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MOI, SOI, CONSCIENCE, JE.....
En psychologie, le problème essentiel est de déterminer quelle est la nature du Soi.
A quoi faisons-nous référence quand nous disons moi?
Quelle est la différence entre le moi et le Soi?
Pourquoi parle-t-on d'un Moi universel et d'un Moi personnel?
Qu'entend-on exactement par sujet et par conscience?
Les réponses données par différents psychothérapeutes et analystes et autres ( spiritualistes, gnostiques, ...etc) diffèrent beaucoup entre elle.
Elles vont de Freud , à Assagioli, le transcendantaliste. Tous observent le même phénomène et se sont donnés pour mission de soigner, de soulager, voire de guérir ; mais chacun voit son travail dans une clarté différente, car, à chacun, le Moi apparaît très différemment.
On ne peut discuter le concept de sujet sans prendre en considération le concept opposé qu'est celui d'objet.
La conscience, telle qu'elle est connue actuellement, est la relation entre le sujet et l'objet, entre le Je et le monde.
Notre expérience, cependant, ne se limite pas seulement au monde dit extérieur, à ce que l'on voit, a ce que l'on touche, à ce que l'on entend, aux choses auxquelles on se heurte, auxquelles on prend plaisir ou qui nous blessent.
Même si nous fermons les portes de nos sens et nous nous retirons dans une solitude complète et sans activité musculaire, nous n'en faisons pas moins l'expérience d'un «monde dit intérieur» fait d'un flot ininterrompu de sensations et de pensées ou images mentales.
Que nous vivions dans un monde intérieur ou que nous soyons touchés par des éléments extérieurs, ce sont toujours des objets dont le sujet devient conscient.
Le sujet est ce que nous appelons le Je. Toutes les expériences sont dues au fait que le sujet remarque des changements dans la nature, la position et les activités des objets auxquels il est relié. Que ce soient des objets physiques ou des images psycho-mentales provenant de son monde intérieur et qui sont les plus dangereuses si non intégrées à la réalité ou non comprises, non élucidées.
Mais le Je peut-il en fait remarquer que son monde change si lui-même est constamment changeant ?
Dit simplement, la conscience est la relation entre des objets qui changent et un sujet qui ne change pas, donc qui a une individualité et une identité distinctes et caractéristiques.
Le sujet (ou le Je) ne peut rester dans cet état de permanence, s'il est pris dans la roue du changement et perd son identité caractéristique et particulière, il ne peut y avoir conscience, mais inconscience.
Le Je est submergé par le monde; l'immuable est donc vaincu par le changement.
Si l'on veut que le monde ne submerge pas le Je, il est évident que le Je doit avoir une nature fondamentalement différente de celle du monde. Il doit être dans le monde mais non de ce monde. Roc de permanence dans la mer du changement, la PIERRE Alchimique.
Mais ce que l'on appelle le Je est en réalité de la même nature que le monde. Il est, lui aussi, affecté (donc changé et transformé) par les changements et modifications parfois violentes ou persistantes qui traversent une société ou les valeurs religieuses et culturelles.
Dans les périodes de bouleversement social, le Moi de chaque individu ne peut maintenir son identité spécifique, parce qu'il est enraciné dans un type particulier de société et conditionné par des structures socioculturelles particulières.
Le Moi est avant tout l'expression de la place et de la fonction que la personne occupe dans la société.
En cosmo-psychologie, le caractère de ce Moi est déterminé essentiellement par Saturne (la pierre), et la nature de sa participation à la société, par Jupiter.
Ces deux archétypes planètaires sont essentiellement représentatifs des fonctions collectives et sociales, la manière dont la personne se différencie du plus grand tout dont elle sait qu'elle fait partie, et au sein duquel elle trouve, ou tente de trouver, une place stable.
Si la société est dotée d'une économie stable, d'une structure sociale et même pour ceux qui le souhaite d'une structure religieuse bien établie, le Moi de l'individu va en refléter l'aspect le plus constant.
Les changements qui interviennent dans la vie de cette personne et qui affectent son développement organique, ses capacités, peuvent être expliqués par l'adhésion à une religion ou les traditions de sa culture autant que par les structures cycliques qui le touchent. Elle est donc fermement établi dans sa position, sa fonction sociale et sa relation aux autres, elles-mêmes stables et bien enracinées.
Mais si la personne vit dans une société secouée par les bouleversements et les crises, où les valeurs dites religieuses, morales et sociales se désintègrent, son Je est pris à son tour dans ce tourbillon de changements et de transformations.
Les changements continuels et imprévisibles qui se manifestent dans le "monde intérieur" ou de l'intériorité comme dans l'aspect extérieur de la personne, ne rencontrent pas de centre permanent ou cadre de référence auquel se relier.
La conscience disparaît et l'inconscient, avec ses forces destructrices et sombres, envahit le Je. La Pierre au milieu de l'océan du changement est érodée et risque de se dissoudre dans cet océan dont les forces sont déchaînées.
Quand l’angoisse entre en action, le Je se cristallise ou à l'inverse il vole en éclats. Dans les 2 cas il débute une forme de désintègration, et la personne sombre dans des pathologies différentes en rapport avec l'archétype zodiacal inné et rattaché au corps (à la personne). Certains diront même qu'il est possédé par des forces maléfiques et qu'un exorcisme pourrait remettre tout cela en place... ben voyons!
Il est assez exceptionnel que le Je éclate ainsi durant les périodes de calme familial, social, économique.
Lorsque, par contre, la société et les traditions religieuses ou les croyances se désintègrent, l'éclatement du Je est un phénomène assez fréquent. Cela signifie que le moment est venu de reconsidérer la nature du Moi. C'est pourquoi, alchimiquement il convient de dé-lier plutôt que de lier car à ce moment là nous restons accrocher à nos croyances ou a des nouvelles, mais nous ne changeons rien à notre équilibre, à notre structure.
La psychologie ne semble pas disposer véritablement d'outil pour arrêter la désintégration de la société et de sa culture ni pour les reconstruire. Elle propose bien d'essayer d'aider quelques individus afin de tenter de reconstruire un Moi un peu plus rigide ou stabilisé et à recoller les morceaux éclatés en essayant de donner au Moi une force plus grande pour affronter la tempête.
Mais ce travail ne donne pas forcément des résultats toujours durables, et certainement pas lumineux.
Il convient peut être alors d'admettre que le Je n'est pas le vrai sujet en encore moins le centre de référence et qu'il n'est pas, par nature, de ce fait permanent et stable. Mais qu'il est stable quand son environnement est ordonné d'une certaine manière tout au moins. Ceci se rencontre tous les jours dans nos relations.
Il faut donc découvrir ou retrouver le véritable sujet, le vrai centre. Le "Je" peut être alors appelé Ego (Moi inférieur pour certains) par opposition au Soi qui serait une sorte de Moi supérieur pour d'autres.
Les psychologues tel que Jung et Assagioli et d'autres encore, ont fait cette distinction et ont défini les deux éléments, chacun à leur manière.
Pour Carl G. Jung, l'Ego est seulement le centre du champ du conscient et non pas le centre du conscient lui même. Il est un cadre de référence qui permet à notre vécu immédiat de devenir conscient.
Le Soi étant le sujet ou considéré comme le centre de la totalité de la personnalité et comprend non seulement le conscient mais aussi la partie inconsciente de la psyché.
Voir schéma ci-dessous.
