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L’autogestion, une organisation du travail comme une autre ?
Quand on parle d’autogestion au travail, on imagine fréquemment un discours très militant, des débats à n’en plus finir, des prises de décisions épuisantes… bref, quelque chose de peu efficace quand on veut gérer un organisme ou une entreprise et être viable économiquement. Pourtant, l’autogestion pose des questions importantes sur notre rapport au travail et sur la démocratisation de l’économie. De nombreuses organisations, qu’elles soient des entreprises privées, des organismes à but non lucratif (OBNL) ou des coopératives, s’intéressent de près à ce mode d’organisation. Pour les fins de rédaction de ce billet, des entrevues ont été réalisées avec le Réseau COOP et des organisations qui mettent en pratique l’autogestion : Caligram, Niska et Percolab.
- Qu’est-ce que l’autogestion ?
L’autogestion, au sens littéral, c’est la « gestion par soi-même ». Historiquement, de nombreuses ressources naturelles étaient autogérées.
Pour ne citer que l’une des plus connues, les terres agricoles anglaises étaient gérées collectivement par et pour les paysans jusqu’au XVe siècle. Le mouvement des enclosures y a mis fin en privatisant et en clôturant les parcelles de terre au profit d’une agriculture intensive.
L’autogestion est définie par Cyrille Ferraton comme le fait de donner aux travailleurs la gestion de la production et la répartition de la richesse[1]. Pour Victor Fay, elle « implique la disparition des distinctions entre dirigeants et dirigés, donc la possibilité pour les individus de s’organiser collectivement tant dans la vie sociale que dans l’appareil productif[2]. »
Pour Nathalie Fereira[3], « l’autogestion est avant tout un concept économique et social, c’est-à-dire un mode de gestion et surtout une forme d’organisation du travail engendrée par les crises du système capitaliste […] Les principes sur lesquels elle repose sont essentiellement la démocratie dans les prises de décisions, l’autonomie de gestion et la primauté des travailleurs sur le capital dans la répartition des revenus. »
À travers ces définitions, on observe la proximité entre autogestion et économie sociale. Historiquement, une partie du mouvement de l’économie sociale et solidaire s’y est d’ailleurs identifié. Les entreprises autogérées partagent avec l’économie sociale une proposition de démocratisation de la société qui dépasse la sphère politique et s’applique aux sphères économique et entrepreneuriale.
- Gouvernance démocratique et autogestion
Il faut distinguer la gouvernance et la gestion. La gouvernance renvoie aux mécanismes de prises de décision concernant la vision et les grandes orientations. En économie sociale, la gouvernance démocratique est l’une des valeurs fondatrices et elle peut interpeler différentes parties prenantes (travailleurs, producteurs, utilisateurs, consommateurs, membres de soutien, etc.). La gestion, quant à elle, se concentre davantage sur la mise en place de ces décisions et sur l’organisation du travail. Elle fait référence principalement aux travailleurs. L’autogestion c’est donc de pouvoir décider de l’organisation du travail. Ceci ne signifie pas nécessairement qu’il n’y aura pas de division du travail
Bien qu’il s’agisse de deux choses distinctes, la gouvernance peut orienter le modèle de gestion. Les « bonnes pratiques » en économie sociale mettent souvent de l’avant des outils et des conseils pour une gestion participative ou aplanie. Toutefois, il est possible de respecter le principe de gouvernance démocratique sans que les travailleurs participent à cette gouvernance et vice-versa. Des principes d’autogestion ou de gestion participative peuvent être instaurés sans que les travailleurs soient impliqués dans la gouvernance, voire que celle-ci ne soit pas démocratique.
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L’autogestion ici et ailleurs
Dans certains pays, l’autogestion est étroitement liée à l’économie sociale. C’est le cas notamment au Brésil où le Secrétariat national d’économie solidaire (SENAES) intègre l’autogestion dans sa définition des initiatives économiques[4].
En Argentine, dans un contexte de crise économique, des travailleurs se sont auto-organisés pour reprendre les rênes des entreprises et ainsi éviter une fermeture brutale. Les premiers cas sont survenus au début des années 90 et ne cessent de croître. En 2016, on dénombrait 367 entreprises argentines récupérées comptant près de 16 000 travailleurs[5]. Dans ce cas, la volonté de s’émanciper de structures hiérarchiques n’était pas la première motivation des travailleurs, davantage engagés dans la préservation de leur emploi.
Au Québec, économie sociale et autogestion semblent moins interdépendantes. Les coopératives de travail se rapprochent de ces entreprises autogérées par leur finalité de créer ou de maintenir du travail pour leurs membres. Néanmoins, leur mode de gestion n’est pas nécessairement celui de l’autogestion, bien qu’elles y soient souvent plus sensibles.
Certains collectifs s’inspirent et mettent en pratique l’autogestion, c’est notamment le cas du Bâtiment 7 qui l’intègre dans sa mission : « Autogérer une propriété collective enracinée dans l’histoire populaire du quartier […] Pratiquer un mode de gestion démocratique horizontal et inclusif.[6] »
- Des motivations à plusieurs niveaux
L’autogestion au Québec semble faire partie des concepts à la mode. Des réseaux et des acteurs de l’accompagnement de l’économie sociale, comme le Réseau COOP[7], observent qu’il y a davantage d’organisations favorables à la mise en place de l’autogestion. Comment expliquer ce regain d’intérêt ? Il peut s’expliquer de deux points de vue : celui des travailleurs et celui des organisations.
- Les motivations des travailleurs
Certaines motivations énoncées par les personnes rencontrées sont directement liées à l’organisation du travail : « je voulais être dans un environnement de travail horizontal où je pourrais participer et apporter ma contribution à tous les aspects, planification, idéation… » « J’aspirais à plus de liberté et d’autonomie dans mon travail. »
Pour certains travailleurs, les motivations sont aussi politiques. Lors des entrevues, plusieurs ont insisté sur l’importance de s’émanciper d’une socialisation qui met de l’avant une société hiérarchisée. Ils estiment que nous sommes conditionnés dans des rapports dominants dominés, où il y a toujours une autorité à qui il faut se soumettre. Les personnes rencontrées ne veulent pas être cantonnées à un rôle d’exécutant, mais avoir la possibilité de participer à l’ensemble des activités. Elles souhaitent sortir d’un sentiment d’aliénation issu de la division excessive du travail pour retrouver un certain pouvoir sur le réel. La notion d’épanouissement au travail est également très présente dans leur discours et elles ont à cœur de créer des espaces où chaque personne peut être pleinement elle-même.
- Les motivations des entreprises
Souvent, les organisations qui s’orientent vers ce modèle font le pari de l’intelligence collective. Pour elles, 1 + 1 = 3, c’est-à-dire que les membres de l’équipe de travail s’enrichissent mutuellement de leurs idées et réflexions pour arriver à des solutions qui n’apparaissaient pas d’emblée alors qu’ils y pensaient seuls.
L’innovation est également mise à l’honneur dans les organisations autogérées puisqu’il y a un espace de liberté dans lequel chaque personne peut proposer et mettre en œuvre des projets. Cela va à l’encontre des modèles plus traditionnels où la mise en place d’une idée est plus encadrée et soumise à certaines validations.
- Un processus très cadré
« L’absence de hiérarchie, ce n’est pas l’absence de structure, ce n’est pas le laissez-faire. »
Il y a probablement autant de modèles d’autogestion que d’organisations qui la pratiquent. Il n’y a pas un mode d’emploi universel qui serait la recette gagnante, mais une multitude d’expériences et d’écrits.
La majorité des organisations rencontrées se sont inspirées de modèles existants qu’elles ont repris à leur manière. Toutes les entreprises rencontrées insistent sur l’importance de s’inscrire dans une perspective d’essai-erreur et d’accepter une certaine forme d’inconfort. Plusieurs indiquent que l’absence de patron est perturbante au début et demande une bonne dose d’autoresponsabilisation. « On ne peut plus vraiment se plaindre ! », « Plutôt que de chercher une approbation, il faut chercher du soutien ». Véritable apprentissage individuel et collectif, l’auto-organisation n’est pas un long fleuve tranquille !
- Exemples de pratiques mises en place
Chaque organisation développe un mode de fonctionnement et adopte des pratiques qui lui ressemblent. En voici quelques exemples.
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Une répartition des rôles en collectif
Chez Percolab, après avoir identifié toutes les fonctions à assumer dans l’entreprise, aussi bien stratégiques que fonctionnelles, l’équipe a défini une trentaine de rôles. « C’est une façon de rendre explicite ce qui se fait implicitement ». Les travailleurs se sont collectivement réparti les rôles, mais ce n’est pas figé. De nouveaux rôles peuvent être créés et leur répartition peut évoluer. -
Une prise de décision rapide, basée sur la confiance et la transparence
Chez Caligram, il y a une heure de réunion d’équipe par semaine pour gérer l’opérationnel. Les décisions sont prises dans le pôle concerné (souvent 2 personnes), sans consulter toute l’équipe. Il y a une grande transparence et la réunion d’équipe permet d’avoir une vision d’ensemble de ce qui se passe dans l’entreprise. Les travailleurs font confiance aux personnes concernées pour prendre les décisions dans l’intérêt de la coopérative. -
Un ordre du jour coconstruit à l’aide de couleurs
Chez Niska, l’ordre du jour des réunions d’équipe se fait le matin même, avec trois feuilles de couleurs. Le bleu est utilisé pour les sujets liés à la gouvernance, le jaune pour la stratégie et le rouge pour le « qui fait quoi ». Lors de la réunion, des drapeaux de couleurs matérialisent ces différents points. Le duo qui anime le point consacré à une couleur n’est pas celui qui en a l’expertise. « Un des défis de l’autogestion est de ne pas faire porter ses urgences sur le collectif. L’urgence est souvent par rapport à l’individu ».
Des défis sont encore à relever et une grande vigilance est nécessaire pour identifier les pouvoirs informels qui ont tendance à revenir subrepticement. Cependant, le bilan dressé par les personnes rencontrées est positif. Ils bénéficient d’un espace de liberté leur permettant de développer leur plein potentiel et de s’impliquer dans la vie de l’organisation.
- En conclusion
À travers ces exemples, on observe que l’autogestion, assez loin des visions caricaturales qu’on lui attribue fréquemment, fonctionne efficacement dans plusieurs organisations. Si l’intérêt croît autour de son application, l’accès à l’information et à la documentation des pratiques semble encore insuffisant.
L’autogestion porte un projet de démocratisation de l’économie en (ré) conciliant le rôle de travailleur avec celui de citoyen. Mais pour poursuivre cette démocratisation, il faut penser à inclure d’autres parties prenantes comme les utilisateurs et les consommateurs. Ce type d’inclusion se retrouve souvent dans l’économie sociale avec la représentation de différentes catégories de membres dans la gouvernance. On ne peut, par ailleurs, repenser profondément les modes de gestion de nos richesses sans questionner les modes de propriété qui sont souvent à l’origine du pouvoir de décision. L’autogestion n’est donc pas la (seule) solution à tous les maux de notre société, mais elle fait probablement partie de l’équation. Les fondements de l’économie sociale et le mouvement des communs sont également porteurs de propositions en ce sens.
