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L'osmose ou comment extraire l'énergie dans l'eau salée
12/01/2015
Lydéric Bocquet
LPS, ENS Paris
Delphine Chareyron
Résumé
Cet article présente le phénomène d'osmose et ses applications pour la création d'énergie renouvelable, il est tiré de « Fluides en mouvement, du monde macroscopique au nano-monde... et vice-versa », une conférence de Lydéric Bocquet donnée le 28 octobre 2014 pour le « Congrès 2014 de l'Union des Professeurs de Physique et Chimie », organisé à Lyon.
Table des matières
1. L'osmose, qu'est-ce que c'est ?
1.1 Définition et historique
1.2 L'osmose sous l'angle de la physique statistique
2. Générer de l'électricité
3. Des premiers tests grandeur nature
3.2 Les problèmes de rendement
3.2 Les opportunités données par les nouveaux matériaux
4. Réponse osmotique avec des nanotubes bore-azote
- L'osmose, qu'est-ce que c'est ?
1.1 Définition et historique
En cuisine, lorsque l'on veut faire dégorger un concombre, on le saupoudre de sel. De cette façon cela crée une solution très salée à l'extérieur qui engendre un mouvement de l'eau du côté le moins salé vers le côté plus salé. Le concombre se comporte comme une membrane semi-perméable qui permet de laisser sortir l'eau sans laisser entrer le sel dans sa chair : c'est le phénomène d'osmose.
On retrouve ce phénomène d'osmose dans le vivant comme, par exemple, dans les filtres au niveau des reins (aquaporing) où chaque jour 200 L de plasma sont filtrés. Il est aussi utilisé dans beaucoup d'applications comme notamment les salaisons, où le sel vient absorber la quantité d'eau disponible pour les bactéries qui vont finir par périr.
Le point clé est que l'eau se déplace vers les zones salées. Ainsi le phénomène d'osmose réalise la conversion d'énergie chimique (car on est en présence d'un gradient de potentiel chimique) en énergie mécanique par le biais d'un écoulement de fluide qui va de la zone la moins salée vers la plus salée.
Loi de van't Hoff
Ce phénomène a été décrit pour la première fois par van't Hoff qui a reçu le prix Nobel de chimie en 1901 pour ses travaux sur l'osmose. La loi qu'il a proposée n'est ni plus ni moins que la loi des gaz parfaits, c'est-à-dire qu'il décrit l'osmose simplement comme une pression. C'est une loi très simple qui s'écrit :
Δ Π = RT ΔCsel
où Π représente la pression osmotique, R la constante des gaz parfaits, T la température en K et Csel la concentration en sel.
Le phénomène d'osmose, conversion d'énergie
Source - © 2014 L. Bocquet
Figure 1. Le phénomène d'osmose, conversion d'énergie
En guise d'illustration, si on dispose de deux fluides qui présentent une différence de salinité de 1 mol.L-1, de part et d'autre d'une surface semi-perméable qui ne laisse pas passer le sel, la différence de pression obtenue sera de l'ordre de 50 bar. C'est gigantesque et équivalent à un barrage de 500 m de hauteur. En prenant maintenant l'eau d'un fleuve et l'eau de mer, la différence de salinité est de 0,6 mol.L-1, cela induit une différence de pression de 30 bar.
1.2 L'osmose sous l'angle de la physique statistique
On peut apporter un autre éclairage sur la définition de l'osmose. Usuellement on la décrit en terme d'un équilibre de potentiels chimiques entre la phase saline et la phase sans sel, en disant que la solution s'équilibre des deux côtés. Ainsi lorsque la solution n'est pas au bon potentiel chimique du côté non salé, elle va transférer de l'eau pour diluer au maximum l'eau salé.
On peut voir cela peut-être plus simplement à l'aide de la physique statistique en montrant que toute la difficulté dans ce système et qui disparaît dans le résultat final, c'est le rôle de la membrane semi-perméable qui ne laisse passer que l'eau et pas le sel. Il suffit de voir cette membrane comme une barrière d'énergie pour le sel mais pas pour l'eau. Il est possible de décrire la distribution des particules de sel du soluté par une loi de Boltzmann. En présence d'une différence de profil de densité de salinité, on peut calculer la force exercée par la membrane sur le fluide. Cette force (en orange sur le schéma de la figure 2) s'exprime simplement comme le nombre de molécules de sel fois la force élémentaire par molécule. Quand on intègre cela de chaque côté de la membrane, on obtient effectivement une différence de pression.
Le phénomène d'osmose, conversion d'énergie
Source - © 2014 L. Bocquet
Figure 2. Le phénomène d'osmose, conversion d'énergie
C'est une description plus moléculaire mais qui permet d'aller plus loin. On peut, par exemple, réfléchir à des systèmes disymétriques ou des systèmes qui laissent peu passer le sel.
À partir de ce principe relativement élémentaire, on peut imaginer créer des diodes osmotiques, c'est-à-dire des diodes pour lesquelles l'eau passe dans le sens du gradient de salinité mais pas dans l'autre sens.
- Générer de l'électricité
Maintenant comment allons-nous générer de l'électricité ?
L'idée la plus simple et qui a été démontrée à une échelle pré-industrielle par une entreprise norvégienne, est d'utiliser de l'eau de mer d'un côté, de l'eau de rivière de l'autre côté, et de disposer une membrane semi-perméable entre les deux. Pour trouver l'équilibre l'eau de la rivière traverse la membrane vers le côté plus salé. Ainsi la colonne d'eau salée (en bleu sur la figure 3) monte et s'il y a un débordement, l'eau coule et fait tourner une turbine, générerant de l'électricité de cette façon.