En généralité les processus inconscients agissent dans une relation compensatoire par rapport au conscient, et ces deux parties de la psyché sont complémentaires au niveau du Soi.
Sous cette hypothèse le Soi n'est pas uniquement le centre de la totalité de la personnalité, mais aussi la circonférence qui englobe les activités à la fois du conscient et de l'inconscient. Le Soi ne pourra jamais être pleinement connu et reconnu par l'Ego, vu qu'il est impossible qu'une partie limitée puisse connaître et décrire la totalité.
Cependant, pour l'Ego, le Soi pourrai constituer un but de développement comme un contenant universel dans lequel des expériences d'une autre dimension que celle de l'ego sont stockées ; une sorte de centre ou de lieu permanent ( la coupe, le graal) puisqu'il est en lien avec l'archétype zodiacal méconnu de l'Ego le plus souvent.
L'Ego criant son droit au libre arbitre, ne supportant rien de supérieur à sa nature car il a tendance à vivre par lui-même, comme un objet autonome et assez rigide et surtout hyper contrôlant lorsqu'il est en danger plus que chez d'autres personnes. C'est surtout sa suprématie et ses croyances religieuses et fantasmatiques qui sont en danger.
Il est aussi l'endroit, le lieu dans la psyché, où I'image de "Dieu" (un et globalité) s'exprime le plus parfaitement et en faire l'expérience nous apprend à connaître le sens et la nature de notre véritable identité que certains qualifie de "divine", mais qui est surtout liée à l'archétype zodiacal de notre naissance.
Pour d'autres l'ego n'est qu'un faux centre de la personnalité, en tout cas quelque chose de temporaire; le Soi étant içi aussi le centre dit éternel ou divin.
Cet ego est la somme totale de ce que nous connaissons, ou croyons connaître, de nous-mêmes... un système d'affirmations sur nos buts et nos moyens, nos capacités et nos limites... un portrait inadéquat que nous nous faisons de notre vrai Moi, mais le plus grave c'est qu'il a tendance à vivre par lui-même, comme un objet autonome et assez rigide. C'est la souplesse qui permet de vérifier que l'Ego abdique, à ce niveau là les rêves sont un excellent incateur d'un "sur-moi" rigide ou pas.
Le Soi , quant à lui, fait émerger d'autres qualités et une maturité sans cesse plus grande. Dans de nombreuses circonstances, le Soi et l'Ego se développent dans des directions très opposées et ils en deviennent forcément complémentaires, parfois ces opposés sont comme des "âmes soeurs", la personne recherchant inconsciemment cette complémentarité chez l'autre, mais ceci est un mirage bien entendu.
A travers nos attitudes et nos décisions, nous servons le plus souvent le règne l'Ego et non du Soi, c'est ce que l'on appelle l'égocentrisme; mais, lorsque nos actes et nos pensées proviennent du vrai centre qu'est le Soi, ils en deviennent très créatifs.
il n'y a pas en fait de pensée négative, ce qui est négatif pour les uns peut très bien être positif pour les autres mais c'est l'influence de l'ego qui est souvent dite négative car l'égocentrisme commence dans l'enfance et c'est ainsi que, tout naturellement, l'enfant répond à l'égocentrisme de son environnement pour pouvoir s'y adapter.
Le psychologe Kunkel précise (c'est sa vision des choses) que l'essence même du "péché", si péché il y a (!) serait d'avoir substitué à notre vrai centre qu'est le Soi, un centre apparent qu'est l'Ego.
Delà a penser qu'il peut y avoir un retour au paradis, ou une réintégration dans un centre universel il n'y a qu'un pas. Pour Kunkel, l'Ego serait donc un facteur qui empêche une vie créative alors que pour C.G pour Jung, il représente plutôt une première étape dans le développement de la personnalité, où seuls les processus conscients sont pris en considération.
Cette deuxième version paraissant plus acceptable que celles trop spiritualistes ou religieuses qui nous font aborder des chemins d'égarement remplis de croyances souvent surnaturelles et ésotériques mal interprétées.
La vision de Roberto Assagioli, psychologue italien, est quelque peu différente car il n'utilise pas le terme Ego, mais "Moi conscient normal" ou Je par opposition à un Moi dit spirituel (peut être le Soi ?). Dans son diagramme de la constitution globale de l'homme, il place le Soi au sommet d'un dessin ovoïde, l'ego se trouvant au centre du dessin.
Le Moi conscient serait pour d'autres une projection du Moi spirituel, auquel il est relié. Un certain nombre d'idées exposées par Assagioli sont caractéristiques de l'approche de la psychologie platonicienne/chrétienne ou Occulte. La projection du vrai Moi serait la source de Lumière a un niveau de la personnalité (perceptible dans des états de conscience modifiée, mort apparente et autres expériences).
Si une personne souhaite donc "transcender" son aspect humain, il lui faut unir ce que nous appellerons, pour faire plaisir au plus grand nombre, un Moi inférieur et le Moi supérieur.
Ce processus alchimique est long et difficile car Le Moi dit supérieur (le soi) devient un nouveau centre unificateur autour duquel se construit une personnalité nouvelle suite à une verticalisation (voir l'alchimie et les clefs de Basile valentin).
Dans les approches du Soi et de l'Ego mentionnées par les psychologes et psychothérapeutes, la définition de Centre est confuse car la différence réside dans l'incapacité à faire la différence entre structure et contenu qui est bien la différence essentielle qu'il y a entre eux.
Les choses s'éclaircissent si nous reprenons l'approche du Je comme facteur permanent en fonction duquel les éléments des expériences vécues qui sont de façon constante changeants (dans la psyché comme dans le monde extérieur) deviennent conscients et signifiants.
Généralement et quelque soit l'approche ou la vision des choses, 2 éléments sont pris en considération comme des éléments permanents de référence :
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l'Ego qui est une structure établie
-
le Soi qui est une sorte de tonalité différente relativement constante.
Cette représentation permet de visualiser, de se faire une idée des composantes de la psyché.
Il ne faut pas prendre cette illustration trop littéralement, car les choses sont beaucoup Plus complexe.
Vous y percevez les 4 fonctions de C.G YUNG en relation à l'Ego:
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Sensation
-
pensée
-
Intuition
-
Emotion (jugement induit par..)
Le Soi enveloppe et participe à la réalité objective, matérielle, dont la personna et la réalité sociale au niveau du conscient, ainsi que la réalité psychique ou subjective avec l' inconscient et ses contenu (dont l'anima, l'animus).
L'Ego est donc le produit de conditions familiales, culturelles et sociales en rapport à l'environnement et lorsqu'une société est assez stable dans ses structures collectives, alors les structures égotiques de ses membres sont également stables et(en fait sûres permanentes).
Ce collectif (la société) est en crise de bouleversement, l'Ego qui en est un produit différencié est remis en cause dans toute sa structure. Les réponses de cet Ego aux bouleversements chaotiques n'auront plus de cadre de référence stable et calme. ces réponses vont glisser sous le seuil du conscient, donc d'une forme de compréhension plus proche de l'inconscient.
La personne risque de se rattacher à une méthode ou tradition dite ancestrale (cela dans ce cas devient une référence de secours), parfois simplement familiale (c'est plus modeste, au moins) et se cristalliser dans un égocentrisme insensible ou qualifié de dur, se figeant dans les souvenirs d'une tradition ancienne.
Et c'est précisément là que l'on repère tous les problèmes des individus qui se réfèrent à des soi-disantes traditions hermétiques, gnostiques et autres ou pas (qui n'en n'ont que le nom et pas le contenu). Le monde des apparences ou monde de surface.