Un grand merci aux personnes rencontrées en entrevue :
Solen Martin-Déry, Étienne Després et Émile Plourde-Lavoie pour Caligram;
Matthieu Piegay pour Niska et Accolades;
Cédric Jamet, Elizabeth Hunt et toute l’équipe pour Percolab;
Isabel Faubert-Mailloux pour le Réseau Coop.
Je tiens également à remercier Marie J. Bouchard pour sa relecture attentive et ses précieux conseils ainsi que le comité de relecture du TIESS pour leurs orientations et suggestions.
Et, enfin, merci à Solen Martin-Dery pour sa collaboration aux illustrations.
Par Julia Cahour
Illustrations de Solen Martin-Déry et Julia Cahour
Quand les patrons décident d'abandonner leur entreprise, c'est souvent le signe d'une faillite. Dans certains cas pourtant, cette mauvaise nouvelle peut se transformer en formidable aventure: celle de l'autogestion.
Selon le Gresea (Groupe de Recherche pour une Stratégie Economique Alternative), la pratique serait "plutôt mal connue en Belgique". On peut toutefois noter l'initiative des Maisons Médicales. En mai 1968, naît en effet la première Maison Médicale autogérée du pays. Depuis, plusieurs lui ont emboîté le pas. Plus démocratique et équitable, responsabilisant, ce mode de fonctionnement ne présenterait à première vue que des avantages. Il ne faut pourtant pas oublier qu'il peut aussi comporter sa part d'ombre, entre conflits d'intérêts et lenteurs dues au processus décisionnel.
- Des projets viables ?
L'autogestion fait en tout cas recette en France. D'après le Gresea, une trentaine d'entreprises y seraient concernées chaque année. De 1998 à 2008, cela aurait permis de sauver 6.500 emplois de manière pérenne. Toujours d'après cette même étude, 60% des projets de récupération des entreprises par leurs salariés auraient une viabilité de 5 à 10 ans. Un chiffre plutôt prometteur, qui prouve que la délocalisation systématique n'est peut-être pas la seule solution pour sauver une entreprise.
Cette roue de secours, certains salariés s'y sont accrochés, souvent avec succès. C'est le cas de la petite société Sol é Vie, située à Perpignan. En juillet dernier, les employés de cette entreprise d'aide à la personne ont décidé de se lancer dans l'aventure, après l'annonce de la suppression de leurs postes. Une idée, raconte L'Indépendant, qui leur viendrait d'un simple entretien avec l'administrateur judiciaire chargé de la liquidation. Stéphanie Dell'utri, employée, l'interroge alors sur les solutions envisageables pour sauver leurs emplois. "Rachetez l'actif de l'entreprise !" répond ce dernier.
Il n'en fallait pas plus pour la convaincre. Avec le soutien de 25 fidèles collègues, Stéphanie Dell'utri fonde en septembre dernier une "Scop", à savoir, une Société Coopérative de Production. Chacun investit 20.000€. Et depuis, l'entreprise tient le coup.
D'autres exemples d'autogestion montrent une flambante réussite, comme celui de Fibrosud, aujourd'hui rebaptisée Sofi Groupe. Parce qu'ils refusent d'aller "à l'abattoir sans relever la tête", expliquent six employés de l'entreprise au Monde, ils rachètent leur entreprise. Pendant un an, ils travaillent bénévolement, pour toucher en parallèle les allocations chômage. À force de persévérance, ils parviennent à remettre la société de réparation de matériel électronique sur les rails. Mieux, celle-ci connaît une croissance à faire pâlir d'envie les chefs d'entreprise. Chiffre d'affaires en hausse, embauche: il semblerait que l'histoire de cette PME connaisse un dénouement des plus heureux.
- L'Uruguay, paradis de l'autogestion
Si les succès se multiplient, ce type d'initiative est encore restreint en Europe. De l'autre côté de l'Atlantique, en revanche, des pays regorgent d'entreprises autogérées. C'est le cas de l'Uruguay. Selon un rapport rédigé par Pablo Guerra, 37 sociétés auraient été récupérées par leurs employés durant l'année 2014.
Parmi elles, ABC, renommée ABC Coop. C'est en 2001 que les salariés de cette entreprise d'autocars ont failli tout perdre, leurs patrons, endettés, ayant tout bonnement laissé entrepôts et véhicules à l'abandon. L'association Autogestion raconte que les employés ont alors commencé à organiser des assemblées, jusqu'au jour où ils ont décidé de reprendre les rênes. Avant de faire leurs preuves, ils ont dû se frotter aux réticences de leurs anciens patrons, pas vraiment ravis de la perspective que de simples chauffeurs d'autocars puissent se sentir plus aptes à diriger une entreprise qu'eux, explique Luis Rivas. Ce secrétaire général de la coopérative en est pourtant convaincu, ils peuvent "faire mieux".
- Une entreprise sociale
Les entreprises de transport concurrentes ne voient pas non plus d'un très bon oeil cette reprise. Et ce, d'autant plus qu'ABC Coop refuse systématiquement la hausse des prix des tickets de transport, pour ne pas pénaliser la population locale. Manquant de compétitivité par rapport à ABC Coop, certaines sociétés mettent même la clé sous la porte.
Les liens étroits avec la mairie de la ville mettent l'entreprise autogérée en péril. La commune leur refuse en effet toute tentative de développement, parfois sans même présenter de raison valable. En dépit de ces obstacles, ABC Coop se porte bien. D'un point de vue économique d'abord, elle a embauché plusieurs chauffeurs. Tous ont vu leurs salaires augmenter et atteindre un très bon niveau, à hauteur d'environ "50% au-dessus de la moyenne nationale". Et puisque cette entreprise est gérée par des locaux, ces derniers font tout pour préserver leurs "tarifs populaires". ABC Coop a même récemment créé un centre culturel, et une radio communautaire.
L'autogestion, née au 19e siècle et longtemps considérée comme une pure utopie, semble donc bel et bien avoir de beaux jours devant elle.
Actuellement, le mode de gestion du travail se caractérise par un système hiérarchique, une mauvaise répartition du travail et des salaires inégaux. Face à ce constat, certains citoyens sont à bout de souffle et rêvent d’autre chose. Cet « autre chose » certains d’entre eux tentent de l’atteindre via la construction d’entreprises guidées par le concept de l’autogestion. Bien que séduisant pour de multiples raisons, le système autogéré est également traversé par des limites qui font de lui un système questionable.
Est-ce un concept « en vogue » ou une tendance qui pourrait être amenée à se généraliser ?
L’autogestion : une gestion participative et identitaire Pouvant s’incarner tant au sein d’une maison médicale, d’un centre culturel, d’une coopérative, d’un territoire, d’une communauté, d’une organisation ou d’une entreprise, le concept d’autogestion peut s’interpréter de plusieurs façons. Toutes s’accordent cependant autour de la valeur étymologique commune « gestion par et pour soi-même ». Dans cette direction, l’autogestion peut se définir comme étant : « Cette idée-force apparemment simple qui désigne une société qui se gérerait d’elle-même, c’est-à-dire dans laquelle le pouvoir serait devenu une fonction assumée par la société dans son ensemble et non plus incarnée par l’Etat comme appareil qui, issu de la société, la domine, la surplombe comme de l’extérieur, institutionnalisant la domination politique [1]» . Les entreprises autogérées L’autogestion invite ainsi à un renversement et à un regard critique des valeurs qui prédominent dans un système économique libéral et capitaliste comme par exemple la rentabilité, la concurrence ou encore la subordination. [(La « Bees Coop » : un triple engagement Imaginée par un groupe de jeunes belges, cette coopérative entend repenser la manière de consommer en créant un supermarché coopératif et participatif. En effet, se voulant une alternative à la grande distribution, ce projet fonctionne grâce à la mobilisation et à la participation active de ses membres dits « coopérateurs ». Chaque coopérateur joue 3 rôles : celui de propriétaire (achat de parts dans le projet), celui de travailleur (via un investissement d’au minimum 3 heures/mois au sein du magasin) et celui de client du magasin. )] L’enjeu des défenseurs d’un modèle autogéré étant d’accorder plus de place au principe démocratique de base qu’est l’égalité, voici quelques grandes caractéristiques de l’autogestion dans le monde de l’entreprise.
- Une égalité salariale à tout prix
Qui dit autogestion, dit rémunération salariale égale et proportionnelle entre tous les travailleurs. Ceux-ci fixent unanimement et en toute transparence le salaire qu’ils recevront en fonction de leur régime de temps de travail. Ce souci d’équité part du constat que les inégalités salariales et la recherche d’enrichissement financier personnel renforcent l’aspect hiérarchique et influencent la nature des comportements et des relations entre les travailleurs. L’objectif d’une telle entreprise n’est donc pas systématiquement de faire du profit, ni de combler un intérêt purement individuel, mais plutôt de mettre tout en œuvre pour atteindre la finalité sociale qui fait sens aux yeux de tous les travailleurs. [(Brasserie de la Lesse: une finalité solidaire et locale Dans la région de Rochefort, cette coopérative autogérée à finalité dite « sociale » produit et commercialise sa bière locale en ayant pour principaux objectifs de : créer des emplois en milieu rural, relocaliser l’économie et promouvoir les activités participatives. L’aspect social de la finalité de la brasserie se traduit donc ici par une volonté des travailleurs, non pas de recevoir le salaire le plus élevé possible, mais plutôt de réinvestir cet argent au sein de la société. )]
- Diviser pour mieux travailler, rassembler pour mieux régner
Une autre caractéristique de l’autogestion est la prise de connaissance et la participation de chaque membre de l’équipe aux multiples tâches qui s’effectuent au sein de l’entreprise. Cette rotation du travail et cette polyvalence permettent de renforcer le caractère collectif du projet autogéré et d’éviter qu’une hiérarchie de compétences ne s’installe. Concrètement, cette préoccupation se traduit par la mise en place de petites formations abordant des thèmes tels que la comptabilité, l’informatique, la prise de parole, la communication ou encore l’administration. Ces dernières permettent de compléter la formation de base des travailleurs. Dans un esprit démocratique, les dispositifs d’autogestion visent l’atteinte d’objectifs communs de bien-être social et sociétal en se basant sur des rapports humains égalitaires et sur l’épanouissement de l’individu. En proposant un système de gouvernance horizontale plutôt que hiérarchique, tout travailleur participe à la prise de décision et donc à la construction du projet autogéré. Ce partage du pouvoir renforce sa responsabilité tant individuelle que collective et le pousse à se positionner, à développer son sens critique et analytique pour finalement devenir acteur de son propre changement et de la vie professionnelle qu’il souhaite mener. [(CECOSESOLA : une organisation communautaire à 1200 Au Nord-Est du Venezuela, Cecosesola est une coopérative de services à prix accessibles. Chaque secteur s’auto-organise et se concerte hebdomadairement pour gérer son activité. Les réunions étant perçues comme une nécessité et non une obligation, chaque travailleur passe 20% de son temps de travail en réunion. Plusieurs fois par an, tous les secteurs se réunissent pour analyser la dynamique de la coopérative. Afin d’éviter les rapports de pouvoir, les postes sont rotatifs et tous les travailleurs se définissent comme « multifonctionnels ». Au sein de Cecosesola, l’objectif est d’apprendre et de se développer tant individuellement que collectivement. )] L’autogestion comporte toutefois quelques faiblesses que ne manquent pas de souligner ceux qui la qualifient de projet utopique pour deux raisons principales.