Première utilisation pré-industrielle à grande échelle du phénomène d'osmose pour la création d'électricité
Source - © 2014 L. Bocquet
Figure 3. Première utilisation pré-industrielle à grande échelle du phénomène d'osmose pour la création d'électricité
Nouvelles pistes pour l'énergie renouvelable
Si on fait une estimation, au niveau mondial, de la quantité d'énergie contenue dans ces gradients de salinité, on est de l'ordre du Térawatt !
On donne pour comparaison que 1 Térawatt équivaut à l'énergie fournie par 1 000 réacteurs nucléaires ! C'est donc une piste à explorer.
Source : Nature, numéro 488 du 16 août 2012 « Membrane-based processes for sustainable power generation using water », Bruce E. Logan et Menachem Elimelec.
A consulter sur le thème des sources d'énergie :
Mémento sur l'énergie 1, un mémento sur l'énergie pour faire le point sur les définitions et unités associées à l'énergie, dans le domaine de la physique, de la technologie, ainsi qu'en économie, compte tenu du débat actuel sur notre avenir énergétique.
Mémento sur l'énergie 2, un article qui fournit des données quantitatives sur l'énergie solaire : son origine due à la fusion nucléaire de l'hydrogène, la quantité d'énergie produite, le spectre du rayonnement émis et la puissance reçue à la surface de la terre.
Deux grosses difficultés se présentent à l'heure actuelle pour le développement industriel de tels convertisseurs d'énergie renouvelable :
la première consiste à trouver comment récupérer cette énergie de façon efficace, la géographie de la planète imposant souvent le ré-aménagement du territoire,
l'autre grande difficulté réside dans la réalisation des membranes semi-perméables.
- Des premiers tests grandeur nature
3.2 Les problèmes de rendement
Les premiers tests grandeurs nature ne donnent pas encore satisfaction. La grosse difficulté est posée par les membranes. La puissance est le flux d'eau fois la différence de pression, or ici la différence de pression est gigantesque mais pour que le sel ne traverse pas mais que l'eau traverse, il faut avoir une membrane qui a des pores nanométriques jusqu'à sub-nanométriques.
Avec des pores si petits, la perméabilité de la membrane est extrêmement faible ainsi le flux de l'eau traversant la membrane est très faible et la puissance que l'on peut récupérer de ce système se mesure en quelques W/m2 de membrane, ce qui n'est pas suffisant pour rendre le processus commercialement rentable (de l'ordre de 5 W/m2). Ce rendement a pu être atteind en utilisant des saumures issues de puits très profonds où la salinité de l'eau dépasse largement 1 à 2 mol.L-1. Par contre l'eau de mer qui est à 0,6 mol.L-1, n'est pas suffisante pour créer assez d'énergie avec ces membranes.
Donc comme la membrane est le point clé et qu'elle n'a, pour l'instant, pas été optimisée, on peut se demander si la connaissance du transport de fluide aux nanoéchelles ne peut pas proposer des solutions nouvelles.
3.2 Les opportunités données par les nouveaux matériaux
La bonne nouvelle est que de nouveaux matériaux font parler d'eux dans la littérature et semblent permettre de révolutionner ce domaine.
Dans un article paru dans la revue Science en 2006, les auteurs [Holt et al, 2006] ont fabriqué des membranes à base de nanotubes de carbone de 1 à 2 nanomètres de rayon. Ils ont mesuré la perméabilité de ces membranes, c'est-à-dire le flux pour une différence de pression donnée et ont trouvé qu'elle est jusqu'à 4 ordres de grandeur plus grande que ce que l'on attend par l'équation de Navier-Stokes.
On a pu montrer récemment que le nanotube de carbone est très particulier. Il possède une surface qui a une interaction assez neutre avec l'eau, mais les frottements entre les molécules d'eau et la matrice de carbone sont anormalement faibles. Cela vient du fait que la structure de l'eau est incommensurable par rapport à la structure du carbone. C'est comme si les deux structures ne s'appareillaient pas, ce qui réduit le frottement, exactement comme dans le cas d'un frottement solide-solide mais vu ici entre un fluide et un solide.
- Réponse osmotique avec des nanotubes bore-azote
Nous avons effectué des recherches [Siria et al, 2013]à partir d'un seul nanotube, afin de bien comprendre les problématiques en jeu, pour ensuite développer des membranes de grandes tailles. Le nanotube est composé d'atomes de bore et d'azote, à la place de carbone pour des raisons techniques. Il mesure environ dix nanomètres de diamètre. Nous avons appliqué une différence de salinité de chaque côté du nanotube et nous avons mesuré le courant électrique généré. En analogie avec le potentiel chimique, le courant induit est proportionnel au gradient du logarithme de la concentration en sel. Il atteint ici une intensité de l'ordre du nanoampère.
Résultats obtenus avec un nanotube de bore-azote
Source - © 2014 L. Bocquet
Figure 4. Résultats obtenus avec un nanotube de bore-azote
Le graphe présente la puissance osmotique créée en fonction de du taux de concentration en sel. Les courbes rouge, jaune et violette sont otenues pour différentes valeurs de pH.
On s'intéresse maintenant à la puissance produite avec cette technologie pour la comparer avec d'autres types de membranes. Le calcul de la puissance est obtenu en intégrant l'énergie sur toute la surface du nanotube. On trouve que l'on peut ici produire jusqu'à 4 kW/m2. Le chiffre qu'il faut retenir c'est que l'on atteint le kiloWatt contre quelques Watt, dans le cas des membranes de technologies différentes.