Ce n'est qu'après examen approfondi et analytique que l'on constate que c'est la réponse à un simple mal-être ou malaise.
Réponse qui dépend de la formation ou de la structure de l'archétype zodiacal évidemment, vous vous en doutez à présent.
Mais d'autres solutions s'offrent à ces personnes car elles peuvent :
1)- participer à l'émergence d'une nouvelle organisation du collectif dans lequel elles vivent, ce qui impliquera une révolution pour imposer de nouvelles structures sociales.
Cette solution implique la construction d'un nouvel Ego, généralement sous la pression d'une nouvelle société, d'une nouvelle religion, d'un nouveau chef ou d'une nouvelle idole. La nouvelle structure de l'Ego peut être plus vaste et plus universelle mais elle peut aussi régresser et dépendre uniquement d'un groupe particulier auquel il faut jurer obéissance.
Et oui !...obéissance et service ne sont des attitudes salutaires qui permettent de restaurer l'Ego et de redéfinir une structure. C'est tout simplement un nouveau mode d'expression de la fonction Saturne/Jupiter.
Vous comprenez à présent que tous les ordres de toutes natures qui demande à leurs membres (adhérents) de se plier à la règle commune ne redonnent que de la puissance à l'Ego. En parlant de puissance on devrait parler d'une forme d'équilibre et de restructuration.
Ce qui n'est absolument pas le but de l'initiation, donc des chemins de l'intériorité. C'est ainsi que dans divers de ces mouvements on assiste assez souvent à des guerres d'Ego et d'idées toutes faîtes mais surtout de croyances nouvelles.
2)- dépasser la dépendance à l'égard de toutes structures égotiques ou "patterns", en se tournant ou se retournant (une sorte de métanoïa) vers la source réellement créative de tous progrès individuels et collectifs vrais, le Soi.
Cette autre solution implique de traverser la crise en tant qu'individu, et d'établir un lien de tous les aspects de la personnalité et de l'organisme avec la source de créativité qu'est le Soi, ce soit-disant Dieu pour certains d'entre-nous.
D'un point de vue cosmo-psychologique, il est souhaitable que les fonctions liées à la métamorphose intérieure soient éveillées, fonctions qui seront forcément représentées par les forces archétypales planétaires dites de la transcendance:
-
Uranus,
-
Neptune,
-
Pluton.
Si l'archétype planétaire Saturnien met en place les structures, celui de la Lune en énergétise le contenu et ce que nous appelons aujourd'hui l'orbite de la Lune, était pour une ancienne astrologie géocentrique, mais aussi pour l'alchimie des premiers temps, et pour d'autres visions plus ou moins occultes, la sphère dite subluaire. En astrologie traditionnelle, la Lune représente aussi la mère et Saturne le père (pour d'autres c'est le soleil le père mais sur ce point il y a bien des choses à dire....) et les raisons de cette approche symbolique sont assez claires.
La Lune est notre satellite qui semble tourner constamment autour de nous comme notre mère était (dans la majorité des cas) constamment présente auprès de son enfant (bébé) et l'entourait continuellement. Pour l'astrologie d'aujourd'hui sa fonction première est de permettre l'adaptation à notre quotidien quotidien. Elle représentera également les humeurs et les ressentis, le mondes des images, de la sensibilité etc..., qui sont, il faut l'affirmer, d'attitudes et réponses plus ou moins passives, aux situations rencontrées.
Saturne a été considéré pendant très longtemps de notre histoire la planète la plus éloignée de notre Soleil. Aujourd'hui encore,il peut encore être considéré comme la limite réelle du système solaire puisque Saturne marque la limite des planètes individuelles et que les planètes transaturniennes sont dites collectives.
Saturne représente le père réel ou son imago, mais d'une manière plus générale, tout ce qui définit notre structure permanente et notre place dans un cadre d'existence. Il symbolise aussi le squelette qui est la forme stable à notre organisme.
Sur un plan plus intellectuel, il est la logique et psychologiquement il représente l'Ego avec ses attitudes bien définies face aux impacts sociaux. L'un dans l'autre Saturne exprime notre place dans quelque chose de plus grand.
Si dans les "années 2000", même si les pères n'ont plus le même impact social sur leurs enfants, ils leurs transmettent tout au moins encore leur nom. Saturne est donc la structure et ce qui peut s’intégrer dans une structure plus large.
Saturne précise la place qui nous convient et ce qui est juste dans tout ce qui nous arrive. Mais ne nous guide pas car il nous donne la carte de tout ce qu'il est possible de faire compte tenu de ce que nous sommes ou avons comme dispositions et capacités.
Saturne (suivant sa position symbolique au niveau de l'archétype zodiacal) représente, en partie, la structure de l'Ego et la Lune la substance vitale animant le contenu de l'ego.
Cette énergie lunaire née sans cesse du Soleil, sa luminosité est le reflet du soleil (faîtes le rapport à l'alchimie pour ceux qui ont quelques connaissances des symboles utilisés), elle est donc l'énergie solaire filtrée, colorée, limitée par la fonction saturnienne. Ce dernier point est un principe alchimique fondamental.
La lumière est la force (et quelle soit avec toi...), à la fois constructive et destructive, du Soleil et est l'expression de l'énergie qui éveille et anime en rayonnant indifféremment sur toute chose. Elle est porteuse de la vie mais aussi parfois de la mort.
N'oublions pas que c'est la source de ce que les Hindous appellent le prana.
Mais vous vous doutez que notre Soleil n'est pas le Soi. Nous ne pouvons concevoir le Soi que si notre propre mouvement permet la libération de sa force créatrice qui est perçue à travers les bouleversements qu'elle provoque par l'intermédiaire des archétypes d'Uranus, Neptune et Pluton au sein même de notre sécurité rigidité égocentrique, culturelle et évidemment religieuse.
Il ne nous est possible de connaître le Soi, au début de l'oeuvre alchimique, qu'à travers les crises. On entend déjà certains crier: "ah, mais c'est négatif, alors !...". Comprenez bien que tout aspect dit négatif détient en pleine puissance un positionnement plus que positif (hyper positif... c'est la loi...)
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2.33 La psychanalyse expliquée concrètement aux manager : (Leçon 2 : La structure de la personnalité)
Introduction
Nous nous efforcerons dans cet article de décrire les 3 instances qui ont constitué la deuxième topique proposée par Freud pour expliquer la complexité du psychisme humain. Cette typologie présente un double intérêt : celui de permettre non seulement de comprendre le fonctionnement des individus mais aussi celui des organisations. Toute organisation comme tout individu est traversé par le Désir, le Réel (Le Moi), et les Règles (Surmoi). Pour faciliter l'appropriation par le lecteur de ces concepts, l'auteur s’appuiera dans la deuxième partie de l'article, sur les concepts et les outils de l'Analyse transactionnelle fondée par Eric Berne.
Freud a décrit le psychisme comme la dynamique en jeu entre trois " parties " de la personnalité : Le ça (id)), le moi (ego) et le surmoi.