- La difficulté à regarder ensemble dans la même direction
Dans une entreprise autogérée, les intérêts des travailleurs et de l’entreprise tout entière sont communs. Cela signifie que l’intérêt collectif et le bien-être du groupe se situent à la même échelle que l’intérêt personnel et le bien-être à soi. Dans une société individualiste, ce mode de travail peut se révéler très exigeant tant il n’est pas tâche facile de penser en “je “ et en “nous” dans un même temps. L’investissement au sein d’une organisation autogérée se fait sur base volontaire et ne s’adresse pas à des personnes qui ne savent pas ou ne désirent pas travailler en concertation et en communauté. A ce stade, une question fondamentale se pose : est-il réellement possible de baser le fonctionnement d’une entreprise autour du dialogue, de l’intelligence collective et de la gouvernance horizontale ? Certains détracteurs du modèle autogéré affirment qu’il est très complexe de faire avancer démocratiquement, efficacement et sans hiérarchie un projet composé de 100 personnes. En effet, un tel partage des responsabilités dans la prise de décisions peut faire place à des tensions, des rapports de force ou des conflits d’intérêts entre les travailleurs. [(Scarabée Biocoop: une gouvernance partagée qui mitige En 2015, cette coopérative regroupant des restaurants, des magasins, un snack et un traiteur bio décide de mettre en place une organisation horizontale sans hiérarchie. Plus de 1000 rôles sont attribués à l’ensemble des 160 salariés de la coopérative. Interviewés par le quotidien “Reporterre” , certains membres de l’équipe expriment leur scepticisme par rapport à ce mode de gouvernance: trop de réunions, flottement dans l’organisation, difficulté à s’autonomiser et à s’adapter au changement ou encore manque d’accompagnement. )]
- Une course sans fin aux financements
Inévitablement, lors de la création d’entreprises autogérées, la question se pose de savoir où trouver les fonds nécessaires à leur financement. En toute logique, elles refuseront les financements issus d’investisseurs ou d’actionnaires capitalistes traditionnels susceptibles de mettre à mal leur finalité sociale et leur autonomie ainsi que leur volonté à ce que la propriété soit collective et égalitaire. Ainsi, elles se tourneront vers des modes de financement alternatifs. L’autofinancement c.-à-d. le financement de l’entreprise par les travailleurs eux-mêmes est une piste régulièrement empruntée. Malheureusement, et à long terme, elle ne suffit pas à garder l’entreprise debout. Souvent, cette dernière choisit donc également de faire appel à des dons, à contracter des emprunts auprès de banques publiques ou coopératives ou encore se tourne vers le « crowdfunding ». [(Qu’est-ce que le crowdfunding » ? Via la mise en place d’une récolte de fonds, le plus souvent en ligne, il s’agit d’un financement participatif qui consiste à faire appel à un grand nombre de citoyens afin qu’ils financent un projet spécifique qui leur tient à cœur. Ce mode de financement peut prendre plusieurs formes : le don sans contrepartie ; la récompense où, suite à sa participation financière, le citoyen reçoit une contrepartie en nature ; l’investissement participatif où il achète des parts du projet ; et le prêt auprès de particuliers ou d’un crédit public. )] Le risque dans cette recherche aux financements est non seulement de ne pas trouver de fonds suffisants mais aussi de déclencher une forme de concurrence qui éloignerait les entreprises autogérées de leurs grands principes de base. Quel avenir pour une économie autogestionnaire ? La généralisation d’un système autogéré permettrait de sortir le travailleur d’un système socio-économique au sein duquel la loi du profit maximum et du privilège des revenus de l’argent est roi. Actuellement, on observe d’ailleurs dans certains pays, un phénomène croissant de « récupération » des entreprises par leurs travailleurs. Les entreprises n’ayant plus suffisamment de capital pour éviter les licenciements ou pour survivre, sont littéralement rachetées par leurs travailleurs qui instaurent alors un mode autogestionnaire. [(Argentine : de chômeurs à salariés autonomes En 2001, l’Argentine a connu une crise économique provoquant la fermeture de nombreuses entreprises et élevant le taux de chômage à près de 18%. Pour faire face à cette catastrophe, des milliers de travailleurs ont décidé de reprendre les rênes de leur entreprise en les rachetant. A l’origine de ces initiatives de reprise et d’autogestion, le mouvement des « piqueteros » fut l’un des mouvements de chômeurs le plus emblématique de cette crise. Aujourd’hui, plus de 200 entreprises récupérées par les travailleurs sont autogérées. Et le mouvement progresse. )] En théorie et vu sous cet angle, l’autogestion a tout pour plaire. En pratique, nous l’avons vu, les choses sont pourtant moins évidentes. Premièrement, travailler dans des conditions égalitaires et dans l’esprit que propose l’autogestion a un prix. Si on suit la recette, il faut savoir mettre de côté la perspective d’un enrichissement personnel, d’une autonomie complète, d’une hiérarchie, etc. Ce qui n’est ni accessible ni au goût de tous. Deuxièmement, trouver des fonds pour mettre sur pied et pour faire vivre une entreprise autogérée et ses travailleurs, demande à ses fondateurs de recourir à des modes de financements différents et plus rares que ceux empruntés traditionnellement par les entreprises. Dans un moyen terme, l’autogestion pourrait plutôt être perçue comme une alternative pour les citoyens désireux de travailler autrement que sous le modèle de travail actuel. Ce n’est certes pas un modèle parfait, mais les échanges d’expériences et les réflexions sur ses forces et ses faiblesses peuvent l’amener à évoluer. Ses caractéristiques techniques lui permettent de vivre à côté d’autres structures de type capitaliste, y compris au niveau de l’accès aux marchés. En cette période de crise profonde de notre système capitaliste, le modèle pourrait montrer sa pertinence et devenir, comme le souligne Michel Laserre, « un mot d’ordre syndical porteur de réelle alternative » . Les gouvernements devraient alors accepter voire soutenir la transformation d’entreprises de type capitaliste en entreprises de type autogéré. [(« Poder sin poder : l’autogestion au quotidien » Durant une année, Johan Verhoeven et Edith Wustefeld sont partis à la découverte d’expériences autogérées en Amérique latine et en Espagne. Au sein d’un territoire, d’une école, d’un centre culturel, d’une radio ou encore d’une coopérative, ce webdocumentaire explore douze espaces qui ont décidé de s’organiser en autogestion. Il démontre ainsi que les domaines d’activités de l’autogestion ne se limitent pas qu’aux entreprises mais peuvent prendre forme un peu partout. )] On dit souvent qu’il faut travailler pour vivre et non vivre pour travailler. L’autogestion semble s’inscrire dans cette ère nouvelle où le bien-être occupe une place prépondérante et où s’il faut travailler pour vivre autant le faire dans les conditions qui correspondent au mode de fonctionnement de chacun.
Coraline Brodkom
Un hold-up à Stockholm
Stockholm qui a donné son nom à un syndrome psychologique Durant l'été 1973, un hold-up qui a lieu à Stockholm va mal tourner. Les braqueurs sont obligés de prendre en otage plusieurs employés qu'ils vont séquestrer durant plusieurs jours. Les négociations aboutiront finalement à la libération des otages.
- Une étrange réaction des otages
C'est la réaction des otages qui donne son nom au syndrome de Stockholm. Alors que leur vie a été sérieusement menacée par les bandits, ils vont s'interposer entre les truands et les forces de l'ordre, puis, une fois libérés, prendre leur défense en refusant de témoigner contre eux, et iront même les voir en prison comme s'il s'était agi d'amis!
Le syndrome de Stockholm a pu être ainsi observé à de nombreuses reprises, et filmé parfois dans des situations où, lors d'une prise d'otage violente et dangereuse, les otages, devant la caméra d'une équipe de télévision elle-même prise en otage, s'en prennent verbalement aux policiers. Ils soulignent avec sincérité et colère à quel point les forces de l'ordre, intervenant et négociant pourtant pour les libérer, sont à l'origine de ce qui leur arrive et incapables de comprendre les arguments des preneurs d'otages (s'ils sont pris en otage, c'est finalement de la faute des policiers!).
- Le paradoxe du syndrome de Stockholm
Le syndrome de Stockholm décrit donc une situation, fondamentalement paradoxale, où les agressés vont développer des sentiments de sympathie, d'affection, voire d'amour, de fraternité, de grande compréhension vis-à-vis de leurs agresseurs. Il y a souvent adhésion à la cause des agresseurs.
Les sentiments vis-à-vis des forces de l'ordre sont à l'inverse hostiles: les difficultés liées à leur libération vient d'eux !
- Analyse psychologique du syndrome de Stockholm
Le syndrome de Stockholm correspond à un aménagement psychologique d'une situation hautement stressante, dans laquelle la vie de l'agressé (otage, victime) est en danger. L'apaisement de leur angoisse est trouvée dans l'identification à l'agresseur.
La durée de la prise d'otage, son caractère argumenté (il y a 'une cause' à défendre par les preneurs d'otages) sont des paramètres qui entrent en compte pour expliquer la mise en place d'un syndrome de Stockholm.
Souvent, après une prise d'otages, vous pourrez constater que les otages sont soigneusement mis à l'écart, parfois pendant plusieurs jours, dans un lieu tenu secret, pour une 'reprise en main' et éviter le développement du syndrome de Stockholm
Bronnie Ware accompagne depuis de nombreuses années les malades en fin de vie. En travaillant, elle s’est rendue compte que les patients exprimaient souvent les mêmes regrets alors qu’ils approchaient de la fin. Elle en a tiré de sages enseignements qu’elle a consigné dans un livre intitulé « Les regrets des personnes mourantes ». The Guardian rapporte son analyse.
-1 : J’aurais aimé avoir le courage de vivre ma vie comme je l’entendais, et non la vie que les autres voulaient pour moi
"C’était le regret le plus courant. Quand les gens réalisent que leur vie est presque finie, ils portent un regard clairvoyant sur leur passé, et ils voient alors combien de rêves ils n’ont finalement pas réalisé. La plupart des gens n'ont pas accompli la moitié de leurs rêves, et sont morts en sachant que cela était dû aux choix qu’ils avaient fait ou non. La santé est une liberté dont bien peu de gens ont conscience jusqu’à ce qu’ils n’en disposent plus ».
-2 : J’aurais aimé ne pas m’acharner autant dans le travail
"Ce souhait a émané de tous les patients masculins que j’ai soignés. Ils regrettent de ne pas avoir étés plus là durant la jeunesse de leurs enfants ou auprès de leur conjoint. Les femmes évoquent aussi ce regret, mais pour une bonne partie de la vieille génération, beaucoup de mes patientes étaient encore à la maison ».
-3 : J’aurais aimé avoir le courage de dire mes sentiments
" Beaucoup de gens taisent leurs sentiments afin d’éviter le conflit avec les autres. En résulte qu’ils s’installent dans une existence médiocre et ne deviennent jamais ce qu’ils auraient pu être. A cause de cela, beaucoup d’entre eux développent des maladies liées à leur amertume et leurs ressentiments. »
-4 : J’aurais aimé rester en contact avec mes amis
" Souvent, les patients ne réalisent pas tout ce que peuvent leur apporter leurs vieux amis jusqu’aux dernières semaines de leur existence. Quand ils s’en rendent compte, il est souvent trop tard pour retrouver leur trace. Souvent, certains sont tellement pris par leur propre existence qu’ils ont laissé filer de précieux amis au fil des années. Beaucoup regrettent de ne pas avoir donné à leurs amis le temps qu’ils méritaient ».