Ces très bons résultats sont aussi dûs à la spécificité très forte des matériaux bore et azote. De la même façon que les nanotubes de carbone montraient un caractère très particulier au niveau de la perméabilité, les nanotubes de bore-azote sont extrêmement singuliers du point de vue de leur interaction avec l'eau. Ces nanotubes présentent une charge de surface très grande, ce qui permet de convertir de façon très efficace la différence de salinité en courant électrique. Et cela ouvre énormément de perspectives pour le futur.
Il est intéressant de revenir à la question initiale, c'est-à-dire comment rendre efficace les processus osmotiques. Avec ce genre de membrane, on sait que l'on est capable d'y arriver. Les puissances obtenues ici sont complètement au-delà des puissances actuelles. Ces résultats ont été obtenus avec un seul nanotube, il reste à faire toute la démarche pour développer des membranes de nanotubes à grande échelle. Il faut maintenant intéresser des industriels.
Voir la conférence « Fluides en mouvement, du monde macroscopique au nano-monde... et vice-versa », par Lydéric Bocquet (2014), dont est tiré cet article.
Bibliographie
[Holt et al, 2006] « Fast mass transport through sub-2-nanometer carbon nanotubes », Holt et al, Science, numéro 312 du 19 mai 2006.
[Siria et al, 2013] « Giant osmotic energy conversion measured in a single transmembrane boron nitride nanotube », Siria et al, Science, numéro 494 du 28 février 2013.
Et si les égouts produisaient de l’électricité ?
Des chercheurs américains (université de Stanford, Californie) ont mis au point une pile microbienne qui produit de l’électricité grâce aux eaux usées.
Pile à combustible microbienne
La pile à combustible mise au point par des scientifiques de Stanford permet de produire de l’électricité à partir des eaux usées.
Comment fonctionne la pile microbienne ?
Les eaux usées contiennent des micro-organismes qui se développent dans des milieux dépourvus d’oxygène, et qui produisent un courant électrique en « digérant » les déchets organiques contenus dans les eaux usées. Le test a été effectué dans un tube à essai rempli de déchets organiques et muni de deux électrodes : dans ce milieu, les micro-organismes en question s’assemblent tous autour de l’électrode négative et libèrent des électrons, qui sont alors captés par l’électrode positive. Ce processus crée un courant électrique et permet donc de produire de l’énergie et de dépolluer l’eau.
Pour quel rendement ?
Le rendement de ce processus s’élève à 30 %. Selon les chercheurs à l’origine de cette découverte, les opérations de dépollution des eaux (la plupart du temps, de l’oxygène est injecté dans l’eau pour permettre aux bactéries conventionnelles de dégrader la matière organique) régulièrement menées dans certains pays représenteraient 3 % de leur consommation énergétique globale. Cette découverte pourrait donc faciliter ces opérations et permettre de faire des économies d’énergie.
Un générateur qui exploite l’électricité statique
Aujourd’hui, il est nécessaire de trouver de nouveaux moyens pour produire de l’électricité sans polluer tout en réduisant les coûts de production. Des ingénieurs chinois ont mis au point un générateur électrique nouvelle génération. C’est en observant des phénomènes naturels qu’ils ont eu l’idée d’exploiter l’électricité statique.
Production d'élecricité
L’appareil qu’ils ont conçu permet donc de créer et d’exploiter des charges électrostatiques. Il s’agit d’un assemblage de plusieurs disques : l’un d’entre eux tourne, comme une roue de vélo, et cette rotation crée un courant électrique recueilli par le dispositif. Ce générateur permettrait ainsi de produire de l’électricité à partir de gestes du quotidien : eau qui coule du robinet, vent généré par un ventilateur… L’électricité pourrait servir à recharger un téléphone portable par exemple ou à alimenter des ampoules. Autre avantage : le prix de revient d’un générateur de ce type serait bien inférieur à celui d’un générateur classique. En outre, son rendement pourrait atteindre celui des alternateurs utilisés dans les centrales électriques.
Si le prototype imaginé par ces ingénieurs chinois ne permet, pour l’instant, que de produire une petite quantité d’électricité, il pourrait être perfectionné. Les scientifiques travaillent d’ores et déjà sur ses dimensions pour lui permettre de produire de l’électricité à grande échelle en générant de l’électricité à partir du mouvement des vagues.
Et si vos toilettes produisaient de l’électricité
C’est ce qu’ont imaginé des chercheurs…
Des scientifiques de Nanyang Technological Univesity (NTU) à Singapour ont inventé un système de toilettes capables de produire de l’électricité et de réduire le volume d’eau utilisé. Leur système s’appuie sur la technologie de l’aspiration sous-vide que l’on trouve déjà dans les toilettes des avions. Ainsi le rinçage consommerait de 0,2 à 1 litre d’eau (contre 4 à 6 litres pour des toilettes classiques). Par conséquent, cette innovation permettrait de faire d’importantes économies d’eau. « L’objectif ultime de cette découverte est non seulement d’économiser l’eau, mais surtout d’optimiser la valorisation des ressources », a déclaré le Professeur Wang Jing-Yuan.
toilettes
Des toilettes qui produisent de l’électricité.
Comment fonctionnent-ils ?
Une partie des déchets, dont on extrait le phosphore, le potassium et l’azote notamment, est transformée en engrais et peut servir de fertilisant. L’autre partie est renvoyée vers un bioréacteur. Les déchets génèrent ainsi du biogaz. Il s’agit d’un gaz essentiellement composé de méthane. A quoi sert-il ? Il peut parfaitement remplacer le gaz naturel, dans les appareils de cuisson, comme combustible pour les moteurs à gaz, et enfin, pour produire de l’électricité. Le biogaz est brûlé et génère de la vapeur. A son tour, la vapeur alimente une turbine qui entraîne un alternateur qui produit de l’électricité.