- Le " Ca " (id)
Le " ça ") représente les besoins et pulsion humaine fondamentale) (libido et agressivité domination). Le " ça " ne connaît pas la logique et raison. Il ne connaît ni le temps ni les valeurs. Il ne recherche que la détente. Le " ça " fonctionne d'après le principe du plaisir (éviter la douleur et atteindre le plaisir). C'est le processus primaire de la pensée : rêve, hallucinations, satisfaction d'un désir, l'objet désiré apparaissant sous forme onirique ou hallucinatoire. Ainsi on peut rêver, lorsque l'on a soif, que l'on boit à une fontaine. Les hallucinations au sujet de l'eau et de la nourriture que l'on retrouve dans les récits de naufragés sont un autre exemple de ce phénomène. Paradoxalement, on peut dire que la satisfaction du désir est la seule réalité que le " ça " reconnaisse.
Cependant, pour véritablement résoudre le problème de l'approvisionnement en eau et en nourriture, des processus de pensée plus sophistiqués fondés sur le test de la réalité (processus secondaire de pensée) sont nécessaires.
Le cerveau " reptilien " à l'arrière du crâne (le plus archaïque) ne suffit plus. Le néo-cortex frontal, l'hippocampe) (mémoire, représentations etc...) doivent être utilisés
- Le Moi (ego)
C'est le moi qui entretient des rapports avec la réalité. Le moi agit comme médiateur entre le monde intérieur et le monde extérieur. Il fonctionne selon le principe de réalité et utilise les processus secondaires de la pensée. La gratification immédiate est retardée, recanalisée et ne survient que si certaines conditions de l'environnement sont réunies.
Prenons un exemple très simple, dans une situation de travail : combien de fois un contremaître ayant à faire face à des exigences contradictoires réprimera-t-il son impulsion à exprimer sa colère à l'égard des supérieurs parce qu'il est conscient des conséquences d'un tel emportement ?
Le principe de réalité qui oblige au contrôle de soi ne va pas sans inconvénients.
Si l'on peut plus ou moins maîtriser son comportement, on ne contrôle pas l'émotion et ses répercussions physiologiques (accélération de la fréquence cardiaque, sécrétions hormonales : adrénaline, cortisol, tensions musculaires, etc...)
Ce gestionnaire, typiquement pris entre deux feux, enfermé dans des conflits de rôles et de valeurs, est souvent décrit dans la littérature psychosomatique comme enclin à faire des ulcères ou à souffrir plus tard de problèmes cardio-vasculaires, etc...)
Les processus du Moi englobent des fonctions telles le contrôle moteur, la cognition et la perception sensorielle.
Le Moi a une tâche exécutive car il sert de médiateur entre les demandes du " Ca " et celles du monde extérieur. Les impulsions qui sont issues du " Ca " sont contrôlées et utilisées de façon constructive.
Pour citer Freud (1932) :
"La relation du Moi avec le " Ca " peut être comparée à celle du cavalier sur sa monture. Le cheval fournit l'énergie nécessaire à la locomotion, le cavalier a le privilège de désigner le but à atteindre et de guider les mouvements du puissant animal. Toutefois en ce qui concerne le Moi et le " Ca ", le rapport est loin d'être toujours idéal et il arrive trop souvent que le cavalier soit obligé de se rendre là où il plaît à son cheval de le mener ". (p.77 v.a) (p.103 v.f).
A mesure qu'on s'est rallié davantage à la psychologie du Moi, laquelle met l'accent sur l'ampleur du fonctionnement autonome du Moi (Hartmann, 1958), ce dernier est apparu comme étant plus fort qu'on l'avait supposé à l'origine.
- Le Surmoi (superego)
Le troisième système de la personnalité est le Surmoi. Le Surmoi résulte de la socialisation dans la famille puis dans l'école et la société. Les parents et les enseignants transmettent valeurs, interdits et croyance à l'enfant, un sens du bien et du mal qui déterminera ses comportements dans la vie. Il n'est pas surprenant que le surmoi joue un rôle important dans la genèse des religions et soit renforcé par elles. Des sentiments de culpabilité inexplicables tirent leur origine du surmoi, indiquant que des standards passés inchangés continuent d'exister au cours de la vie adulte alors que les standards actuels sont très différents. Cette socialisation se fait par identification avec les figures parentales et autres éducateurs, c'est ainsi que se développe le Surmoi. On peut facilement observer l'imitation et l'identification dans les jeux de l'enfant.
3.1 Les deux facettes du Surmoi
On distingue dans le Surmoi deux facettes :
1- Les interdits / Les impératifs (" divers " dans la littérature anglo-saxone) : " Tu dois être fort, indépendant "
2- Le Moi idéal : les modèles parentaux que nous avons intériorisés par identification et auxquels nous essayons de ressembler.
Il n'y a pas que le Surmoi qui fait naître la culpabilité chez l'individu. Le Moi idéal peut avoir le même effet. [Le Moi idéal url:http://www.aidepsy.be/moi_ideal explique le lien mystérieux qui existe entre le leader et celui ou ceux qu'il influence
3.2 Les situations de groupe
Dans les situations de groupe, le leader devient le Moi idéal de ceux qui le suivent, remplaçant ainsi leur propre Moi idéal. A partir de ce moment, les membres du groupe s'identifient au leader et s'identifient les uns aux autres, ce processus les amenant à créer des liens entre-eux. Malheureusement, il arrive dans de telles situations qu'il y ait abdication de la responsabilité individuelle et que le processus devienne alors régressif et entraîne une fusion de la conscience du leader et de la conscience de ceux qu'il influence. Cela eut créer une ambiance où le monde se partage en " bons " et en " mauvais " et conduire à la recherche d'un ennemi, d'un bouc-émissaire ou autres phénomènes semblables. Viennent à l'esprit parmi de l'histoire récente des leaders comme Khomeini, Khadafi et Amin.
- L'Analyse Transactionnelle
Dans les années 70-80, importée des USA, l'analyse transactionnelle a popularisé une version simplifiée et très pédagogique de ces concepts. Inventée aux USA par Eric Berne, elle est une simplification pédagogique de ce que nous venons de voir.
Les 3 principaux états du Moi
Dans ce schéma, Eric Berne montre que le Moi de l'individu est structuré autour de 3 formes principales. L'état du Moi " Parent ", appelé " exteropsyché " , correspondant à l'intégration des normes sociales à l'intérieur du psychisme tandis que l'état du Moi Adulte, ou " néopsyché " est associé à la capacité d'analyser avec objectivité le réel et l'état du Moi " Enfant " (" archeopsyche ") renvoie à la vie émotionelle de l'individu. Le Moi adulte qui est normalement " aux commandes " peut être " contaminé ", temporairement remplacé par " les parents " (Surmoi) ou " l'enfant " (" Ca "). Nous avons périodiquement besoin de nous " lâcher ", de faire les fous et " laisser la main " à notre enfant. Une description détaillée des Etats du Moi a déjà été réalisée dans l'article " Le Moi dans tous ses états ".
Le Parent Nourricier exclusif
Il arrive parfois que les personnes pour des raisons liées à leur histoire personnelle privilégient un état du Moi au détriment d'un autre. Le Parent Nourricier exclusif explique la tendance à tout pardonner ; le Parent Normatif exclusif alimentera en permanence la tendance à émettre des jugements de valeur sur autrui.
L'Adulte exclusif
L'Adulte exclusif donnera une personne hyperrationnelle analysant sans état d'âme les situations ; l'Enfant exclusif enfermera l'individu dans une certaine immaturité.