-5 : J’aurais aimé m’autoriser à être plus heureux
"C’est un regret étrangement récurrent. Beaucoup ne se sont pas rendus compte durant leur vie que la joie est un choix. Ils sont restés rivés à leur comportement habituel et leurs habitudes. Ce que l’on appelle « le confort » de la familiarité a éteint leurs émotions et leur vie physique. La peur du changement leur a fait prétendre qu’ils étaient heureux ainsi, alors qu’au fond, ils rêveraient de pouvoir encore rire ou faire des bêtises dans leurs vies ».
- 45% des français recommanderaient leur entreprise à des proches pour y travailler
- Seuls 36% des français sont toujours, ou “souvent” heureux d’aller au travail le matin.
- 61% des français comptent rester dans leur entreprise dans les deux années à venir, et 19% cherchent à partir.
- 29% des travailleurs français se sentent souvent trop stressés au travail
Qualtrics, entreprise spécialisée dans les données de gestion d’expérience, dévoile aujourd’hui les résultats d’une étude menée auprès d’un panel d’employés français, de tous âges, tous niveaux de poste et tous secteurs, pour comprendre leurs motivations, leurs sources de stress, leur rapport à leurs entreprises et aussi, les manières d’apprécier davantage leur position. Pour Qualtrics, le principal critère de réussite d’une entreprise, est un écart minimal entre l’expérience perçue par les salariés et l’expérience que l’entreprise pense offrir. Des collaborateurs heureux recommandent l’entreprise, y travaillent avec plaisir et sont impliqués et loyaux. Une bonne expérience salariale débouche souvent à une bonne expérience client et donc, à une meilleure réputation de l’entreprise.
C’est donc pour apporter les premiers éléments d’enseignement aux employeurs français que Qualtrics a réalisé son étude Pulse en septembre 2018. Les technologies avancées de Qualtrics, StatsiQ, ont permis de croiser les résultats pour obtenir des informations détaillées.
Des salariés qui n’associent pas “bonheur” avec “travail”.
Lorsque l’on pose la question aux travailleurs français s’ils sont contents de se lever le matin pour aller au travail, seuls 36% d’entre eux répondent qu’ils le sont “tout le temps” ou “assez souvent”. Si l’on se cantonne uniquement à ceux “toujours” contents d’aller au travail le matin, on tombe à seulement 8%. Ces chiffres sont à relativiser toutefois avec le scepticisme à la française, car lorsque l’on demande aux salariés s’ils aiment le poste qu’ils occupent actuellement, plus de la moitié des répondants s’estiment “très satisfaits”, ou “plutôt satisfaits”.
Ces chiffres bien qu’éloquents peuvent parfois être difficiles à mettre en perspective par un manager qui souhaiterait ensuite améliorer la perception de ses employés. Qualtrics a ainsi voulu aller plus loin pour essayer d’apporter des éléments de réponse et d’orientation sur lesquels un employeur peut influer. Ainsi par exemple, des pistes de réponse peuvent se trouver dans l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Un taux sur lequel l’employeur peut influer à travers des discussions construites dans l’allègement des tâches, dans l’embauche de nouveaux membres etc. En France, près de 22% des travailleurs interrogés ne sont pas satisfaits de leur équilibre. L’étude montre que 93% des employés qui estiment travailler dans une société respectueuse de l’équilibre en la vie professionnelle et la vie personnelle souhaitent y rester plusieurs années. 60% des employés estimant que leur entreprise ne se préoccupe pas de cet équilibre prévoient, eux, de s’en aller.
Les français veulent plus de reconnaissance et d’intérêt pour leur travail.
L’étude montre à travers plusieurs réponses que les français sont en fait en quête de reconnaissance, de perspectives d’évolution, et surtout, d’un intérêt, de faire des activités auxquelles ils croient. S’il est difficile de transformer complètement le poste de tous les employés, il est toutefois possible, par le biais d’un questionnaire, d’envisager des ateliers, des groupes transverses, des formations ou même des brainstormings entre différentes personnes, pour impliquer tout le monde différemment.
Il est également possible par exemple d’impliquer toute l’équipe sur des projets habituellement réservés aux “séniors”. Un junior invité à participer à l’élaboration d’une campagne dont il devra mesurer les résultats donnera plus d’intérêt au travail, et ainsi améliorera son enthousiasme dans l’élaboration du rapport de retombées.
Les chiffres donnent en tous cas matière à réflexion aux employeurs. Près de 42% des salariés interrogés estiment ainsi que leur employeur ne leur donne jamais, ou rarement l’opportunité d’innover. A contrario, seuls 26% des salariés interrogés estiment avoir des perspectives d’évolution dans leur emploi. Enfin, 32% des personnes interrogées estiment ne jamais ou très rarement obtenir de reconnaissance lorsque leur travail est bien fait.
Pour Qualtrics, augmenter cette part liée à la reconnaissance fait partie des actions simples à mettre en œuvre par les managers pour améliorer le bonheur au travail des employés. Un employé heureux est un employé qui a envie de travailler et la qualité de son travail en sera automatiquement impactée.
Les jeunes générations sont moins fidèles et plus en demande de questionnaires de satisfaction.
Près d’un Millénial sur deux (55%) projette de rester dans l’entreprise qui l’emploie actuellement.
L’expérience management a de beaux jours devant elle. En effet, les jeunes générations de travailleurs attendent une politique d’échanges et de sondages réguliers. Ils souhaitent être écoutés et tendent à être plus regardants quant aux efforts réalisés en interne pour répondre à leurs requêtes. Le turn-over n’est pas une fatalité et les nouveaux travailleurs ne sont pas nécessairement plus frivoles que les anciens.
Des solutions et un accompagnement pour implémenter l’experience management (XM)
Qualtrics offre des solutions technologiques qui permettent aux entreprises, de manière très simple, de créer des sondages en ligne de manière intégralement personnalisée, ainsi que de stocker et traiter les réponses aisément. Au-delà des technologies, la société fournit également l’accompagnement pour initier le changement dès la prise de décision de l’entreprise suite à l’analyse des réponses reçues. Les technologies Qualtrics permettent aussi de faire ressortir les principaux insights, grâce à iQ, dopé à l’intelligence artificielle, pour guider et orienter vers des pistes d’améliorations.
De cette étude, les solutions Qualtrics ont pu tirer les enseignements suivants :
62% des personnes qui indiquent avoir confiance dans leurs équipes dirigeantes sont aussi extrêmement heureux dans leur travail.
62% des salariés qui sont systématiquement félicités pour leur bon travail sont heureux dans leur emploi.
73% des personnes ayant des opportunités de prendre des initiatives et aller au-delà de leurs tâches répétitives sont heureux à leur poste. Seuls 24% des personnes sans opportunités le sont.
94% des employés ayant des perspectives d’évolution dans leur entreprise disent qu’elles souhaitent y rester. Seuls 32% des personnes sans perspectives d’évolution souhaitent garder leur emploi actuel.
Finement analysés, ces chiffres deviennent significatifs. Les technologies Qualtrics permettent ainsi aux employeurs d’avoir des pistes d’actions concrètes pour améliorer les conditions de travail de leurs salariés.
Un sondage du groupe AEF révèle que neuf Français sur dix souhaiteraient se reconvertir ou se sont déjà reconvertis professionnellement. Une envie qui n'attend pas les années puisque 69% des moins de 30 ans y pensent déjà.
Alors que s'ouvre le salon de la reconversion professionnelle ce jeudi à Paris, un sondage* réalisé par le groupe AEF dévoile que 28% des Français se sont déjà reconvertis, soit plus d'un Français sur quatre. Ce changement d'horizon est généralement motivé par une des trois raisons suivantes: se rapprocher de ses valeurs, rebondir après un licenciement ou encore changer de poste par lassitude.
Deux tiers d'entre eux ont ainsi totalement changé de métier et 14% ont fait le choix de devenir indépendant. Autre enseignement à tirer de ce sondage, il apparaît que les cadres passent plus facilement à l'action quand il s'agit de reconversion. Un tiers d'entre eux s'est lancé, contre 23% de non-cadres.
Pour les sondés, être déterminé est indispensable pour aller au bout de sa reconversion. Viennent ensuite la «solidité du projet», l'accompagnement et la formation. Globalement, les résultats de ces reconversions sont positifs, le sondage indique que 85% des sondés se sentent plus épanouis ou ont un meilleur équilibre de vie depuis leur changement radical de vie professionnelle.
64% n'osent toujours pas franchir le pas, 8% n'y ont même jamais pensé
Il existe un cap majeur entre souhaiter se reconvertir et le faire vraiment. Prétextant souvent ne pas savoir par où commencer, 64% des Français envisageant une reconversion n'arrivent pas à se lancer. Les jeunes de moins de 30 ans sont les plus concernés par cette catégorie. Peu de temps après leur entrée dans le monde du travail, 69% d'entre eux souhaitent déjà réorienter leur carrière... sans pour autant s'en donner les moyens.
Enfin, seulement 8% des Français n'ont jamais songé à se reconvertir. Si 27% d'entre eux se sentent tout simplement épanouis dans leur métier, 49% sont immobilisés par manque d'imagination. Ils n'ont pas la moindre idée de la direction à prendre. D'autres encore estiment que le risque est trop élevé et que les démarches, notamment d'inscription à une formation professionnelle, sont trop compliquées.
L'acte II de la révolution sociale de la présidence Macron - la réforme de la formation professionnelle - vise notamment à simplifier ces procédures. En guise d'exemple, le congé individuel de formation (CIF) qui permet au salarié de s'absenter longuement de son travail pour suivre une formation tout en étant rémunéré, sera pleinement remplacé par le compte personnel de formation (CPF). Ce dernier, mis en place en 2015, simplifie le dispositif et crédite en nombre d'heures par année chaque employé souhaitant bénéficier d'une formation qualifiante ou diplômante.
- L'étude est menée sur un échantillon représentatif de 1000 actifs français, âgés de 18 ans et plus, dont: 689 personnes en emploi ; 51% de cadres, 45% de non-cadres et 4% d'autres statuts (autoentrepreneurs, artisans...) ; 70% de femmes et 30% d'hommes ; 80% du secteur privé, 20% du secteur public.
Les sondages sur le bien être au travail qui font mal
Ce n’est pas la joie chez les salariés français. Les études et autres sondages se bousculent pour le prouver. En 2017, le cabinet de recrutement Robert Half publiait une étude sur les salariés les plus heureux au monde. Résultat : les Français arrivent tout en bas du classement. Le baromètre national du Bonheur au travail révélait lui, que 23% des actifs étaient très satisfaits dans leur travail contre 18% de très insatisfaits. Plus inquiétant, 13% seraient prêts à basculer vers le mal être professionnel.
Bonheur et travail : quels sont les mécanismes pour être heureux au travail ?