Récupération des déchets de la maison
De plus, les chercheurs ont imaginé coupler ces toilettes écologiques avec un système de récupération des autres ressources de la maison. Ainsi, les déchets alimentaires pourraient être, eux aussi, envoyés vers le bioréacteur, tandis que les eaux usées issues des douches, bains et autres vaisselles bénéficieraient d’un système d’assainissement les dispensant de suivre le circuit classique, complexe et fort gourmand en énergie, de traitement des eaux usées.
Les scientifiques qui ont mis au point ces toilettes nouvelle génération espèrent pouvoir les commercialiser dans les trois années à venir.
Produire de l’électricité avec du plastique et des courants d’air
Produire de l’électricité à partir des courants d’air, telle est l’idée de Charlotte Slingsby, une étudiante du Royal College of Art de Londres. Elle a imaginé un matériau facile et économique à produire, composé de plastique, et qui permet de générer de l’électricité à partir des courants d’air.
Plastique et production d'électricité.
Comment produire de l’électricité à partir du plastique ?
Le matériau imaginé par Charlotte Slingsby ressemble à une feuille de plastique composée de filaments et dans lesquels sont insérés des films électriques. Ces derniers produisent de l’électricité à partir des courants d’air grâce à la piézoélectricité : la pression exercée sur le matériau par les courants d’air est transformée en signal électrique. L’électricité produite est stockée dans une batterie.
Quelles sont les applications possibles ?
L’avantage majeur de ce matériau est qu’il permet de produire de l’électricité quelles que soient les conditions. Si le rendement de Moya (nom donné à ce matériau) n’atteint pas celui des panneaux solaires, il permet d’avoir accès à l’électricité partout.
De plus, Moya est translucide et flexible, ce qui pourrait permettre de nombreuses applications. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un projet, mais si l’on en croit Charlotte Slingsby, il pourrait faire l’objet de recherches pour améliorer son rendement et être commercialisé d’ici cinq ans.
Biométhanisation : quand les fruits et légumes produisent de l’énergie
Et si la lampe de votre bureau éclairait grâce à des pommes ? Pour valoriser leurs productions invendues, certains agriculteurs ont en effet recours à la biométhanisation, un procédé qui permet de transformer la matière organique en électricité, chaleur et carburant. Présentation d’une solution en développement, particulièrement intéressante sur le plan environnemental.
À la fin d’une récolte, il arrive que certains fruits et légumes ne puissent être vendus. Parce qu’ils ne répondent pas aux exigences des cahiers des charges, ils deviennent alors ce qu’on appelle des « écarts de tri », c’est-à-dire des déchets. Or ceux-ci pèsent sur les exploitations agricoles qui doivent prendre en charge leur stockage et leur traitement. Ils ont également un coût environnemental puisqu’ils représentent de l’énergie, des engrais, de l’eau mis à contribution pour rien. Alors, pour valoriser leurs déchets fermentescibles, les agriculteurs se tournent de plus en plus vers la biométhanisation.
Un procédé naturel reproduit au niveau industriel
La méthanisation est une opération naturelle de dégradation de la matière organique qui se produit dans un milieu anaérobie, c’est-à-dire en l’absence d’oxygène. La méthanisation s’observe par exemple dans les marais, les sols ou les intestins des animaux et des hommes. La biométhanisation, elle, est donc la reconstitution, dans un cadre industriel, des conditions de cette méthanisation.
« Son objectif : valoriser les déchets agricoles et produire à la fois un compost appelé digestat, mais aussi du biogaz ».
Si certaines exploitations possèdent leur propre unité de méthanisation, la plupart restent collectives compte tenu des investissements importants exigés. Les agriculteurs vont y apporter leurs fruits et légumes non consommables, mais aussi les effluents d’élevage, les déjections animales, les résidus de récolte, les déchets de silos et de céréales, etc. Toutes ces matières sont ensuite stockées dans une cuve hermétique appelée digesteur ou méthaniseur. Le choix des matières réunies est crucial car il va déterminer le niveau de production de biogaz et la qualité du digestat. À ce titre, les fruits et légumes sont particulièrement appréciés en ce qu’ils présentent de hauts potentiels méthanogènes.
Dans le digesteur, à l’abri de la lumière et sans oxygène, les fruits et légumes vont être brassés et chauffés pour accélérer leur fermentation sous l’action des bactéries. On parle de digestion anaérobie.
« La méthanisation sera complète au bout d’une période de 40 à 60 jours »
et permettra d’obtenir un digestat, soit un compost désodorisé et hygiénisé qui servira à l’épandage des cultures, augmentant l’autonomie des agriculteurs en azote et donc limitant le recours aux engrais et fertilisants de synthèse. La biométhanisation produira également du biogaz.
Le biogaz, énergie renouvelable d’avenir
Composé à 55% de méthane, 40% de dioxyde de carbone, mais aussi de sulfure d’hydrogène, d’eau et d’impuretés diverses, le biogaz a deux destins possibles. Il peut par exemple servir de combustible pour produire de l’électricité et de la chaleur. Le procédé s’appelle la cogénération. La combustion du biogaz dans un moteur entraîne un alternateur qui produit du courant utilisé sur place ou bien vendu pour être injecté dans le réseau de distribution national. Et comme rien ne se perd, la chaleur dégagée par le moteur est elle aussi récupérée pour servir aux serres agricoles ou être transformée en eau chaude qui sera distribuée localement.
Mais le biogaz peut également être traité pour devenir du biométhane. En lui retirant le dioxyde de carbone, l’hydrogène sulfuré et l’eau, sa qualité de gaz devient équivalente à celle du gaz naturel. Il est alors une énergie renouvelable non fossile qui peut être utilisée comme carburant ou injectée dans le réseau de gaz pour le chauffage et la cuisson. De plus en plus de fournisseurs proposent d’ailleurs à leurs clients du « gaz vert » issu d’un procédé de méthanisation.