Les 3 facettes de l'Enfant
Eric Berne met en évidence 3 manières de vivre " l'Enfant qui souterrainement n'a jamais cessé d'exister au fond de nous " (D. Vasse) :
- L'Enfant Spontané ou Enfant libre qui permet une expression libre des émotions
- L'Enfant Adapté rend possible l'acceptation des contraintes et des règles
- L'Enfant Rebelle autorise la contestation des systèmes
La grille des transactions interpersonnelles : un outil pour mieux comprendre l'ambigüité de la relation managériale
L'Analyse Transactionnelle va plus loin en se centrant sur le relationnel entre la personne et les autres. Elle est particulièrement intéressante pour explorer les relations de travail, surtout si celles-ci sont difficiles. Si on prend l'exemple de la relation managériale, les échanges transactionnels devraient être d'adulte à adulte comme l'indique la figure 1.
Mais les choses ne sont pas si simples car selon le vécu du manager ou du collaborateur vis-à-vis de l'autorité, la relation peut-être troublée par la réactivation du transfert. Le transfert est la reproduction dans une situation présente d'émotions et de représentations anciennes ressenties face aux figures parentales. Chaque fois que que nous sommes confrontés à l'autorité, celui est réactivé et peut venir selon son intensité perturber la relation actuelle.
Le transfert peut être réactivée par une attitude autoritaire du manager (Parent Normatif) qui peut-être amplifiée simultanément par une attitude régressive (Enfant adapté) du collaborateur. La transaction alors tissée est profondément immature puisqu'elle se situe sur le mode Parent - Enfant, Enfant - Parent comme l'indique la figure 2.
Nous avons évoqué ici des transactions simples et complémentaires. Mais dans ce cas, elles peuvent être plus compliquées. On parle alors de transactions croisées à double fond avec un niveau formel et un niveau informel (Figure 3). Dans ce modèle, les communicants mettent en scène un niveau social apparent qui semble relever de la transaction Adulte - Adulte alors qu'en réalité, l'échange informel se fait sur le mode Parent - Enfant / Enfant - Parent.
Il faut une grande maturité personnelle pour maintenir la relation managériale sur le mode Adulte - adulte car elle est structurement ambigüe du fait des rôles sociaux attribués. Le lien hiérarchique réactive par nature les imagos parentaux.
Les 4 positions de vie
Allant encore plus loin, l'Analyse Transactionnelle définit 4 façons de vivre selon l'estime de soi et le jugement que l'on porte sur les autres à tort ou à raison. Ces positions de vie sont liées à la manière dont on se perçoit et imagine les autres. Elles sont le résultat d'une constructions imaginaires qui se sont opérées généralement dans la petite enfance à partir des interactions qui se sont déroulées entre l'enfant et ses parents. Elles ne sont pas toujours le résultat de la réalité des interactions mais surtout de la façon dont celles-ci ont été perçues. On distingue ainsi 4 positions imaginaires :
- Une position de coopération : J'ai une bonne image de moi et une bonne image de vous. Nous pouvons donc collaborer en toute confiance. Sans une bonne estime mutuelle, la confiance n'est pas possible.
- Une position de survalorisation personnelle : J'ai une bonne image de moi mais une mauvaise image de l'autre. Cette position névrotique est souvent une attitude défensive qui peut être en lien avec une carence narcissique. En dévalorisant l'autre, cela permet de maintenir de façon illusoire une bonne image de soi.
- Une position de dévalorisation personnelle : J'ai une mauvaise image de moi et je survalorise l'autre. Cela peut-être lié aussi à une carence narcissique et ou à une idéalisation d'autrui.
- Une position dépressive : J'ai une mauvaise image de moi et de l'autre. Il n'y a plus d'effet d'espérance possible. Cela indique souvent une atteinte dans l'Idéal du Moi.
Il est important de savoir que l'estime de soi ne dépend pas seulement des expériences réelles ou imaginaires de la petite enfance mais aussi de la gestion de sa vie émotionnelle actuelle. Tant que nous parvenons à poser des actes qui nous permettent de résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés, les émotions se convertissent en actions. Il n'y donc pas de stase émotionnelle donc d'inhibition d'action, source, selon Henri Laborit de toutes les pathologies physiques, psychologiques et sociales. Les situations trop prolongées d'inhibition d'action peut considérablement affaiblir l'estime de soi.
Conclusion
Notre système psychique est le résultat de combinaisons complexes intégrant les éléments contradictoires qui constituent notre humanité individuelle et sociale : désirs, normes, émotions, rationalisation ; etc.... Ce processus s'opère de façon consciente et inconsciente pour donner naissance à des structures de personnalité qui conditionnent notre perception du monde. Nous explorerons à un autre moment ces différentes combinaisons appelées structure obsessionnelle, paranoïaque, schizoide, hystérique, mégalomaniaque que François Lelord et Christophe André ont contribué à vulgariser.
Les médias s’en gargarisent, le langage courant tout autant, sans que personne sache ce qu’est vraiment le surmoi. Retour en cinq temps sur cette instance psychique, qui regroupe nos interdits intérieurs et détermine notre aptitude à vivre avec les autres.
Nicolas Sarkozy n’en aurait pas. François Hollande en aurait trop. Celui de Jean-Luc Mélenchon serait « sévère ». Sorti comme un diable de sa boîte, le concept de surmoi a largement alimenté les discours des analystes et des politologues pendant la campagne électorale pour la présidentielle. Mais de quoi cette notion clé est-elle le nom ? S’agit-il, comme nous avons tendance à le résumer hâtivement, de « notre gendarme intérieur » ? C’est un tout petit peu plus compliqué, d’autant que la pensée et la définition de Sigmund Freud, qui l’a découvert, ont évolué au fil du temps. Quelques explications pour mieux comprendre le fonctionnement de notre psychisme.
Le surmoi, notre morale intérieure ?
Le surmoi est une instance psychique, dont l’existence a des implications dans notre vie quotidienne. Avant d’utiliser le terme de surmoi et de le définir précisément, Freud en a esquissé les contours en parlant de « conscience morale » des individus. Au fil du temps, de l’observation de ses patients et de sa pratique clinique, le psychanalyste autrichien a affiné sa réflexion. Le surmoi est à l’origine de nos interdictions internes et nous empêche d’assouvir nos pulsions sans tenir compte d’autrui. Il détermine, à ce titre, « notre aptitude à vivre avec les autres », affirme la psychanalyste Félicie Nayrou. Il s’imprègne à la fois des interdits universels – l’inceste, le cannibalisme… –, des interdits culturels propres à chaque civilisation – la nudité, les rituels alimentaires, religieux… – et des interdits parentaux. Impossible aussi de penser le surmoi sans ses deux acolytes que sont le ça et le moi.
Selon Freud, le surmoi est « sorti du ça, domine le moi et représente les inhibitions de la pulsion caractéristiques de l’homme ». Ça, moi et surmoi, ces trois instances définies par le psychanalyste structurent le psychisme de l’être humain. Le ça regroupe les pulsions de vie et de mort qui se combattent secrètement, inconsciemment, en nous. C’est le lieu de l’archaïsme, de la passion primitive que nous éprouvons pour notre père ou notre mère. Le moi est la partie « raisonnée », « rationnelle », organisée du ça. Il est sa projection dans le monde réel. Il comporte une partie inconsciente, mais met de l’ordre dans les pulsions en les adaptant à la réalité. Le surmoi, comme son nom l’indique, surplombe le moi. Il interdit les désirs venus du ça et, dit Freud, « présente les rapports les plus intimes et les plus étroits avec l’héritage archaïque de l’individu ». Le psychanalyste voit dans le surmoi et le ça des puissances clés de notre « monde intérieur ». C’est de ces rapports harmonieux ou pas entre les trois instances psychiques que découlent les équilibres et les déséquilibres humains.