Selon la Fabrique Spinoza, le think tank économique et politique, il existe 12 composantes qui contribuent au bien être des salariés et qui, manifestement ne remplissent pas les critères de satisfactions des salariés : les conditions de travail, la gouvernance, la relation à la vie privée, l’éthique et les valeurs, le management, les relations sociales, la nature du travail, la formation et les perspectives, l’organisation du travail, la rémunération et avantages, la relation au temps et la sécurité de l’emploi.
Pourquoi les Français sont malheureux au travail ?
La réponse facile serait de dire que les Français se plaignent de tout et de rien et surtout du salaire. Faux car si l’on se penche sur les statistiques de la DARES sur les conditions de travail des salariés français parus début 2018, les plus « heureux » seraient des ouvriers ou des personnes issues d’une immigration récente qui sont légèrement moins bien payés que la moyenne (1753 euros net contre 1877 euros). La question du bonheur au travail est donc bien plus complexe que la rémunération (même si elle en fait partie). Et si aujourd’hui, selon le think tank, le premier indice de satisfaction est d’avoir un bon ami au travail, cela prouve qu’il y a de nombreuses failles à combler pour rendre un salarié heureux. Car la sentence est sans appel : 51% des salariés se disent stressés, fatigués. 26% s’ennuient, et 44% ne trouvent plus de sens à leur travail (le fameux brown-out).
Quels sont donc les facteurs qui expliquent ce divorce entre les Français et le travail ?
- Le manque de reconnaissance
C’est l’élément majeur de ce désenchantement et un moteur de démotivation. Le manque de reconnaissance est aussi un problème bien français car culturellement, on a tendance à punir plutôt à qu’à encourager. Sans parler de certains managers qui pensent à tort, que féliciter un salarié équivaut à une augmentation de salaire ou une promotion. Et il ne faut pas posséder un BAC +10 pour comprendre qu’un employé encouragé est un employé heureux et donc performant.
- Les mauvaises conditions de travail
On pense évidemment à la pénibilité au travail qui concerne les salariés exposés au travail à la chaine, à des conditions difficiles, des agents dangereux, à la manutention des charges lourdes etc. L’exemple des professionnels de la santé est cependant frappant : ils subissent des contraintes liés aux horaires de nuit, au travail du week-end avec des emplois émotionnellement très lourds puisqu’ils sont quotidiennement à proximité de la maladie et de la mort. A noter que les salariés qui ont le sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité travaillent dans des structures de taille importante (de 250 à 500 salariés et plus) et concernent principalement les secteurs de l’administration publique, l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale.
- La relation avec la hiérarchie
Elle est primordiale et en corrélation directe avec le bien être au travail. Plus la relation avec la hiérarchie est bonne, plus les conflits auront un faible impact sur le bonheur au travail. L’inverse est tout aussi vrai. Statistiquement, selon la DARES, les salariés exposés aux tensions hiérarchiques travaillent dans des entreprises de 500 salariés ou plus, des lieux où il est difficile de conserver une dimension humaine et où la mission des ressources humaines est d’autant plus essentielle. À noter que le climat social est plus calme dans les entreprises de 1 à 9 salariés, il est à l’inverse très tendu dans les structures de 500 salariés et plus.
- Une charge de travail trop importante
Selon la Fabrique Spinoza, 24% des sondés sont au bord du burn-out. La crise de 2008 a nécessité des décisions radicales au sein de nombreuses entreprises. Des arbitrages qui n’ont plus nécessairement lieu d’être aujourd’hui mais qui n’empêchent pas une politique de réductions de postes face à une charge de travail accrue. Les salariés concernés travaillent dans des entreprises avec 500 salariés et plus, notamment dans l’administration publique, l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale mais aussi dans les industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution.
Les Français sont-ils davantage attachés au travail que les autres Européens ? L’exploitation des enquêtes valeurs le laisserait penser. Or une étude comparée avec d’autres enquêtes tend à montrer que cet attachement s’accompagne d’un vif souhait que le travail occupe moins de place dans leur vie. Comment expliquer cet apparent paradoxe ?
Les Français sont plus insatisfaits de leur emploi que leurs pairs européens et comptent parmi les plus stressés au monde alors que, selon de nombreux indicateurs, les conditions de travail sont en apparence favorables aux salariés. La faiblesse du dialogue au sein des entreprises ainsi que le manque de mobilité et la rigidité de notre droit du travail sont générateurs de stress pour les salariés.
Les résultats d'une enquête publiée par le spécialiste de la gestion de carrière en ligne Monster, montrent que plus d'un salarié européen sur deux envisage de réorienter sa carrière.
Selon l'une des dernières enquêtes conduite par Monster, spécialiste de la gestion de carrière en ligne, plus d'un salarié européen sur deux envisagent la possibilité de changer complètement de carrière. C'est en France que la proportion de personnes souhaitant réorienter leur parcours est la plus élevée : dans l'Hexagone, 82% des salariés interrogés se déclarent en effet prêts à changer de voie, à plus ou moins long terme, alors qu'ils ne sont que 8 % à être satisfaits de leur carrière actuelle. Une proportion équivalente d'Espagnols se déclare également tentée par une reconversion, tandis qu'en Finlande, 70% des salariés étudient la possibilité de réorienter leur parcours. Ces résultats montrent qu'à travers l'Europe entière, les salariés expriment une insatisfaction diffuse à propos de leur carrière. Bon nombre d'entre eux cherchent à explorer de nouvelles voies pour améliorer leurs conditions et leur style de travail. Preuve que les entreprises doivent travailler aux opportunités de développement professionnel de leurs collaborateurs, pour générer leur engagement et les fidéliser
La dernière étude internationale réalisée par Steelcase en partenariat avec Ipsos s’est penchée sur le lien entre l’implication des employés et la perception de leur environnement de travail. Elle conclut que non seulement l’environnement de travail a une influence sur la productivité des employés, mais également qu’il façonne leurs comportements et même leurs convictions. Steelcase invite donc les entreprises à intégrer l’espace de travail dans leur stratégie globale pour augmenter l’implication de leurs salariés.
Les 5 grands enseignements de l’étude Steelcase
L’implication des employés a été scrutée dans 17 pays et Steelcase a interrogé 12 480 participants. L’étude révèle qu’un tiers des effectifs – soit 37% – des 17 plus grandes économies au monde sont désengagés ! L’entreprise spécialisée dans le mobilier de bureau et aménagement d’espaces de travail a en tiré 5 enseignements :
L’engagement est corrélé à la satisfaction vis-à-vis de l’espace: seuls 13% des travailleurs dans le monde sont à la fois fortement engagés et très satisfaits de leur environnement. Et inversement : 11% sont en effet très insatisfaits de leurs bureaux et fortement désengagés. Aussi, la transformation de l’environnement physique et matériel peut être un outil efficace que les entreprises peuvent intégrer dans une stratégie d’amélioration globale des niveaux d’engagement.
Les employés engagés ont plus de contrôle sur leur expérience professionnelle: Steelcase constate que les employés engagés se distinguent des autres par un plus grand degré de contrôle, non seulement sur leur lieu de travail mais également sur la méthode. Ils ont la responsabilité d’avoir de « l’intimité » quand ils le souhaitent : ils peuvent choisir où et comment travailler, et gérer leurs besoins d’intimité pour se concentrer ou travailler en équipe sans être interrompu. Ils sont ainsi responsabilisés par le fonctionnement de l’entreprise et par les espaces mis à leur disposition dans l’entreprise.
Les équipements fixes sont deux fois plus répandus que les équipements mobiles: ce qui contraint d’une certaine manière la majorité des employés à être présents au bureau. Les pratiques de travail restent traditionnelles montrent une certaine difficulté à suivre le rythme des évolutions technologiques pour les entreprises. Cela pénalise certains métiers et certaines méthodes de travail qui nécessitent plus de collaboration, d’interaction et de partage d’informations que les autres.
Les modes de travail traditionnels persistent: près de deux tiers (60%) des employés déclarent travailler dans des espaces traditionnels, c’est à dire des bureaux privatifs partagés ou individuels.
Le contexte culturel influence les niveaux d’engagement : les employés les plus fortement engagés se trouvent généralement dans les économies émergentes tandis que les moins engagés sont ceux des marchés plus développés. Sur les 17 pays étudiés, la France est la dernière du classement avec le plus faible taux d’engagement et de satisfaction des salariés (5%). A contrario, l’Inde présente le plus fort taux d’engagement et de satisfaction (28%).
En France, le modèle traditionnel perdure
En France, la plupart des entreprises disposent de bureaux traditionnels, mêlant à quasi égalité espaces constitués de bureaux individuels et lieux mêlant open space et bureaux privatifs. L’accès aux espaces partagés est inégal : il est satisfaisant sur le plan des salles de réunions (68% en France/70% dans le monde) ou de pause (cafétaria, restaurants, zones de détente), mais l’est moins que dans le reste du monde concernant les espaces de travail privatifs (45% en France/53% dans le monde) ou les installations sportives (12% vs 22%).
Les entreprises contribuent à faire perdurer le modèle traditionnel : les employeurs français sont ceux qui fournissent le moins d’ordinateurs portables et de téléphones mobiles à leurs employés. Conséquence ou non : les employés français sont ceux qui travaillent le moins en dehors de l’entreprise. Cela entretient la séparation entre travail et vie privée, importante dans la culture française.
Pourtant, les employés français considèrent leur qualité de vie au travail comme la plus basse de n’importe quel pays de cette étude et jugent sévèrement les environnements physiques et la culture d’entreprise. Ils déplorent un manque de contrôle sur des aspects clés de leur expérience professionnelle et des niveaux de stress élevés.
En Inde, le bureau est un refuge
En Inde, le schéma est à peu près le même qu’en France : les espaces de travail sont généralement constitués de bureaux privatifs et fermés pour le travail individuel, combinés à des espaces partagés. 70% des employés occupent ce genre d’espaces. Mais là-bas, avoir un espace à soi, même petit et modeste, est un signal d’appartenance et d’importance : cela pourrait expliquer le haut niveau général de satisfaction vis-à-vis de l’espace selon Steelcase.
L’Inde est l’un des pays les plus densément peuplés de la planète : face à l’agitation générale des rues, des maisons et des espaces publics, on peut aisément comprendre pourquoi le bureau privatif représente un havre de paix. 73% des Indiens disent ainsi que leurs environnements de travail leur permettent de se sentir détendus et calmes, un taux supérieur à la plupart des autres pays. De plus, les entreprises locales semblent suffisamment pourvues en espaces partagés – salles de réunion, des cafétérias ou des zones de restauration – et les employés indiens sont ceux qui ont l’accès le plus important à des installations sportives (43 % contre 22% internationalement et contre seulement 12% en France).
Enfin, cette perception extrêmement positive des espaces de travail qu’ont les employés indiens – bien que leurs espaces de travail ne soient pas nécessairement meilleurs qu’ailleurs – est sans aucun doute influencée par les conditions relativement modestes dans lesquelles ils vivent. Ainsi, à l’un et l’autre bout du monde, les uns sont de plus en plus insatisfaits et les autres se contentent de peu…
L'abolition du travail salarié est une revendication révolutionnaire issue des courants marxistes et anarchistes. Il s'agit d'une nouvelle répartition des richesses par la mise en commun de ces dernières, que chacun puisse obtenir suffisamment pour subvenir à ses besoins à condition qu'il contribue sa force de travail pour le bien de l'humanité.