« En dehors de la valorisation des déchets agricoles qui contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la biométhanisation permet donc de réduire le recours aux intrants et se révèle source d’une énergie exploitable sous différentes formes ».
Dans un monde qui exige des agriculteurs qu’ils produisent davantage pour répondre à la demande alimentaire tout en respectant l’environnement, elle se présente comme un outil-clé de la transition énergétique.
Sources
https://www.energystream-wavestone.com/2012/11/des-fruits-producteurs-de-biogaz/
https://www.semencemag.fr/methanisation-biogaz-matieres-vegetales.html
https://www.actu-environnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/biomethanisation.php4
https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/energie-renouvelable-methanisation-agricole-ca-marche-4136/
https://chambres-agriculture.fr/exploitation-agricole/developper-des-projets/economie-et-production-denergies/la-methanisation-agricole/
https://agriculture.gouv.fr/infographie-la-methanisation-agricole
https://www.planete-energies.com/fr/medias/points-de-vue/la-methanisation-en-europe
http://www.biogas-renewable-energy.info/
https://www.biogaz-europe.com/en/visitors/biogas-in-france/
Les microbes dans le sol : une source inépuisable d'énergie pour les piles et les batteries ?
Une équipe de chercheurs a récemment développé une technologie novatrice qui exploite l'énergie des microbes présents dans le sol pour produire de l'électricité de manière efficace et durable.
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En exploitant l'énergie des microbes dans le sol pour générer de l'électricité, les chercheurs de l'Université de Northwestern, aux États-Unis, ouvrent de nouvelles perspectives dans différents domaines comme l'agriculture de précision.
Ça ne date pas d'hier !
L'histoire des piles à combustible microbiennes remonte aux premières découvertes dans les années 1910, lorsque les scientifiques ont observé que des bactéries pouvaient produire de l'électricité en dégradant des matières organiques dans des environnements anaérobies. Cependant, leur développement a été limité pendant de nombreuses années en raison de la faible puissance de sortie et des coûts élevés associés à leur production.
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Ce n'est que dans les années 2000 que les MFC ont suscité un regain d'attention, grâce aux avancées technologiques et à l'intérêt croissant pour les énergies renouvelables. Depuis lors, la recherche s'est concentrée sur l'amélioration de leur efficacité, de leur puissance de sortie et de leur durabilité, explorant de nouvelles méthodes de fabrication et de conception, ainsi que leurs applications potentielles dans des domaines tels que la surveillance environnementale, les dispositifs médicaux, la dépollution et la production d'énergie dans des endroits isolés ou difficiles d'accès.
Une avancée significative se profile à l'horizon !
Aujourd'hui, les piles à combustible microbiennes (MFC) représentent une technologie prometteuse dans le domaine de l'énergie durable et de l'environnement, offrant un potentiel considérable pour une multitude d'applications.
En exploitant le pouvoir des micro-organismes pour convertir les déchets organiques en électricité, les MFC pourraient jouer un rôle vital dans la transition vers une économie plus verte et durable, fournissant ainsi une solution pour relever les défis énergétiques et environnementaux du XXIe siècle.
Pourquoi miser sur les MFC ?
La nécessité de se tourner vers les MFC découle de deux grands défis contemporains :
le changement climatique induit par l'activité humaine ;
la croissance exponentielle des déchets électroniques.
Ces problèmes ont incité la communauté informatique à repenser fondamentalement la manière dont nous alimentons nos dispositifs électroniques. Les appareils alimentés par batterie sont omniprésents, mais ils ont besoin d'un remplacement et d'une recharge constants, contribuant ainsi à la prolifération des déchets électroniques et à une empreinte carbone considérable.
Face à cette réalité, les piles microbiennes à combustible du sol (SMFC) se présentent comme une source d'énergie renouvelable, biocompatible et viable, particulièrement dans des environnements où les ressources traditionnelles, comme les batteries et les panneaux solaires, montrent leurs limites.
Pour mieux comprendre
Afin de bien saisir le fonctionnement des MFC, il est crucial de noter leur différence fondamentale par rapport aux piles à combustible classiques. Cette technologie exploite le potentiel des bactéries naturelles pour fournir une source d'énergie renouvelable, contrairement aux piles à combustible traditionnelles qui utilisent des substances chimiques.
Un petit retour au collège…
Vous souvenez-vous des cathodes et des anodes ? Ce sont deux éléments clés dans le fonctionnement des dispositifs électrochimiques tels que les piles et les batteries. À la cathode, les électrons réagissent avec les ions présents dans la solution électrolytique, tandis qu'à l'anode, les ions réagissent avec les électrons libérés par la réaction chimique.
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Cette différence de charge entre la cathode et l'anode crée une force électromotrice qui génère un flux constant d'électrons à travers le circuit externe. Ainsi, la cathode et l'anode jouent des rôles complémentaires dans la production et le maintien du courant électrique dans une pile ou batterie.
…plus une touche de technologie !
Les chercheurs ont conçu avec succès un modèle innovant de pile en forme de cartouche : en profondeur dans le sol, une anode horizontale capte efficacement les électrons des micro-organismes, tandis qu'une cathode verticale positionnée près de la surface assure un fonctionnement optimal.
Cette conception révolutionnaire surmonte les défis liés à l'approvisionnement en eau, en oxygène, ainsi qu'aux performances restreintes en cas de manque d'humidité, ouvrant ainsi la voie à une utilisation étendue des piles microbiennes dans diverses applications.