Le surmoi, inné ou acquis ?
Le surmoi est acquis, il se construit avec le temps. Il est « l’héritier du complexe d’OEdipe », explique encore Freud. Le psychanalyste Vincent Estellon précise qu’il « s’érige sur l’interdit de l’inceste, celui de se rapprocher sexuellement de sa mère, de sa petite soeur ou de son frère. Il permet ainsi de mener à bien un travail de différenciations générationnelle et sexuelle : nous comprenons qu’un enfant et un adulte ce n’est pas la même chose, qu’un homme et une femme, non plus ». Ce premier tabou est d’abord formulé par les parents ou par ceux qui en font office. Ce sont eux qui vont faire exister ce « non » fondamental. Puis le socle de censure se solidifie. Les interdits imposés par les adultes sont petit à petit intégrés et intériorisés. Le poids à porter peut être lourd, car, détaille le psychanalyste Marie-Jean Sauret, « notre surmoi est le descendant du surmoi de nos parents ». En clair, nous transportons avec nous l’ensemble des interdits inconsciemment véhiculés dans et par notre famille.
Le surmoi, un bon juge ?
Tout dépend de l’histoire familiale, personnelle de chacun, et de la manière dont l’enfant puis l’adulte l’incorpore. Il n’est ni bon ni mauvais, il est juste notre loi intérieure. S’il régule nos rapports avec notre environnement, il peut aussi avoir des effets dévastateurs sur le psychisme quand il s’est mal construit. Selon Freud, chez les névrosés, le surmoi est susceptible d’engendrer la culpabilité, de les inhiber, de les torturer et de les tourmenter. Il alimente la dépréciation de soi chez les mélancoliques (ou chez les dépressifs), le sentiment d’angoisse chez les obsessionnels. Bref, il peut devenir une entité féroce transformant en bourreau de soi-même, réprimant des désirs qui ont été intériorisés comme étant interdits. À l’exemple de cette jeune fille qui se scarifie pour se punir de la transformation de son corps à la puberté et du fait qu’il devienne désirable. Ou de ce célibataire qui enchaîne les histoires sans lendemain sous l’emprise de l’alcool pour être sûr de rester seul. « Ce que veulent les humains, c’est aimer et se faire aimer, analyse Vincent Estellon. Dans ce dernier cas, un surmoi cruel vient intimer l’ordre d’échouer : le vrai partenaire, c’est le verre. L’alcool vient remplacer l’affect recherché, peut-être parce que se maintenir dans l’échec permet de protéger un parent, un frère, une soeur ou quelqu’un que l’on a passionnément aimé. »
Quelle est la fonction du surmoi ?
Le surmoi définit les limites indispensables à l’équilibre affectif et psychique. Il fait office de rempart salutaire contre les poussées pulsionnelles qui nous agitent dès la naissance. Celles-ci sont de deux ordres, détaille Freud : pulsions de vie (éros) et pulsions de mort (thanatos). Les premières relèvent de l’amour, de la sexualité, de tout ce qui nous remue ; les secondes ont trait à la tentation de la destruction et en même temps à la conservation, au désir que rien ne bouge. Nous oscillons en permanence entre ces deux grandes tendances, qui, si elles ne sont pas disciplinées, nous mènent au chaos. Félicie Nayrou est convaincue qu’« un surmoi de bonne qualité joue un rôle protecteur. Il se constitue peu à peu par les limitations à la toute-puissance de l’enfant qui lui permettent d’être en relation avec l’autre. C’est à la phase oedipienne, vers 4 ou 5 ans, que cette instance est vraiment constituée – l’accalmie pulsionnelle donnant l’occasion à l’enfant d’apprendre. Et, plus tard, à l’adolescence, elle aide à négocier la poussée sexuelle, à ne pas être submergé par elle, à ne pas commettre d’actes agressifs pour obtenir satisfaction ». Ce surmoi de « bonne qualité » permet, d’après la psychanalyste, de « substituer à la jouissance instantanée de la décharge pulsionnelle les bénéfices de la culture, les avantages de la sublimation, le détournement de l’énergie sexuelle vers la créativité artistique, la réflexion intellectuelle ».
Le surmoi est-il changeant ?
Heureusement ! Marie-Jean Sauret raconte : « Parfois, des patients me disent qu’ils vont partir très loin de leurs parents pour enfin pouvoir leur échapper. Mais ils ne se rendent pas compte que “grâce” à leur surmoi, ils emportent papa-maman partout avec eux ! Dans la psychanalyse, nous tentons précisément de faire bouger les lignes quand elles emprisonnent et suscitent trop de souffrances. » Même si le surmoi hérité de nos parents est pétri d’interdits nocifs, même s’il s’est construit sur les ruines d’un complexe d’Œdipe mal ou pas résolu – nous continuons à aimer papa ou maman tout en nous détestant pour cela –, la situation n’est jamais désespérée. Le surmoi bouge. Il interagit avec l’environnement extérieur. « Il est dynamique, rassure Vincent Estellon. Il se nourrit des identifications successives et complètement inconscientes à des êtres que nous admirons, idéalisons : un oncle, une tante, une grand-mère, puis un camarade de sport, de travail, un professeur de piano, de philosophie, un nouvel amour… » Nous nous imprégnons de leurs traits et nous nous approprions aussi leurs limites. Ce qui peut nous permettre de tracer de nouvelles frontières intimes, moins destructrices et culpabilisantes.
Précisions :
"Moi", "Surmoi" et "Idéal du Moi" sont des concepts Freudiens;
Instances (rappel) :
- Systèmes, parties de l'appareil psychique d'après la conception Freudienne.
- Il y a ainsi 3 parties ou instances qui sont le Moi, le ça et le Surmoi. L'instance première est le ça. En sont issus dans un premier temps le Moi, formé grâce au contact avec la réalité extérieure, puis le Surmoi introjecté par le Moi qui fait se retourner l'énergie pulsionnelle contre lui-même. A la rencontre du ça et du Surmoi (ainsi que son "pendant" plus élaboré qu'est l'Idéal du Moi) se trouve le Moi.
ça : intérêts pulsionnels.
Surmoi : intérêts extérieurs.
Idéal du Moi : intérêts narcissiques.
Moi : intérêts de la totalité de la personne.
Introduction à la deuxième topique
Dans la théorie psychanalytique, la première topique définit trois systèmes: l'Inconscient, le Préconscient et le Conscient ayant chacun sa fonction et son type de processus. Sigmund Freud aborde dans une deuxième topique les rapports entre les 3 instances que sont le ça (pôle pulsionnel), le Moi (intérêt de la totalité de la personne, raison + narcissisme) et le Surmoi (agent critique, intériorisation des interdits et des exigences).
Pour expliquer l'ensemble des processus mentaux, Sigmund Freud en viendra à rajouter l'Idéal du Moi (modèle de référence très investi narcissiquement, et que la personne espère égaler). Il pourra alors décrire les principaux phénomènes psychiques en termes de conflits. La deuxième topique révèle mieux la façon dont le sujet se construit, et se perçoit. Dans l'ambivalence par exemple, il y a un conflit créé par la dualité pulsionnelle à l'intérieur d'un même système, le ça. L'Oedipe est un conflit qui oppose le ça et le Surmoi. La sublimation quant à elle permet à la fois la satisfaction du Moi et la satisfaction des revendications pulsionnelles du ça... etc.