Bien que l'abolition du travail salarié soit un concept important de la pensée marxienne, elle n'a jamais fait l'objet de mise en pratique, sauf dans quelques collectivités libertaires espagnoles en 1936 et au début de 19371,2. Durant la révolution russe de 1917, le parti Bolchevik a employé l'argumentation marxiste contre la petite propriété, mais n'a pas aboli le salariat.
I - La construction progressive de la société salariale
A - D’un salariat « indigne »
L’ expression « indigne salariat » est utilisée par Robert Castel dans Les métamorphoses de la question sociale (1995). Sous l’Ancien Régime, les métiers jugés « dignes » étaient réglementés par les corporations qui traçaient une ligne de partage entre les « gens de métier » (professions libérales, hommes de loi, médecins, charpentiers, armuriers, etc.) et les « gens de peine » (journaliers, domestiques, manœuvres,...). Tous les membres des corporations, qu’ils soient maîtres, compagnons ou apprentis, bénéficiaient d’une protection, alors que les seconds n’avaient aucun statut.
Avec la révolution industrielle, la critique du salariat s’amplifie. Sismondi (1773-1842) montre dans les années 1820 qu’avec le salariat, c’est la société toute entière qui se soumet au principe de rentabilisation du capital. Cette critique est amplifiée par Marx (1818-1883) : pour lui, le salariat est une forme atténuée d’esclavage puisque, en vendant sa force de travail, le salarié perd tout droit sur le produit de son travail ainsi que la maîtrise des conditions d’exécution. Théoriquement, le rapport salarial suppose la liberté du travailleur et l'égalité juridique entre l’employeur et le salarié. En réalité, cette égalité et cette liberté sur le marché du travail ne sont que des fictions, puisque les prolétaires n'ont que leurs bras pour subsister et n'ont aucune liberté. Au moment de la révolution industrielle, il existe des contrats de louage de service quand le travail est payé au temps et des contrats de louage d'ouvrage quand le travail est payé à la pièce. Mais les salariés ne bénéficient d'aucune protection sociale, en cas de maladie ou de privation de leur capacité de travail. Par ailleurs, en raison du déséquilibre fondamental entre le travail et le capital, les salaires sont proches du minimum de subsistance, permettant tout juste comme son nom l'indique la reproduction du travailleur et de sa famille. Dans les faits, les salariés n'étaient pas totalement démunis, puisqu'ils faisaient preuve de mobilité entre les sites de production, toujours à la recherche de meilleurs salaires. Mais les employeurs n'avaient de cesse de réduire cette mobilité du travail, par l'intermédiaire du « livret ouvrier », et aussi par l'institution du patronage.
B - A la création de la société salariale
C'est avec l'apparition du contrat de travail et le développement des droits sociaux que le salariat change de signification. Le premier droit social est obtenu par la loi du 09 avril 1898, qui concerne les accidents du travail dont sont victimes les ouvriers. C'est la naissance du « risque professionnel » qui attribue aux ouvriers une indemnité de compensation par l’employeur en cas de diminution ou de perte de capacité de travail suite à un accident, et qui reconnaît aussi de fait le principe de subordination de l'employé à l'employeur. La loi de 1898 modifie le modèle juridique qui règle la relation de travail en établissant la responsabilité du chef d'entreprise. Par l'affirmation de l'inégalité de la relation contractuelle de travail, on reconnaît en même temps la responsabilité des employeurs à l'égard de leurs salariés, et on ouvre ainsi la porte au financement des droits sociaux qui vont s'étendre tout au long du XXème siècle avec les lois d'assurance sociale (retraites, maladie, chômage,...). Avec le salariat né de la reconnaissance juridique de la subordination de l'employé à l'employeur, le statut de chômeur peut par exemple apparaître (chômage comme rupture du contrat de travail).
Progressivement, au cours du XXème siècle, le salariat devient le centre de la société et le pilier de l'intégration sociale. En 1975, les salariés représentent déjà 82% de la population active. En 2006, cette proportion est de 89%. Aujourd'hui encore, en 2015, la France compte plus de 24 millions de salariés, contre seulement 2,6 millions de travailleurs non salariés. C'est grâce au travail salarié que beaucoup de personnes se protègent des aléas de la vie et construisent leur avenir. Le travail, au-delà de sa fonction de production des richesses, assure une fonction de protection sociale par le biais des cotisations sociales assises sur celui-ci. Par ailleurs, le salariat a été un facteur important du changement social. Il a permis de dépasser l'opposition entre le travail et le capital qui caractérisait le XIXème siècle, puisque de nos jours le salariat peut procurer des revenus élevés, des positions de pouvoir et de prestige. Il a été aussi à l'origine de ce que Henri Mendras (1927-2003) a appelé « La Seconde révolution française » (1988) , c'est-à-dire d'un renouvellement profond des valeurs et des normes dans toutes les sphères de la vie sociale comme la famille, le travail, ou encore l'éducation (valeurs de permissivité, de tolérance, de respect de la différence,..). Ces valeurs sont généralement portées par la « constellation centrale », essentiellement composée des salariés moyens, qui sont dans le second XXème siècle un foyer d'innovation sociale et morale qui influence profondément l'ensemble de la société.
II - La remise en cause du salariat
A - Une nouvelle réalité du travail
La désaffection croissante pour le travail salarié s'explique d'abord parce-que le salariat ne correspond plus tout à fait au système productif actuel. Alors que le modèle fordiste impliquait la grande taille synonyme d'économies d'échelle, la stabilité et la durée dans le temps, le nouveau modèle productif exige au contraire vitesse et adaptabilité. Cela a pour conséquence une recherche de la flexibilité de la part des entreprises. Dans ce contexte, le cadre protecteur du salariat ne semble plus adéquat. Une relation durable entre un salarié et une entreprise ne correspond plus au fonctionnement des marchés caractérisé par la concurrence, la compétition et le changement permanent. Pour éviter des pertes, l'entreprise doit pouvoir adapter sa masse salariale dans un délai très court (externalisations, restructurations, suppressions de postes). De plus, le cadre protecteur du salariat n'est pas propice à l'engagement professionnel, entraînant plutôt des réflexes de repli catégoriel et de résistance au changement. Or, l'économie tertiarisée exige plutôt initiative, agilité et autonomie. Il n'est plus demandé au salarié d'effectuer des tâches standardisées et répétitives, mais de mettre à la disposition de son employeur sa créativité, sa réactivité, et aussi sa personnalité. Le lien de subordination fait d'obéissance et de contrôle devient alors totalement contre-productif.
Dans cette nouvelle donne, le contrat classique de travail devient obsolète. Robert Castel a parfaitement résumé cette évolution avec les expressions « effritement de la condition salariale » on encore « déstabilisation des stables ». Depuis les années 1980, les formes particulières d'emploi (contrats à durée déterminée, travail intérimaire, travail à temps partiel, emplois aidés) ne cessent de se développer. Alors que ces formes particulières d'emploi ne représentaient en 1983 que 2,6% des emplois salariés, dès 2006 elles rassemblent environ 3 millions de personnes, soit 12% de la population active occupée.Aujourd'hui, le contrat à durée indéterminée n'occupe plus que 70% du salariat, soit 16,8 millions de personnes. Et l'emploi « classique » ne se superpose pas à ces chiffres, car en toute logique il faudrait décompter de ces 16,8 millions le nombre élevé de salariés qui tout en étant en contrat à durée indéterminée télétravaillent ou ont des horaires atypiques. Au-delà de ces formes particulières d'emploi, on peut considérer que c'est le pacte sous-jacent qui liait un employeur à un salarié qui est devenu léonin. De nos jours, le contrat à durée indéterminée ne protège plus les salariés puisque dans un environnement, économique où la durée de vie des entreprises ne cesse de se raccourcir, détenir un tel contrat ne garantit plus un emploi à vie . De plus, ce contrat à durée indéterminée a perdu nombre de ses avantages. La hausse des cotisations s'affirme alors que les prestations sociales ont tendance à diminuer. Les carrières ne se déroulent plus au rythme de l'ancienneté. Et bien souvent, l'emploi salarié est désormais associé à une certaine souffrance au travail : cadences élevées, management par le stress, voire burn-out......
B - Un regain de l'activité non salariée
Le déclin du salariat peut aussi se voir dans le revirement d'une tendance lourde à la régression des effectifs non salariés. Les non salariés regroupent les travailleurs indépendants (artisans, professions libérales, agriculteurs), les employeurs, les aides familiaux. Le non salariat est défini par les caractéristiques inverses à celles du salariat, à savoir la non subordination hiérarchique du travailleur et la possession d'une clientèle propre. En 1970, on comptait 4,3 millions de non salariés. En 2006, ce chiffre est de 2,2 millions, soit une division par deux. Cette diminution s'arrête en 2002 et le nombre de non salariés a tendance à augmenter depuis, surtout que la baisse du nombre des non salariés depuis les années 1970 s'expliquait avant tout par la diminution du nombre d'agriculteurs et de petits commerçants (notamment dans l'alimentation en raison de l'apparition des grandes surfaces). Ainsi la part de l'emploi non salarié des secteurs marchands non agricoles avait déjà augmenté de 1989 à 1998 (de 7,8% à 9,2% de la population active). Aujourd'hui, en 2015, il y a 2,6 millions de travailleurs indépendants qui représentent environ 10%de la population active. Parmi ceux-ci, l'essor du nombre d'auto-entrepreneurs depuis la création du statut (en 2009) a été spectaculaire, atteignant près d'un million de personnes.
La montée des travailleurs non salariés dans la population active correspond à la fois aux besoins de l'appareil productif et aux besoins de l'individu. Du côté de l'appareil productif, on observe en effet que la relation contractuelle entre un travailleur et un employeur devient de plus en plus complexe puisqu'une personne peut maintenant occuper plusieurs emplois à la fois (à travers la multiactivité), et aussi parce-que le développement de l'externalisation et de la sous-traitance font que de plus en plus de personnes travaillent dans un lieu distinct de celui de leur employeur légal. La déspatialisation du travail, rendue possible par la diffusion des nouvelles technologies, affecte bon nombre de métiers, comme ceux de consultants, d'auditeurs, d'informaticiens, détachés de leur entreprise pour intervenir chez des clients. Du côté des besoins de l'individu, l'extension du travail hors salariat correspond aussi à des choix assumés : l'individu veut pouvoir maintenant définir le cadre de sa relation d'emploi et personnaliser ses conditions de travail. Selon le rapport Le travail à temps partiel en 2011 (Ministère du travail, janvier 2013), 52% des Français voudraient pouvoir travailler de chez eux et 68% des salariés à temps partiel déclarent avoir choisi ce mode de travail, le plus souvent pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Désormais, sur les lieux de travail, la dimension « épanouissement personnel » devient aussi importante que la dimension instrumentale. (« gagner sa vie »). Ceci accroît considérablement l'attractivité du travail non salarié, notamment chez les jeunes : 43% des 16 à 19 ans souhaitent être indépendants.
Ces mutations structurelles ont déjà commencé à bouleverser les parcours professionnels qui deviennent discontinus. Le parcours typique d'un travailleur du XXIème siècle sera de commencer à travailler en intérim ou en contrat à durée déterminée, puis en contrat à durée indéterminée, avec ensuite des phases de chômage, de formation, de reclassement, et peut-être aussi de travailleur indépendant pour s' assurer des revenus complémentaires. En tout cas, ces carrières protéiformes obligeront à repenser les modes d'accès à la Sécurité sociale et aux caisses de retraite, car cette souplesse accrue des individus au cours de leur vie professionnelle ne doit pas se faire à leur détriment.