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Pour arriver à cette fin, les scientifiques ont utilisé une approche méthodique basée sur l'analyse de données de déploiement sur neuf mois, provenant de quatre expériences SMFC explorant différentes géométries de cellules. Cette analyse a permis d'améliorer considérablement les performances des SMFC, élargissant ainsi leur plage d'efficacité énergétique sur une gamme étendue de teneurs en humidité du sol.
Ces développements notables positionnent les piles microbiennes comme une solution énergétique prometteuse, offrant une source d'électricité renouvelable et fiable, indépendamment des conditions climatiques et environnementales.
Quels avantages peut-on en tirer ?
Dans le domaine de l'agriculture de précision, cette innovation offre une source d'alimentation durable pour les capteurs utilisés, garantissant ainsi un fonctionnement continu et fiable. De plus, la conception avancée de la pile permet une adaptation efficace à différents niveaux d'humidité du sol, générant en moyenne 68 fois plus d'énergie que nécessaire pour alimenter les capteurs.
Avec une puissance supérieure de 120% par rapport aux technologies similaires, cette solution s'avère extrêmement efficace pour les besoins spécifiques de l'agriculture de précision. De plus, les chercheurs ont intégré une minuscule antenne aux capteurs alimentés par la pile, facilitant ainsi la transmission en temps réel des données collectées à une station de base.
Cette technologie offre ainsi la possibilité de surveiller de près les éléments du sol tels que l'humidité, les contaminants et les nutriments de manière durable, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour une gestion optimisée des ressources agricoles.
Qu'en est-il de l'expansion à grande échelle ?
La disponibilité des composants nécessaires à la fabrication de cette pile à combustible microbienne rend envisageable une production à grande échelle dans un avenir proche, ouvrant ainsi la voie à une adoption étendue de cette technologie révolutionnaire.
Cependant, malgré ces progrès encourageants, des défis subsistent quant à l'alimentation des systèmes informatiques pratiques avec des SMFC à ce stade de développement. Néanmoins, les SMFC présentent une promesse significative en tant que source d'énergie renouvelable et potentiellement biodégradable, capable de générer suffisamment d'électricité pour alimenter des capteurs sans fil analogiques à long terme.
Cette recherche ouvre ainsi la porte à de nouvelles investigations visant à permettre aux capteurs alimentés par SMFC de répondre aux besoins croissant de la communauté informatique en matière de dispositifs IoT durables et autonomes.
Référence : Bill Yen, Laura Jaliff, Louis Gutierrez, Philothei Sahinidis, Sadie Bernstein, John Madden, Stephen Taylor, Colleen Josephson, Pat Pannuto, Weitao Shuai, George Wells, Nivedita Arora, and Josiah Hester. 2024. Soil-Powered Computing: The Engineer's Guide to Practical Soil Microbial Fuel Cell Design. Proc. ACM Interact. Mob. Wearable Ubiquitous Technol. 7, 4, Article 196 (December 2023), 40 pages. https://doi.org/10.1145/3631410
Une équipe de chercheurs du MIT, en collaboration avec d’autres scientifiques à travers le monde, ont développé un dispositif capable de convertir les signaux Wi-Fi en électricité. Composé de matériaux flexibles et peu coûteux, il pourrait alimenter différents équipements électroniques : des dispositifs portables (smartphones, ordinateurs), des appareils médicaux, et trouver bien d’autres utilités.
Qui ne rêverait pas d’un monde dépourvu de fils électriques (ainsi que des encombrants chargeurs qui vont avec) et de batteries/piles ? Un monde dans lequel vos principaux dispositifs électroniques portables (smartphone, ordinateur, ou tout autre périphérique portable) ne nécessiteraient pas de chargeur filaire, voire même aucune batterie, car constamment alimentable par Wi-Fi.
Des chercheurs du MIT, en collaboration avec d’autres universités de différents pays, ont fait un important pas en avant dans cette direction, en mettant au point le premier dispositif totalement flexible capable de convertir l’énergie des signaux Wi-Fi en électricité. Il permet déjà d’alimenter différents objets électroniques.
Les appareils qui convertissent les ondes électromagnétiques en courant continu sont appelés « antennes redresseuses » (rectennas en anglais). Les chercheurs ont mis au point un nouveau type d’antenne redresseuse, qu’ils ont décrit dans une étude publiée dans la revue Nature.
Le système est muni d’une antenne à radiofréquence (RF) flexible qui capture les ondes électromagnétiques — y compris les ondes Wi-Fi — et les restitue sous forme de courant électrique alternatif (en premier lieu). L’antenne est connectée à un dispositif récemment développé et constitué d’un semi-conducteur bidimensionnel de quelques atomes d’épaisseur. Le signal alternatif circule dans le semi-conducteur, qui le convertit alors en un courant continu. Il peut alors être utilisé pour alimenter des circuits électroniques en tout genre, ou pour recharger des batteries.
De cette manière, le dispositif capture et transforme de manière passive les signaux Wi-Fi omniprésents en un courant continu directement exploitable. De plus, il est flexible et peut être produit en rouleaux : il permet ainsi d’être facilement déployé sur de très grandes surfaces.
« Et si nous pouvions développer des systèmes électroniques qui entourent un pont ou couvrent une autoroute entière, ou les murs de notre bureau, et apportions une ´intelligence électronique´ à tout ce qui nous entoure ? Comment fournirions-nous l’énergie nécessaire à ces composants électroniques ? » déclare Tomás Palacios, co-auteur de l’étude, professeur au département de génie électrique et informatique et directeur du centre MIT/MTL pour les dispositifs à graphène et les systèmes 2D. « Nous avons mis au point un nouveau moyen d’alimenter les systèmes électroniques du futur – en exploitant l’énergie Wi-Fi, et de façon à pouvoir aisément déployer la technologie dans de vastes zones ».