Description dynamique de l'appareil psychique réunissant les 2 topiques
Émergence du Surmoi (au stade phallique, vers 4 ans)
Avec la résolution du conflit Oedipien, une partie de la personnalité de l'enfant va assumer les interdits du parricide et de l'inceste, ainsi que l'identification au parent du même sexe que lui. C'est le Surmoi, héritier de l'Oedipe. C'est l'intériorisation des interdits et des exigences parentales et sociales, le censeur du futur adulte. Une fois formé, le Surmoi va remplacer les parents dans la vie sociale. Il rentrera continuellement en conflit avec les pulsions, et entraînera la culpabilité.
Le Surmoi est l'instance refoulante, le support de tous les interdits et des contraintes sociales et culturelles. Son activité est partiellement inconsciente. Héritier du complexe d'Oedipe, il se constitue par intériorisation des exigences et interdits parentaux. L'enfant renonce au désir incestueux grâce à la fonction séparatrice du père, puis la découverte des règles sociales sous la pression de l'instance refoulante: le Surmoi.
Psychopathologie
Le Surmoi du pervers est resté au stade pré-Oedipien, c'est à dire qu'il retient le sujet au niveau des interdits du stade anal (ou oral) mais n'a pas de loi de type social. Car les lois sociales naissent de la confrontation Oedipienne;
Le Surmoi du névrosé est par-contre plus tyrannique, plus culpabilisant. Le névrosé fantasme là où le pervers agit;
... etc.
Émergence de l'idéal du Moi
C'est un modèle auquel le sujet cherche à se conformer, résultat de l'identification aux parents idéalisés. L'idéal du Moi est une instance qui accompagne le processus de socialisation, tout au long de la formation de la personnalité. C'est aussi le substitut de la toute-puissance de l'enfant (de "je peux tout" à "je voudrais tout pouvoir") pour la construction de son Moi. Le Moi se compare et se construit par rapport à un idéal, à une référence permettant au sujet de se dépasser. Cet idéal personnel se forme progressivement au cours de l'enfance par identification aux personnes proches (souvent les parents) aimées et admirées. Cette instance psychique est consécutive à l'identification Oedipienne, et relève du symbolique.
Ne pas confondre avec le "Moi idéal", qui n'est pas le substitut mais l'idéal d'une toute-puissance narcissique, avec identification à des personnages fabuleux ou prestigieux. Le Moi idéal ne propose pas de modèle accessible pour le processus de socialisation. C'est le Moi qu'on se construit dans le stade du miroir, celui qui relève de l'imaginaire.
INCONSCIENT
ÇA / MOI / SURMOI / IDÉAL DU MOI
Idéal du Moi: "tu dois", "tu devrais".
Surmoi: "tu ne dois pas". Ce sont les interdits, la loi, les limites...
CONSCIENT
Moi: pôle défensif de la personnalité construit avec les exigences du ça et les interdits du Surmoi face au réel.
INCONSCIENT
ça: pôle pulsionnel. Besoin de satisfaire immédiatement les pulsions. Principe de plaisir.
Le Surmoi et l'agressivité
L'agressivité du ça a été progressivement transformée par le Moi en Surmoi. L'origine de l'agressivité est pulsionnelle. Elle est la résultante d'un mécanisme de défense du Moi: la projection de la pulsion de mort sur le mauvais Objet. Elle est liée par la libido pour la préservation du Moi (sexualité, reproduction, défense du territoire, emprise sur le monde, affirmation de soi...). Elle est sublimée, déplacée. Elle contribue, au sortir de l'Oedipe, à la formation du Surmoi.
Avant l'Oedipe, l'agressivité s'exprimait à travers la projection, le clivage... Après l'Oedipe elle sera sublimée et s'exprimera en partie sous le contrôle du Surmoi.
Le Surmoi et l'angoisse
L'angoisse est liée à la pulsion. Un excès de tension crée une surcharge d'énergie qui ne peut se libérer et provoque l'angoisse. L'angoisse est secondaire à la non-utilisation de l'énergie.
1ère théorie Freudienne: l'angoisse est liée à une perte de la représentation;
2ème théorie Freudienne: l'angoisse est le résultat d'un conflit entre le ça et le Surmoi, le ça et le Moi ou le Surmoi et le Moi. C'est le Moi qui vit l'angoisse, comme un signal d'alarme émit par lui face à un désir incompatible. L'angoisse a une fonction d'auto- conservation.
Le rôle du Surmoi dans les mécanismes de défense
Les mécanismes de défense sont des processus élaborés par le Moi sous la pression du Surmoi et de la réalité extérieure, et permettant de lutter contre l'angoisse. Ces mécanismes psychiques préservent le Moi et le protègent aussi des exigences pulsionnelles du ça. Mais ce dont le Moi se protège en priorité, c'est de l'angoisse.
Par exemple, une représentation inconsciente va être incompatible avec les exigences du Surmoi. Cette représentation inconsciente du ça apporte du plaisir mais provoque aussi du déplaisir. Le Moi, pour se défendre contre cette représentation, va utiliser divers procédés que l'on réunit sous le terme de "mécanismes de défense du Moi".
Le Conscient accède à l'inconscient comme les organes des sens accèdent à la réalité extérieure. Il y a eu constitution d'un "grenier" où sont engrangées toutes les informations vécues. L'individu peut faire appel à un moment précis à ces vécus. Ces faits sont dits "refoulés". Le refoulement est un mécanisme de défense. Tout ce qui est refoulé devient inconscient mais l'inconscient n'est pas constitué que de cela. Il y a aussi des contenus innés qui ne sont jamais passés par la conscience. L'inconscient obéit aux processus primaires que sont le déplacement (changement d'Objet) et la condensation (plusieurs Objets en un). Ces deux processus primaires obéissent au principe de plaisir. Les désirs sont mobiles et essaient de s'extérioriser, provoquant le refoulement.
Le refoulement est un filtre incité par le Surmoi et opéré par le Moi. Le symptôme est le produit du refoulement qui consiste en un retour du refoulé sur le plan somatique. Il sert à échapper à l'angoisse. Il est le substitut d'une satisfaction pulsionnelle qui n'a pas eu lieu. Ce qui aurait du être plaisir devient déplaisir.
J’ai le plus souvent privilégié sur ce site la publication de documents permettant une approche concrète des réalités quotidiennes concernant la communication, l’aide et la psychothérapie. Cela m’a souvent valu de nombreux émails de lecteurs se reconnaissant dans ce qui était décrit.
J’ai également choisi de proposer quelques documents plus techniques, afin d’aborder certaines données théoriques avec des précisions complémentaires. C’est le cas de cette publication consacrée aux notions de Ça, de Moi, de Surmoi et de Soi. Ce sont des mots connus de tous, utilisés depuis longtemps…mais dont les nuances s’obscurcissent devant de nombreuses explications contradictoires et surtout devant d’étonnantes inversions sémantiques. Outre une exploration des significations, ce document va permettre également de relier ces notions à l’approche maïeusthésique décrite dans l’ensemble de ce site. Naturellement ces éléments ne sont pas les seuls à considérer, comme cela a été abordé dans ma publication de mars 2005 « libido amour et autres flux » où l’on a pu également trouver le cognitivisme, le comportementalisme et le psychocorporel comme élément de synthèse maïeusthésique.