Conclusion
Pour certains, le développement du travail hors salariat est une régression historique, un retour à la période antérieure aux Trente Glorieuses. Il est vrai que l'essor de ce type d'emploi fait craindre le danger de revenir à une marchandisation du travail sous la forme d'un labeur à la demande payé en fonction des tâches effectuées, ce qui serait une sorte de retour au statut de « travailleur journalier ». Il est vrai aussi que le travail indépendant juridiquement peut être en fait un travail économiquement très dépendant. C'est le cas ce ceux qui travaillent sous l'autorité d'un seul client et sous sa supervision directe. Dans certains secteurs d'activités, le risque de dépendance est véritable, et notamment dans les secteurs de la construction, de la santé, des services à la personne, des activités culturelles.
Toutefois, on peut aussi considérer avec Denis Pennel (Vers la fin du salariat, Sociétal, 2015) qu'au contraire c'est la généralisation du salariat au XXème siècle qui a constitué une anomalie dans l'histoire économique et sociale. En effet , jusqu'en 1930 en France mais aussi dans bon nombre de pays développés , la forme d'emploi dominante était le travail indépendant. C'est la raison pour laquelle il faut accepter la remise en cause du salariat à laquelle nous assistons de nos jours. Le salariat ne disparaîtra pas, mais il va s'intégrer à une diversification de la relation de travail entre travail subordonné et travail indépendant. Il y aura toujours des salariés classiques, mais aussi des salariés indirects (intérim, sous-traitance,...), des travailleurs indépendants (auto-entrepreneurs, chefs d'entreprise, professions libérales,..), et aussi des « contrats de service », sans compter des formes d'hybridation comme la pluriactivité (cumul d'un emploi salarié et d'une activuté indépendante), des emplois qui s'inscrivent dans le champ du salariat et qui se rapprochent cependant du travail indépendant (portage salarial par exemple), ou inversement des formes de travail indépendant qui maintiennent un lien de subordination (gérants non salariés de succursales de commerce de détail par exemple).
Quoiqu’il en soit, il est nécessaire d'évoluer vers de nouvelles formes de sécurité qui protègent les personnes plus que les emplois, afin de faciliter les transitions professionnelles. C'est ce que proposait déjà Jean Boissonnat il y a 20 ans avec son « contrat d'activité » (Le travail dans 20 ans, Commissariat général du plan, octobre 1995). Dans le cadre de cette sécurisation du parcours professionnel, il faut donner à l'individu des droits lui procurant une maîtrise sur l'évolution de sa carrière et sur les accidents de parcours. Cela signifie que les droits en question ne s'envisagent pas seulement dans le cadre du contrat de travail, mais peuvent être transférables, organisés sous la forme de comptes individuels de formation, de droits de tirage sociaux...
Pour conclure avec Denis Pennel, on peut dire que « face à la fin de l'unité de temps, de lieu et d'action du travail, il est urgent de construire un nouveau contrat social qui ne repose plus sur le salariat mais sur la citoyenneté ».
A l’occasion de la sortie de Sociétal 2016 (Eyrolles 25 euros), revue de l’Institut de l’entreprise, l’économiste Jean-Marc Daniel qui a dirigé l’ouvrage explique les grands enjeux de la révolution numérique qui bouleverse des pans entiers de l’économie dont l’organisation du salariat. Il vient par ailleurs de publier Valls, Macron: le socialisme de l'excellence à la française (François Bourin 20 euros).
On annonce la mort du salariat. Est-ce une réalité ou un mirage?
Il est vrai que pour l’instant, plus de 90% des travailleurs français sont des salariés. Mais d’ici à 50 ans, nous allons nous retrouver avec 50% de travailleurs indépendants. Le temps où des armées d’ouvriers se lèvent tôt pour aller pointer dans une usine est révolu. Aujourd’hui, le capitalisme 2, 3 puis n point zéro se caractérise par la multi-activité où la figure de l’autoentrepreneur est centrale. Il faut réfléchir à ce qu'est la relation salariale à l'aune de cette société. Il est devenu nécessaire d'assouplir le contrat de travail né pendant l'ère industrielle.
Quelles sont les caractéristiques de cette société post-salariat?
La France du Bon Coin et de Blablacar annonce à plus long terme une redéfinition profonde des relations sociales autour de la généralisation de la négociation. Par exemple, jadis une personne aidait par simple générosité son voisin à déménager ou à monter un meuble Ikea. Aujourd’hui, avec des plateformes comme Le Bon Coin, il peut monnayer son service. Nous allons vers un renforcement des relations contractuelles au détriment des relations hiérarchiques qui caractérisent la société du salariat. Autrement dit, demain il sera plus facile de trouver un client qu’un emploi.
L’enjeu à venir n’est-il pas l’adaptation du code du travail?
Oui, tout à fait. Le droit social s’est développé sous l’ère de la société industrielle. Mais aujourd’hui avec les bouleversements de l’économie numérique, il apparaît un peu désuet. Surtout, il ne répond plus au besoin des salariés free-lance qui, eux, ne sont pas protégés par les articles du code du travail. Le grand débat est donc d’attacher des droits à la personne et non aux contrats de travail.
Vous annoncez également la mort de la sécurité sociale?
La fin programmée d’une société régie uniquement par le salariat et le contrat de travail va engendrer la mort de la sécurité sociale telle qu’elle est aujourd’hui. En effet, comment financer une protection sociale basée sur les cotisations sociales des salariés? Il va être nécessaire de réorganiser les transferts de solidarité. Le revenu universel peut être une solution. La Finlande est d’ailleurs en train de réfléchir à cela.
Comment expliquer les réticences liées à des plateformes comme Uber?
Il y a cette vision que la nouvelle économie du numérique va engendrer de grandes destructions d’emploi et qu'une partie non négligeable de personne va se retrouver au chômage. Or, je crois au contraire que l’emploi crée de l’emploi. Vous savez en 1812, Lord Byron, dans une déclaration à la Chambre des communes, déclarait que les machines représentaient un danger pour l’humanité parce qu’elles allaient détruire des emplois. C’était le temps des luddites, ces bandes d’ouvriers du textile qui mettaient à sac des usines. On assiste en France à la résurgence de ce phénomène dans certain secteur de l’économie où des acteurs sont menacés par l’arrivée de nouveaux entrants.
En quoi la société numérique est-elle une société de concurrence quasi pure et parfaite?
Il faut se souvenir du commissaire-priseur Walrassien, du nom de l'économiste français du 19ème siècle. Cet être mythique de la pensée économique informe en temps réel le consommateur de la possibilité de trouver mieux et moins cher que dans le magasin où il est. Joseph Schumpeter (père du concept de destruction créatrice de la valeur) l'avait critiqué sévèrement en jugeant l'idée intéressante sur le plan intellectuel mais trop éloignée de la réalité. Or, aujourd'hui le commissaire-priseur Walrassien existe grâce aux smartphones et aux nouvelles technologies de l'information. Nous vivons dans une société de concurrence quasi pure et parfaite qui libère le consommateur et met la pression sur le producteur obligé de se réorganiser.
ENTRETIEN. Le salariat aurait-il fait son temps ? Souvent considéré comme le Graal de la stabilité de l'emploi dans un monde instable, le salariat pourrait bien être en train de vivre ses derniers instants. Selon Denis Pennel, une chose est sûre : la révolution du travail n'aura pas lieu là où on l'attend.
Pennel1Alors que l'économie mondiale se stabilise, la crise de l'emploi continue d'occuper le devant de la scène. Pourtant, pour Denis Pennel, directeur général de la Ciett et auteur de Travailler pour soi (2013), derrière cet aspect conjoncturel, une révolution structurelle du travail est en train de bousculer les usages. Rencontre à l'occasion de la publication du rapport annuel de la Ciett, confédération mondiale des agences d'emploi privées.
Le thème de votre livre de 2013, Travailler pour soi (Seuil – 2013) parlait de cette révolution du travail hors-salariat. Comment se manifeste-t-elle aujourd’hui ? Vous avez notamment dit: "Nous vivons moins une crise de l’emploi qu’une révolution du travail."
Bien sûr, nos politiques sont là pour gérer la mauvaise conjoncture de l’emploi qui fait sans cesse la une des journaux. Cette dimension conjoncturelle du chômage, il faut la gérer. Mais il ne faut pas que cela éclipse une dimension plus structurelle : nous vivons une vraie révolution du travail ! La façon de travailler n’est plus la même qu’il y 10 ou 20 ans et même au sein de la relation salariale, nous avons assisté à une profonde dé-standardisation et à une diversification de la façon de travailler.
"Cette dimension conjoncturelle du chômage, il faut la gérer. Mais il ne faut pas que cela éclipse une dimension plus structurelle : nous vivons une révolution du travail !"
Aujourd’hui, même un CDI ne veut plus dire un emploi à vie : un tiers est rompu au bout d’un an ! La moitié des salariés travaille déjà le samedi, et un tiers le dimanche. Pour une majorité de personnes, la « journée type » du travailleur salarié de la période fordiste, du lundi au vendredi de 9H à 17h, ça ne veut strictement plus rien dire ! Que ce soit à travers le développement des temps partiels, des équipes de nuit et du travail le week-end, les choses changent - et malheureusement, tout le monde ne s’en rend pas compte !
- Vous semblez dire que cette révolution du travail n’est pas toujours perçue dans toute son ampleur.
Travailler pour soiEn France, nous avons un vrai problème de représentation du marché du travail, en particulier chez les politiques. Les politiques, et les Français en général, aiment se représenter le travail comme quelque chose de très standardisé : d’un côté, le paradis du CDI, de l’autre côté, ce qu’on appelle à tort "l’emploi précaire" où l’on range tout ce qui n’est pas CDI à temps plein, en relation directe avec un employeur. Cette vision est fausse car elle est périmée ! La réalité est aujourd’hui bien plus complexe : au sein même du salariat, il y a une dé-standardisation et une diversification des formes d’emploi et il y a clairement un développement des formes d’emploi en CDD, intérim et autres. Aujourd’hui, il faut l’admettre : la grande révolution du travail aura lieu hors du salariat !
- En quoi consiste cette révolution du travail si elle ne touche pas le salariat ?
Disons que les choses s’inversent : on voit des indépendants qui n’ont qu’un seul client, et qui sont de facto dans une relation de subordination. Inversement, il y a de plus en plus de salariés qui sont dans une relation d’autonomie et de responsabilité où on leur laisse de plus en plus les mains libres pour faire le travail, ce sont de véritables « salariés sans patron ». Est-ce encore une relation salariale ? C’est une hybridation.
"Ce n’est pas le CDI qui est le Graal, et les autres formes d’emploi qui sont à ranger dans la case 'précaire'. C’est tout le monde du travail qui se complexifie."