Les premières applications prometteuses du projet proposé comprennent l’alimentation de produits électroniques flexibles et portables, de dispositifs médicaux et de capteurs pour « l’Internet des objets ». Les smartphones flexibles, par exemple, constituent un nouveau marché prometteur pour les grandes entreprises de technologie.
Lors d’expériences, l’appareil des chercheurs pouvait produire environ 40 microwatts de puissance lorsqu’il était exposé aux niveaux de puissance typiques des signaux Wi-Fi (environ 150 microwatts). C’est plus que suffisant pour allumer une LED ou piloter des puces de silicium.
Jesús Grajal, chercheur à l’Université technique de Madrid, explique également le potentiel de la transmission de données de dispositifs médicaux implantables. Par exemple, les chercheurs commencent à mettre au point des pilules pouvant être avalées par les patients et permettent de transférer les données relatives à la santé sur un ordinateur, à des fins de diagnostic.
« Idéalement, nous ne voulons pas utiliser de piles pour alimenter ces systèmes médicaux, car s’il y a une fuite de lithium, le patient peut en mourir », explique Grajal. « Il est bien préférable de récupérer l’énergie de l’environnement pour alimenter ces petits laboratoires situés à l’intérieur du corps, et communiquer des données à des ordinateurs externes ».
Comme leur nom le laisse deviner, les antennes redresseuses exploitent un composant indispensable appelé « redresseur », qui convertit le signal alternatif initialement obtenu (AC) en courant continu (DC).
Les redresseurs contenus dans les rectennas traditionnelles exploitent le silicium ou l’arséniure de gallium. Ces matériaux peuvent couvrir la bande Wi-Fi, mais ils sont rigides. Et, bien que l’utilisation de ces matériaux pour fabriquer de petits dispositifs soit relativement peu coûteuse, leur utilisation pour couvrir de vastes surfaces, telles que les façades des bâtiments et les murs, représenterait un coût prohibitif.
Les chercheurs tentent donc de résoudre ces problématiques depuis longtemps. Les quelques rectennas flexibles développées jusqu’à présent fonctionnent uniquement avec les basses fréquences et ne peuvent ni capter, ni convertir les signaux en gigahertz — la plage de fréquences où se situent la plupart des signaux de téléphones portables et Wi-Fi.
Pour contrer le problème, les chercheurs ont utilisé un nouveau matériau 2D appelé « disulfure de molybdène » (MoS2), qui, avec une épaisseur de seulement trois atomes, est l’un des semi-conducteurs les plus minces au monde.
L’équipe a utilisé un comportement singulier du MoS2 : exposés à certains produits chimiques, les atomes du matériau se réarrangent de manière à agir comme un commutateur, forçant une transition de phase d’un semi-conducteur à un matériau métallique. La structure résultante est connue sous le nom de diode Schottky, qui n’est autre que la jonction d’un semi-conducteur avec un métal.
« En transformant le MoS2 en une jonction de phase semi-conductrice-métallique 2D, nous avons construit une diode Schottky ultramoderne et ultra-mince, qui minimise simultanément la résistance en série et la capacité parasite », déclare Xu Zhang, auteur principal de l’étude et postdoctorant à l’EECS.
La capacité parasite est une situation inévitable en électronique, où certains matériaux stockent un peu de charge électrique, ce qui ralentit le circuit. Une capacité inférieure résulte donc en des vitesses de redressement accrues et des fréquences de fonctionnement plus élevées. La capacité parasite de la diode Schottky développée par les chercheurs, est inférieure d’un ordre de grandeur à celle des redresseurs flexibles les plus modernes. De ce fait, elle est donc beaucoup plus rapide à la conversion du signal, et cela lui permet de capturer et convertir des signaux d’une fréquence allant jusqu’à 10 gigahertz.
« Une telle conception a permis de créer un appareil totalement flexible et suffisamment rapide pour couvrir la plupart des bandes de radiofréquences utilisées par nos systèmes électroniques quotidiens, notamment le Wi-Fi, le Bluetooth, la LTE cellulaire et bien d’autres », explique Zhang.
Le travail présenté ici fournit un point de départ pour d’autres dispositifs flexibles permettant une conversion Wi-Fi—électricité avec un rendement et une efficacité remarquables.
Le rendement de conversion pour le périphérique actuel est de 40% (au maximum), et varie en fonction de la puissance d’entrée (celle du signal Wi-Fi capté). Avec un niveau de puissance Wi-Fi typique, l’efficacité du redresseur MoS2 est d’environ 30%. À titre de référence, les rectennas d’aujourd’hui (en silicium ou en arséniure de gallium), plus coûteuses et rigides, atteignent un rendement d’environ 50 à 60%. La technologie est donc déjà très prometteuse.
L’équipe prévoit maintenant de construire des systèmes plus complexes et d’améliorer le rendement du dispositif, afin de se rapprocher au maximum (dans un premier temps) de celui des dispositifs rigides actuels. Ce projet évoque quelque chose de très prometteur, et nous nous réjouissons donc de la suite, que nous ne manquerons pas de partager avec vous.
L’électricité de l’air, une nouvelle source d’énergie ?
Imaginez un dispositif de capture d’électricité de l’air – un peu comme la cellule solaire capte la lumière du soleil – avant de la réutiliser à usages domestiques ou pour recharger tout simplement votre voiture électrique !
Imaginez des panneaux similaires sur les toits des bâtiments pour prévenir de la foudre. Aussi étrange que cela puisse paraître, les scientifiques sont déjà dans les premiers stades de développement de tels dispositifs, selon un rapport présenté lors de la 240e réunion de l’American Chemical Society (ACS).
