas la liberté d’instruire nos enfants en famille !
« C’est un choix de parents éclairés, ambitieux et volontaires. Le choix de s’engager pleinement dans l’instruction de nos enfants. Leur ouvrir le monde, leur apporter un regard différent et développer chez eux un sens aigu de l’autonomie. »
« Nous ne nuisons pas à la société et avons la conviction d’aider la République en instruisant de futurs citoyens agiles, volontaires, n’ayant pas peur des apprentissages et connaissant les valeurs, le socle commun de notre société. »
« Quels changements arrivez-vous à imaginer en canalisant tous les enfants de la République dans un seul et unique modèle? Les enfants construisent le monde de demain. Si nous, adultes, ne permettons pas, n’encourageons pas une certaine diversité de construction, comment changer la société? »
Source: Tribune au Figaro
Tribune d'Élodie Poux
«S'il n’y avait que l'école pour se socialiser, on serait tous devenus des psychopathes»
«Je suis contre toute forme d'instruction obligatoire. Je suis persuadée que la nature même de l'enfant est d'apprendre, d'apprendre vers quoi son intérêt se tourne, quand et si son intérêt s'y tourne.»
REFORME EDUCATION NATIONALE. Emmanuel Macron a détaillé les principales mesures de son programme en matière d'éducation, jeudi 17 mars. Le chef de l'État promet "un pacte nouveau" avec les enseignants, un meilleur accompagnement des élèves et une plus grande autonomie pour les équipes pédagogiques.
Sommaire
Une grande concertation avec l'Éducation nationale
Une hausse des salaires sous condition pour les enseignants
Le retour des mathématiques au lycée
Lors de la présentation de son programme, le jeudi 17 mars, à Aubervilliers, Emmanuel Macron a défendu son bilan en matière d'éducation durant son quinquennat. Le candidat à sa propre succession a notamment estimé que les "résultats sont là" pour les réseaux d'éducation prioritaire (REP) et a promis d'intensifier les moyens pour transformer et rénover un système scolaire "cadenassé." "Si je devais résumer notre système, nos enseignants ne se sentent pas reconnus et ils ont raison. Les familles sont confrontées à des problématiques d'absentéisme (…) et les enfants continuent à manquer de confiance." Le chef de l'État espère que les efforts menés au cours de son mandat paieront. "L'investissement se verra dans quelques années", a-t-il affirmé. Après avoir fait le bilan de son quinquennat concernant l'éducation, le candidat LREM à la présidentielle a dévoilé plusieurs propositions issues de son programme.
Une grande réunion avec l'ensemble des acteurs de l'Éducation nationale
C'est la première mesure d'Emmanuel Macron s'il est élu lors de l'élection présidentielle les 10 et 21 avril prochain. "Une large concertation pour discuter de la meilleure manière pour atteindre des objectifs nationaux" au début de son deuxième quinquennat. Cette grande réunion doit permettre "un travail collectif au niveau local, avec l'ensemble des parties prenantes, une concertation de terrain." Parmi les acteurs invités à répondre à l'appel, on retrouve les enseignants, les équipes administratives des établissements, les parents d'élèves, les associations, mais aussi les élus "pour changer de mode de fonctionnement." Une première mesure qui vise à "des formes nouvelles d'organisation" notamment au niveau régional. "Les programmes et les examens demeurent nationaux, mais il faut assumer plus de liberté", a-t-il souligné.
Nouvelles missions et hausse des salaires pour les enseignants
Le grand axe de la politique d'Emmanuel Macron en cas de réélection concerne les enseignants à qui il promet "un pacte nouveau". "Si on laisse les choses comme elles sont aujourd'hui et qu'on se réfugie derrière une égalité de principe qui n'est pas réelle. On ne remplit pas la mission", a-t-il affirmé. Cette volonté du président de la République s'explique notamment par l'absentéisme des enseignants. La Cour des comptes estimait en décembre dernier que ce phénomène "provient du fonctionnement même de l'Éducation nationale", notamment avec une formation continue obligatoire qui empiète sur les heures d'enseignement.
Le chef de l'État souhaite mettre en place un système basé sur le volontariat avec "de nouvelles missions pour les enseignants, de nouveaux moyens de s'engager dans les projets pédagogiques : suivi des élèves, accompagnement, activités périscolaires… " Ainsi, les professeurs qui sont "prêts à s'engager" seront augmentés. "Je suis prêt à dire que les enseignants qui ne souhaitent pas faire ces missions alors ils ne seront pas augmentés dans leur rémunération", a-t-il lâché. Une mesure à double tranchant et qui varie "en fonction du territoire " ou des activités prises en charge par les enseignants. "Je l'assume car ils (les enseignants) ne font pas tous la même chose (…), nous le savons", a-t-il ajouté.