Le ministre François Rebsamen a déclaré que, finalement, la relation de subordination n’était peut-être plus la base d’une relation salariale, et tout le monde s’est offusqué. Selon moi, il a raison : ce n’est plus la subordination qui est la base pour juger de l’existence d’une relation salariale, ou non. Les frontières entre travail indépendant et travail salarié sont devenues poreuses et confuses. C’est tout le monde du travail qui se complexifie, qui se diversifie… Voilà la révolution du marché du travail aujourd’hui. Ce n’est pas le CDI qui est le Graal, et les autres formes d’emploi qui sont à ranger dans la case "précaire".
- Une évolution, certes, mais dans quelle direction ?
De plus en plus, nous allons tendre vers la multi-activité. Pour expliquer cette tendance, j’aime citer cette phrase : mon père a travaillé toute sa vie dans la même entreprise. Moi, j’aurai eu sept emplois différents au cours de ma carrière. Nos enfants vont avoir sept emplois, mais en même temps ! Ils auront plusieurs sources de revenus : par exemple un travail salarié à temps partiel, une activité indépendante, type cours du soir et une activité commerciale occasionnelle sur e-Bay ou sur Airbnb…. C’est ça, la multi-activité.
- Une révolution de l’activité, donc, mais aussi… de l’inactivité ?
Tout à fait. Aujourd’hui, emploi et travail sont de plus en plus déconnectés : vous pouvez avoir des activités professionnelles variées sans pour autant avoir un emploi. Cela va plus loin, car l’emploi est aussi de plus en plus déconnecté… du revenu.
"Mon père a travaillé toute sa vie dans la même entreprise. Moi, j’aurai eu sept emplois différents au cours de ma carrière. Nos enfants vont avoir sept emplois, mais en même temps !"
Récemment, une étude de l’Insee montrait que les revenus liés au travail ne représentaient que 45% du total des ressources financières des ménages. Le reste des revenus provient des prestations sociales (25%), transferts sociaux en nature (éducation, santé) pour 23%, revenus du capital (intérêts, dividendes, rendement de biens immobiliers) pour 9%.… Ainsi, comme vous le faites remarquer, cela pose la question du chômage : est-ce que vous êtes chômeur parce que vous n’avez pas de travail ou parce que vous avez, tout simplement, d’autres sources de revenus ?
- Cette déconnexion concerne-t-elle les nouvelles formes de travail collaboratif et gratuit ?
Oui, c’est un sujet qui monte. Cela passe par exemple par le crowdfunding ou encore les hackathons où les participants ne sont pas payés alors qu’ils travaillent sur des projets communs. Cela se ressent aussi du côté des entreprises, car on demande de plus en plus à l’usager de faire une partie du travail : vous, en tant que client, vous vous acquittez d’un travail non rémunéré quand, par exemple, vous imprimez votre billets de train, ce qui était autrefois du ressort du guichetier de la SNCF ! Autre exemple : Wikipédia fonctionne de façon très performante et a été entièrement conçu bénévolement. Une chose est sûre : le travail gratuit va devoir être identifié et reconnu à l’avenir.
"Savez-vous que l’année dernière, plus de 17 millions de personnes ont réussi à trouver un emploi permanent à travers les services privés des agences d’emploi ?"
Et au sommet de cette tendance, certains parlent même d’un Revenu minimal d’activité pour tous, qui serait la concrétisation dernière de cette tendance de déconnexion entre travail et revenu.
- Dans ce contexte complexe, êtes vous optimiste sur le rôle de votre secteur sur le marché de l’emploi ?
Je suis très optimiste quant à l’avenir des agences d’emplois privés, tant en matière d’intérim que de nouveaux services (outplacement, RPO…). Avec le rapport 2014 de la Ciett, nous constatons que les entreprises prennent de plus en plus conscience que le recrutement, c’est un métier et que cela demande des compétences très spécifiques. Dans cette ère d’hyper spécialisation, avoir des RH dans l’entreprise, qu’il faut former et faire évoluer, est souvent trop complexe, et parfois inefficace. Ainsi, de la même manière qu’elles peuvent faire appel à des prestataires pour gérer leurs comptes financiers, elles se rendent compte que les ressources humaines peuvent à leur tour être externalisées.
Au final, le RPO est un marché en explosion avec un chiffre d’affaire annuel de 4 milliards de dollars. Et les taux de croissance sont très significatifs ! Pour les agences d’emplois dans leur ensemble, c’est un moyen de valoriser toute l’étendue des activités et de montrer qu’elles ont un vrai rôle à jouer dans l’accompagnement vers l’emploi. Savez-vous que l’année dernière, plus de 17 millions de personnes ont réussi à trouver un emploi permanent à travers les services privés des agences d’emplois ? Notre secteur est là pour accompagner le changement lié à l’émergence d’un nouveau monde du travail !
Le salariat, un astre mort ? Il continue de nous éclairer et de nous rassurer mais son cycle de vie se termine. Il suffit pour s'en convaincre de retracer l'actualité sociale de ces derniers mois : les plans de départ volontaires et les plans de licenciements se multiplient dans un marché qui n'offre que peu de perspectives de retour à l'emploi traditionnel, autrement dit, qui impose à chacun de réinventer son emploi, ou plutôt d'inventer son activité.
Car la nuance entre « emploi » et « activité » est de taille désormais : « le salariat, c'est une forme marchande de l'activité. Pour certains aujourd'hui, par un renversement des valeurs, c'est devenu un simple moyen d'accès à des droits sociaux et il n'appelle pas plus d'investissement que cela. Le salariat va, de plus en plus, être confronté à la concurrence de l'activité », prédit Jean-Pierre Gaudard, dans « la fin du salariat » qui vient de paraître chez François Bourin Editeur. Et de raconter qu'il peut comme expert échanger avec des pairs sur Internet, rédiger son blog, écrire une fiche sur Wikipédia, aider un projet associatif tout en vendant par ailleurs les mêmes compétences en tant que free lance ou salarié d'une entreprise.
Selon ce spécialiste des questions économiques et industrielles, ancien rédacteur en chef à l'Usine Nouvelle, « le travail sous sa forme salariale, n'occupe plus du tout l'espace économique et social, encore moins l'imaginaire, sauf pour les plus démunis, les moins bien formés, les moins aptes à affronter l'incertitude et les aléas de notre société».
- Le pacte "protection contre subordination" a vécu
Depuis deux siècles, la révolution industrielle a imposé le modèle salarial. Mais la crise de l'emploi alliée à un profond changement de société et des mentalités, à de nouvelles exigences de compétitivité, aux révolutions technologiques, a progressivement modifié notre rapport au travail. Et avec lui tout le modèle social, entraînant dans sa chute le salariat.
« C'est la fin d'une organisation sociale qui a modelé la société industrielle depuis le XIXème siècle. Le salariat s'est imposé grâce à l'essor de la révolution industrielle. Les droits qu'il a fait naître sont indissociables de l'idéal politique démocratique. Mais ces droits étaient collectifs, à vocation universelle, avant que les droits de chaque individu ne supplantent dans l'imaginaire collectif les droits de l'homme. Ce n'est pas seulement l'emploi à vie qui disparaît. Le pacte social entre patrons et salariés, qui reposait sur l'échange « protection contre subordination » a vécu. Les structures hiérarchiques sont discréditées, le pouvoir et l'autonomie des individus prennent le dessus », poursuit Jean-Pierre Gaudard.
Ce constat, on l'observe tous les jours : derrière l'essor du télétravail, du recours massif à la sous-traitance, du succès croissant de l'auto-entrepreneuriat, c'est l'individualisation qui dicte sa loi, au travers de laquelle on ne compte plus que sur son réseau Facebook et Linkedin et où il n'est plus rare de croiser plusieurs jobs. C'est la nouvelle économie du « free lance » promise selon Jean-Pierre Gaudard à un bel avenir et dont les seniors sont « l'armée de réserve » et les élites intellectuels, actifs urbains, le c?ur du réacteur. Ceux que le professeur américain Richard Florida désigne sous le nom de « classe créative » : scientifiques, enseignants, intellectuels, designers, professionnels du droit, de la finance. Les bac +, ferment de la société de la connaissance, qui sont en train redéfinir le rapport au travail, entre coopération intermittente et succession de projets ponctuels. « Cette auto-organisation constitue un tournant majeur après des siècles de croyance dans une autorité hiérarchique, le patron, l'entreprise, l'Etat, les syndicats, plus généralement toutes les institutions ».
- Un modèle plus contraignant qu'innovant
Revers de la médaille, ces « liens faibles », dont parle Jean-Pierre Gaudard, créés par ces nouvelles formes de travail, impliquent aussi des engagements faibles : « Google gère ses employés comme des lignes dans un tableau Excel. En retour les recruteurs constatent que les candidats sont moins motivés et ne font que se tester sur le marché »
Rien d'étonnant dans ces conditions qu'il soit devenu difficile de mobiliser les troupes dans les entreprises. D'autant que celles-ci se sont également tournées vers un mode projet et privilégient allègement des coûts et vision à court terme. « Les aspirations à l'autonomie de l'individu, qui jouent un rôle moteur dans la fin de la société salariale sont, d'une certaine manière, la résurgence de cette contestation du contrôle total qu'a imposé le modèle industriel et qu'il ne peut plus justifier à partir du moment où sa contrepartie, assurer une sécurité de l'emploi, n'existe plus ». Ainsi le salarié s'est-il individualisé au prix d'un effort colossal d'adaptation permanente, créant un hiatus entre autonomie et système salarial. La responsabilisation n'ayant pas suivi au sein des entreprises, le modèle du travail salarié est apparu plus contraignant qu'innovant, ne permettant pas à l'individu de « se réaliser ».
Résultat : le salariat répond de plus en plus mal aux attentes des actifs, surtout les jeunes « Y » prêt à changer d'emploi dès qu'il ne leur convient plus. « Il semble que, pour une bonne partie de la société, à commencer par les catégories les plus instruites et cette fameuse « classe créative », l'aspiration à l'autonomie soit plus forte que les inconforts de la précarité », estime Jean-Pierre Gaudard. Vrai pour les mieux armés, beaucoup moins sûr pour ceux qui rencontrent une difficulté quelconque dans un moment de leur vie (divorce, maladie, deuil) et les moins diplômés.
D'ailleurs, si toutes les catégories sociales sont affectées par l'effritement de la société salariale, elles ne le sont pas de manière homogène. Apparaît dès lors une concurrence des « egos » et le retour du « travail à la tâche ». « Peut-être que l'avenir appartient aux slashers s'interroge Jean-Pierre Gaudard ? Cet anglicisme désigne ceux qui cumulent plusieurs activités : graphiste/céramiste, journaliste/producteur, coach/consultant ... « Les slashers incarnent une vision transformée du monde du travail, ayant intégré la précarité comme mode d'emploi et ne rêvant plus de salaires mirobolants mais juste les conditions d'une vie épanouie ». Faute d'avoir su garder cet élan de solidarité qui faisait le charme du salariat, les entreprises, en ne misant que sur la « gestion des talents », ont sacrifié sur l'autel du retour sur investissement rapide les valeurs de cohésion du travail salarié. Leur conception essentiellement utilitariste de leurs salariés corrélée à la montée des désirs des individus, à la nécessité de faire face aux aléas de l'économie, et à sa « vitualisation » signent le délitement du salariat. « C'est de notre capacité à faire revivre les vraies solidarités de proximité, de redonner leur légitimité aux communautés, que dépend l'avenir », en conclut Jean-Pierre Gaudard.