« Notre recherche pourrait ouvrir la voie vers des systèmes de conversion d’électricité présent dans l’atmosphère en une future source d’énergie alternative », a déclaré l’un des auteurs de l’étude, le professeur Fernando Galembeck. Sa découverte pourrait aider à comprendre une énigme scientifique vieille de 200 ans, sur la façon dont l’électricité est produite et déchargée dans l’atmosphère. “Tout comme l’énergie solaire pourrait éviter certains ménages de payer leurs factures d’électricité, cette source d’énergie prometteuse pourrait avoir un effet identique“, a-t-il affirmé.
Les scientifiques ont longtemps cru que les gouttelettes d’eau dans l’atmosphère étaient électriquement neutre, et le restait même après avoir été en contact avec des charges électriques en provenance de particules de poussière et autres gouttelettes liquides.
Mais de nouvelles preuves suggèrent que l’eau atmosphérique récupérerait réellement une charge électrique. Le professeur Galembeck et ses collègues ont confirmé cette idée, grâce à des expériences en laboratoire où l’eau est entrée en contact avec des particules de poussière. Ils ont utilisé de minuscules particules de silice et de phosphate d’aluminium, deux substances existantes dans l’air. Ils ont montré que la silice est devenue plus chargée négativement en présence d’une humidité élevée tandis que le phosphate d’aluminium est devenu plus chargé positivement.
Selon Fernando Galembeck, à l’avenir, “il est tout à fait envisageable de développer des collecteurs en charge de capturer l’hygro-électricité et de l’acheminer dans les foyers et les entreprises“. Tout comme les cellules solaires sont plus efficaces dans les régions ensoleillées, les panneaux hygro-électriques seraient plus efficaces dans des zones à fortes humidités, comme les États du nord et du sud des Etats-Unis et dans les zones tropicales humides.
Pour alimenter sans batterie les appareils connectés du quotidien ou des implants en médecine, les derniers travaux des ingénieurs du MIT portent sur des antennes microscopiques capables de convertir un signal radio en un courant électrique.
Notre environnement est saturé d'ondes en tous genres utilisés par nos appareils pour communiquer sans fil, mais dont la puissance est, en grande partie, perdue et qui finit absorbée par l'environnement. Une équipe de chercheurs, provenant notamment du Massachusetts Institute of Technology (MIT), vient de publier, dans la revue scientifique Nature, un article dévoilant une nouvelle technologie destinée à transformer les ondes de type Wi-Fi en courant électrique pour alimenter les appareils électroniques.
L'idée est la même que celle utilisée par le constructeur Wiliot, présentée récemment. Dans ce cas précis, l'utilisation des ondes avait pour but d'alimenter une puce Bluetooth basse consommation pour créer des étiquettes sans-fil et sans batterie. Les antennes sont conçues uniquement pour délivrer quelques microwatts à un appareil spécifique, à l'inverse de la technologie développée par le MIT qui peut s'adapter à des usages beaucoup plus diversifiés.
Une technologie utilisable à grande échelle
Tomás Palacios, l'un des coauteurs de l'article, pose la question qui a guidé les recherches : « Et si l'on pouvait développer des systèmes électroniques recouvrant un pont ou une autoroute, ou bien les murs du bureau, apportant l'intelligence électronique à tout ce qui nous entoure ? Comment alimenter ces appareils électroniques ? »
La technologie se base sur les antennes redresseuses, qui convertissent les ondes des fréquences radio en courant continu. Les chercheurs ont développé un système contenant une antenne radioélectrique flexible, qui convertit les ondes électromagnétiques en courant, cette fois-ci alternatif. Le signal passe alors par un semi-conducteur en deux dimensions, épais de seulement quelques atomes, pour être transformé en, courant continu. La flexibilité de ce système lui permet d'être produit sous forme de rouleaux, laissant la possibilité d'en recouvrir de grandes surfaces, comme les ponts ou les autoroutes pour reprendre l'exemple du scientifique.
Pour cela, les chercheurs ont fait appel au disulfure de molybdène (MoS₂). Après avoir été exposé à certains produits chimiques, les atomes se réorganisent de manière à créer une diode Schottky. Celle-ci permet de convertir des signaux jusqu'à 10 gigahertz, en minimisant la résistance série et la capacité parasite. Selon Xu Zhang, l'auteur principal de l'article, « une telle conception a permis de créer un appareil entièrement flexible, suffisamment rapide pour couvrir la plupart des bandes de radiofréquences utilisées par nos appareils électroniques du quotidien, comme le Wi-Fi, le Bluetooth, les réseaux mobiles, et bien d'autres. »
De nombreuses applications possibles
Les premiers prototypes ont une efficacité maximale d'environ 40 %, en comparaison d'appareils similaires existants en silicium ou arséniure de gallium, qui peuvent atteindre des taux de conversion de 50 ou 60 %, mais qui sont rigides et beaucoup plus chers à produire. Pour une utilisation typique, ces nouveaux appareils ont pu produire environ 40 microwatts lorsqu'ils sont exposés à un signal Wi-Fi standard (environ 150 microwatts).
Dans un premier temps, cette technologie peu coûteuse pourrait être utilisée pour créer des appareils souples qui peuvent être portés, comme des appareils médicaux ou des objets connectés. Par exemple, de nombreux constructeurs travaillent actuellement sur des smartphones pliables, même si cette forme d'alimentation ne serait pas encore assez puissante à l'heure actuelle. Des chercheurs travaillent aussi déjà sur de minuscules appareils médicaux sous forme de cachets, qui communiquent sans-fil, et qui ne contiendraient pas de batterie potentiellement toxique pour le patient.