Le programme d'Emmanuel Macron promet plus de liberté aux établissements scolaires. Il faut "valoriser l'expertise de terrain et donner plus de liberté aux équipes pédagogiques, parfois de recruter sur profil." Pour élargir le champ d'actions des directeurs d'établissement, le candidat à la présidentielle souhaite "mettre à disposition les résultats de toutes les évaluations" d'une classe ou d'un établissement. Une façon, selon lui, "de diffuser les bonnes pratiques" dans les autres régions. "On doit pouvoir donner les moyens aux directeurs d'école, à l'équipe pédagogique de mesurer les changements et pas seulement avec la visite de l'inspecteur académique toutes les X années", a-t-il déclaré.
Le retour des mathématiques au lycée
Les mathématiques font leur grand retour. Véritable trou noir de la réforme du baccalauréat, la matière n'est plus obligatoire en lycée général. Le président candidat promet de la réintégrer au tronc commun après avoir constaté la baisse du nombre d'élèves qui choisissent les mathématiques en option. D'autres matières sont également dans le viseur du chef de l'État, notamment l'enseignement de l'éducation physique et sportive au primaire et au collège, qu'il souhaite renforcer, tout comme l'enseignement de l'éducation artistique et culturelle. Le "pass culture" pourrait être appliqué dès le collège. Enfin, l'orientation des élèves interviendra "dès la cinquième permettant de mieux connaître les métiers."
Retours sur une inspection arbitraire
Ou les abus de pouvoir de l'éducation nationale
I – Je suis contractuelle
J'ai postulé au rectorat de l'académie de Toulouse après avoir soutenu mon master d'histoire, en septembre 2015. J'ai alors été reçue afin de travailler en tant que professeur remplaçante, dans les disciplines de lettres, d'histoire, et de géographie, en lycée professionnel. L'entretien a eu lieu un jeudi. Le lundi, on m'envoyait au lycée Guynemer, sans formation aucune, parmi les classes les plus difficiles du lycée.
Durant les trois années qui ont suivi, l'unique lien que le rectorat entretint avec moi fut constitué d'appels réguliers du secrétariat de remplacement pour me proposer des postes. Sans aucune formation à l'horizon, je me suis auto-formée, bon gré, mal gré.
Arriver dans un nouvel établissement en cours de route demande de multiples facultés d'adaptation.
Créer des liens avec les élèves, intégrer l'équipe enseignante, connaître le fonctionnement interne du lycée, se présenter aux différents professionnels travaillant dans l'établissement, reprendre le programme là où il s'est arrêté, avec, parfois, des instructions du professeur absent, d'autres fois, l'absence de contact avec ce dernier.
Tout cela, en ne sachant jamais jusqu'à quel moment notre poste sera renouvelé.
Tout cela, plusieurs fois par an.
Malgré ces difficultés, nous ne sommes pas payés durant les vacances scolaires, les déplacements ne sont pas défrayés, nous ne sommes pas hébergés par l'établissement lorsque nous travaillons loin, nous n'avons pas d'avancées de salaires.
Après Guynemer, j'ai travaillé au lycée Gallieni, à l'heure où les enseignants exerçaient leur droit de retrait, pour protester contre leurs conditions de travail. Puis j'ai accepté un poste de 6h au lycée René Bonnet, car les temps pleins que l'on me proposait étaient situés à plus d'une heure de route de Toulouse.
II – L'épée de Damoclès
Je suis arrivée au lycée René Bonnet le mardi 25 septembre 2018. J'avais un poste de 6h, auprès d'une classe de CAP serveurs-cuisiniers.
Leur capacité de concentration pouvait être réduite lorsqu'ils se retrouvaient pour le cours d'histoire, durant 1h30, en classe entière.
A peine commençais-je à prendre mes marques, et à tenter de nouvelles stratégies pédagogiques afin de résoudre les difficultés de la classe, que je reçus subitement la notification d'une visite-conseil de Mme l'inspectrice. Nous étions alors le vendredi 12 octobre, il était écrit qu'elle allait m'inspecter le mardi suivant, le 16 octobre. C'était la veille des vacances scolaires. J'étais dans l'établissement depuis deux semaines.
N'ayant jamais été préparée à une inspection, n'ayant pas encore eu le temps d'instaurer un climat paisible dans la classe, n'osant pas retenter l'expérience des petits groupes (les fameux îlots), - qui avait été infructueuse la semaine passée -, je changeai en conséquence ma séance au dernier moment, tentant de faire un cours que j'imaginais classique ; sous forme magistrale.
L'inspectrice arriva, accompagnée de la proviseure. Elles s'installèrent dans la classe. Les élèves étaient surpris car ils ignoraient cette visite. Le cours fut bancal. Je n'étais pas à l'aise, les élèves non plus.
Lors de l'entretien qui suivit cette heure curieuse, l'inspectrice me reprocha d'avoir fait un cours trop magistral. Il fallait, à son sens, les mettre en « îlots ». Quant aux supports que j'utilisais pour étayer mon instruction, il ne fallait pas que je suive les indications de la professeure que je remplaçais. Tout ce que je répondis à ce moment là me fut renvoyé, comme des paroles non valables, des justifications hors-propos. Une émotion appartenant à des souvenirs d'école se raviva alors, et j’eus la vile sensation que son évaluation m'infantilisait.
L'inspectrice me prévint alors qu'elle reviendrait afin de vérifier la bonne application de ses conseils et afin, surtout, de me mettre un avis : favorable, ou défavorable.
J'en sortis déstabilisée, une épée de Damoclès sur la tête.
Par la suite, je n'eus de cesse d'angoisser lorsqu'une séance se passait moins bien qu'une autre. Ma confiance en moi fut sérieusement ébranlée, et se détériora de jour en jour, à mesure que le spectre de la seconde inspection se rapprochait. Je continuai mon contrat jusqu'aux vacances de décembre et ne le prolongeai pas par la suite.
III – La sentence finale
Après quelques déboires humains et administratifs – une promesse d'embauche de la part du lycée Gabriel Péri au mois de mars, annulée la veille de la prise de poste par la proviseure, de manière expéditive et sans excuses aucune de sa part, ni de celle du rectorat - je finis par être
affectée à Montauban, au lycée Bourdelle, pour une durée d'une semaine, à partir du 8 avril 2019. La semaine se passe très bien et je découvre avec joie qu'il y a des établissements moins difficiles que d'autres. Je suis prolongée la semaine suivante – veille des vacances scolaires -, et prépare mes classes de première à passer le BEP blanc.
C'est alors que je reçois l'invitation – comprendre : convocation – de Mme la proviseure adjointe, à la rejoindre dans son bureau à la récréation de 16h. Et, - c'est là que l'histoire se répète, avec brio, et avec une pointe d'accélération-, elle m'annonce que je suis de nouveau inspectée, par la même inspectrice, à 8h, le lendemain.
Surprise mais sereine, - car le contexte professionnel est cette fois différent -, je dispense, comme il était prévu, une séance sur les philosophes des lumières et la lutte contre l'injustice. Une fois encore, les élèves n'étaient pas prévenus. Intimidés par cette visite surprise, ils sollicitèrent moins la parole durant la séance. A 9h, je leur donne l'activité d'écriture à effectuer l'heure qui suit, et m'absente quelques instants pour recevoir les retours de Mme l'inspectrice.
Son expertise fut d'une brutalité sans équivoque, et tomba dans l'atmosphère de manière glaçante.
« Le cours était trop magistral, vous ne les mettez pas assez en activité, cela est donc trop fragile. Je vous invite à changer de voie professionnelle. Je mettrai un avis défavorable à votre dossier » Puis, car elle avait « d'autres personnes à visiter », elle se leva, me conseilla de « terminer la semaine tout de même », et s'en alla.
Me laissant seule dans cette pièce vide, seule avec ces trois années difficiles, sans formation, sans reconnaissance, sans accompagnement. Sans rien. Trois années, corvéable à merci. Seule avec mes contrats inhumains, parfois sans contrat du tout, avec un ramassis de droits qui n'en sont pas, avec un statut indécent qui concurrence ceux que l'on trouve dans le privé.
Je restais dans une sidération telle que je dus me mettre en arrêt.
IV - Commentaires
Ma voix devint muette par la violence de ces propos.
Incompréhension, tristesse, colère.
L'accusation, la condamnation personnelle de l'inspectrice fut tranchante, vécue avec effroi, touchant ma dignité et mon intégrité morale.
Il y a quelque chose qui m'échappe et que j'ignore encore. Condamnée pour des raisons obscures.
Le pouvoir règne, et l'inspection détient la possibilité de rompre l'estime, la carrière, les désirs de quelqu'un. En une fraction de temps, sans préavis. En usant de manière brutale des pouvoirs que l'institution lui confère.
L'arbitraire et l'absence de transparence de ce système brillent de mille feux, et m'empêchent désormais d'exercer. Là où certaines personnes, néfastes pour les élèves, car ouvertement racistes, sexistes, ou homophobes, sont protégées par ces mêmes inspecteurs. - (Plusieurs affaires m'ont été rapportées, attestant le comportement délictueux de certains professeurs, dont les inspecteurs avaient connaissances, mais dont la fonction n'a jamais été remise en question.)
L'agression systémique et systématique du monstre s’abat, face à ses employés, face à ses élèves, face à ses parents d'élèves, -certaine mères étant désormais exclues des sorties scolaires en raison de leur appartenance religieuse, selon l'amendement du projet de loi Blanquer adopté le 15 mai dernier par le Sénat - projet de loi surnommé, avec cynisme, « école de la confiance » -.
J'ai baissé les yeux, j'ai baissé la voix. J'ai fermé mes yeux, clôturé mes lèvres. Seule, isolée, précarisée.
Les élèves ont peur des professeurs, les professeurs ont peur des inspecteurs, les inspecteurs ont peur des recteurs, les recteurs ont peur des ministres. Chacun est sous-tutelle de l'autre, et s'en trouve fragilisé, dans son parcours scolaire ou professionnel, évalué au lieu d'être accompagné.
Il est inacceptable qu'une inspection puisse être menée d'un jour à l'autre.
Il est inacceptable qu'un-e enseignant-e contractuel-le se fasse évaluer sur les mêmes bases qu'une personne titulaire, sans n'avoir jamais reçu de formation.
Il est inacceptable qu'on lui demande d'appliquer un modèle standard de pédagogie dans chaque nouvelle classe, dans chaque nouvel établissement, alors que la précarité et la multiplicité des contrats à l'année ne lui permettent pas de développer sereinement des outils pédagogiques différents, surtout dans les classes les plus difficiles.
Le personnel enseignant contractuel ne doit pas subir d'intimidation de la part de la hiérarchie de l'éducation nationale.
J'ai subi, dans cette mauvaise mise en scène, une édifiante leçon de pédagogie. Mais de quelle pédagogie s'agit-il, si ce n'est celle que subissaient nos aïeux à coups de bâtons et de bonnets d’ânes ?
Tout contribue à faire de l'institution scolaire un lieu exempt d'épanouissement : les notes, le système de sanctions/rétributions, l'individualité du travail, l'absence d'analyse de pratiques– N.B : L’école est le seul espace, parmi ceux où les relations humaines sont au cœur du métier, où cet outil n'est pas envisagé, bien qu'il soit indispensable dans les lieux où le relationnel et l'affect constituent des enjeux majeurs -.
Malgré cela, j'avais mis un point d'honneur à valoriser mes élèves. Des élèves qu'on dépeint fréquemment de manière négative, qui ont été souvent dévalorisés, sous-estimés. Ils écrivaient, librement en cours de français, leurs craintes et leurs désirs, leurs angoisses et leurs rêves.
Je ne m'attends pas à ce qu'une machine aussi féroce telle que l'éducation nationale, s'attarde un seul instant sur mon cas. Au contraire. Cet appareil d’État s'engage à répandre, diffuser, et banaliser ce fonctionnement, pour que mon cas n'en soit plus un. Et qu'il devienne la règle.
Ces inspections surprises et répressives traduisent les aspirations de nos gouvernements successifs.
Nous, contractuels de la fonction publique, sommes un échantillon du projet de société qu'ils mènent intensément depuis les années 1980. L'éducation nationale est l'institution dans laquelle l'on trouve le plus de personnes précaires, en France. L'école est devenu le laboratoire de la privatisation par excellence. Dans quel objectif ?
Contractualiser une institution, c'est contrôler la masse salariale.
C'est fabriquer un monde où chacun-e est intérimaire, à la merci d'un pouvoir arbitraire /
Où le personnel tout entier se voit mêlé à un jeu d'alliance et de concurrence pour sauvegarder sa place /
Où se mettre en grève représente un risque trop élevé /
Où chacun subit, isolé, tour à tour, les foudres ou les éloges de la hiérarchie /
Où l'angoisse et la crainte règnent, provoquées par la menace de perdre son emploi.
Sous fond de coupe budgétaire, le nerf de la guerre.
Une belle société, en somme.
V - Épilogue
Le 10 mai 2019, je reçois une lettre. Elle est signée de madame la rectrice, par délégation, par le « secrétaire général empêché » - (sic : empêché de quoi ? De respecter l'être humain se cachant derrière un numéro de matricule, qui a été sciemment et vulgairement marginalisé, jeté dans la fosse du chômage, en toute illégalité?) -. La lettre stipule dans son objet, le « non renouvellement en tant qu'enseignante non titulaire en lettres-histoire-géographie. ». Elle continue : « Suite au rapport d'inspection en date du 16 avril 2019, j’émets un avis défavorable pour la poursuite de vos activités en tant que contractuelle en lettres-histoire-géographie (...) »
Je reste figée : je n'ai jamais reçu de quelconque rapport.
Quant à la dernière phrase du courrier, elle parle d'elle-même, et n'a aucunement besoin d'être commentée. En conséquence, je conclurai sur celle-ci, et vous laisse méditer à son propos :
« Je rappelle que les agents contractuels recrutés par contrat à durée déterminée n'ont pas de droit à voir leur engagement systématiquement reconduit et que les décisions de non-renouvellement n'ont pas à être motivées.»
CQFD.