Regards sur la psyché retour
Théories et thérapies
Il est évident que le Ça, le Moi le Surmoi et le Soi ne sont pas les seuls éléments de la psychologie à considérer. Par exemple, les thérapies comportementales et cognitives ou psycho corporelles obtiennent des résultats en s’appuyant sur d’autres fondements.
Les éléments que représentent le Ça le Moi, le Surmoi et le Soi sont une façon de tourner son attention vers la psyché, en adoptant un certain point de vue. Il convient de bien avoir à l’esprit que ce n’est pas le seul possible. On peut considérer la psyché depuis plusieurs points d’observation distincts, comme on le ferait pour un objet qui peut s’observer depuis plusieurs endroits. Toutes les vues peuvent être justes, quoique différentes, et toutes contribuer à apporter un enseignement complémentaire.
Nous voyons aujourd’hui apparaître la psychothérapie Intégrative qui est une évolution majeure dans les soins psychiques puisqu’elle invite à une telle variété de perspectives.
Dans son ouvrage « Manuel de psychothérapie brève Intégrative », John Preston, Dr en psychologie, insiste sur la question « Mais qu’est-ce que je dois faire maintenant ? ». Evoquant ses premières séances de thérapie il dit, parlant de lui et de ses clients « Si l’un d’eux m’avait demandé d’écrire une dissertation ou de définir un concept psychologique, je m’en serai sorti brillamment. Mais mon assurance n’allait pas plus loin… … j’ai connu des moments, durant les séances de thérapie, où je me demandais en mon for intérieur mais que dois-je faire maintenant ? » p3.
Toutes les théories ont leur importance, mais ne sont que de peu d’utilité dans la réalité d’une situation thérapeutique concrète. Le Dr Karl Jaspers, dans son ouvrage « Psychopathologie Générale » nous signalait aussi :
« Les tendances que nous avons à attribuer une grande importance à des considérations théoriques, exercent l’action la plus néfaste sur les connaissances intuitives et empiriques que nous arrivons à acquérir au sujet de nombreuses variétés d’anomalies psychiques. On quitte le monde des connaissances, en faveur de vaines abstractions » p328.
C’est donc en ayant cela présent à l’esprit que nous aborderons les notions de Ça, de Moi, de Surmoi et de Soi.
Si, comme pour le Dr John Preston la question qui vous préoccupe est « que dois-je faire maintenant ? » vous trouverez plus de réponses sur ce site dans ma publication d’avril 2004 « communication thérapeutique » que dans le présent document. Cependant, celui-ci apporte un éclairage intéressant sur l’habitude que nous avons de ne pas savoir distinguer les choses et les êtres, sur la fâcheuse habitude culturelle que l’on a de confondre l’objectal (qui s’occupe des objets) de l’existentiel (qui s’occupe de la vie et des individus).
Sources psychanalytiques
Les notions de Ça de Moi, de Surmoi et de Soi viennent de la psychanalyse. Les approches de psychothérapie qui en découlent, se nomment psychothérapies psychodynamiques.
Les trois premiers de ces quatre éléments (Ça, Moi et Surmoi), proviennent de ce que Freud a nommé sa « deuxième topique ». Le mot « topique » signifie « lieux » (de topologie, topographie) et désigne des lieux psychiques distincts. La première topique de Freud, que nous n’aborderons pas ici, est : conscient, inconscient, préconscient.
Freud nous a légué sa deuxième topique distinguant le Ça, le Moi et le Surmoi comme étant trois lieux psychiques distincts (il ne parle pas vraiment du Soi). Nous remarquerons bien sûr que « lieux psychiques » ne signifie en aucun cas « lieux anatomiques ». C’est une sorte « d’anatomie de la psyché » qui ne peut se calquer sur l’anatomie physiologique.
Pour tout un chacun, les trois mots Ça, Moi et Surmoi, à eux seuls ne clarifient pas grand’ chose sur les phénomènes psychiques. Même si, la plupart du temps nous les avons tous rencontrés dans un livre, un article ou une discussion, leur sens reste généralement imprécis (comme nous allons le voir, même chez certains spécialistes).
Or ils ont une signification bien déterminée et permettent vraiment de mieux comprendre la nature des phénomènes psychiques. Pour cela, il importe de regarder au-delà du cadre initial de la psychanalyse afin de considérer aussi la notion de Soi (Jung) et d’existentiel (Carl Rogers, Rolo May, Karl Jaspers, Ludwig Biswanger). L’existentiel est ce qui a trait à l’individu, c'est-à-dire à « l’être au monde », comme se plaisent à les nommer les psychologues ou médecins cités ci-dessus. L’ensemble de ces notions nous permettra une certaine compréhension de phénomènes se déroulant dans la psyché.
Le ça retour
Précisions sémantiques
« Ça » se dit das Es en allemand. En réalité, ce mot allemand est intraduisible exactement en français. Gerorg Groddek, médecin proche des milieux psychanalytiques a emprunté le mot « das Es » à Nietzsche, avant que celui-ci ne soit utilisé par Freud.
Il fut convenu de le traduire par le mot « Ça » en français, et par le mot « id » en anglais (venant du latin « id »). En latin, idiota signifiait « ignorant, profane ». A ne pas confondre avec l’étymologie grecque idios signifiant « privé, particulier », idioma « caractère propre », idiôtismos, « langage spécifique » et ayant donné l’homonyme anglais « id » qui signifie élément chromosomique portant les caractères héréditaires (Haraps Chambers 2003)
Le titre du document de Freud : « Das Ich und das Es » (1923) a déjà été été traduit par « Le Moi et le Soi » Cela montre la confusion sémantique entre le « Ça » et le « Soi » voir p26 dans l’ouvrage « Le Ça, le Moi et le Surmoi » TCHOU Pr Serge Lebovici p 26. Même les dictionnaires de traduction ne définissent pas clairement la différence entre le ça, le moi et le soi, que ce soit en anglais ou en allemand. Une confusion bien gênante que nous détaillerons plus loin, pour tenter d'aborder plus précisément les différences entre ces éléments distincts de la psyché
Le Ça, une source
Il s’agit, comme son nom l’indique, de quelque chose d’indifférencié. Comme lorsque nous disons « Ça », pour nommer une chose dont nous ne connaissons pas la nature et pour laquelle nous n’avons pas de meilleurs mots qui nous viennent à l’esprit.
« Ça » désigne une source intérieure qui échappe à notre volonté et qui exerce une pression. Freud assimile le Moi à une entité physiologique « Le Moi est avant tout une entité corporelle » Le Ça le Moi et le Surmoi p101. Peut être en est il de même du Ça ?
De son côté, Karl Jaspers parlant des phénomènes psychiques dit
« La localisation des différents sens sur l’écorce cérébrale, des aphasies sur l’hémisphère gauche, signifie simplement qu’il faut que ces organes soient intacts pour qu’un phénomène psychique déterminé soit possible et rien d’autre. » (Psychopathologie générale p34).
Quoique médecin proche de la psychologie existentielle (tenant compte de l’être, de l’individu), la rigueur de son approche ne lui fait donc prendre aucun parti, si ce n’est celui de n’affirmer que ce qu’on sait… et pas au-delà. Il est en même temps ouvert aux différentes possibilités, qui permettent les hypothèses de recherche, mais rigoureux quant aux affirmations. Affirmer que la source du Ça ou du Moi est corporelle, lui paraîtrait donc une affirmation abusive, si elle prétend exclure, a priori, toute autre éventualité sans expérimentations le démontrant.
Si Freud n’a pas énoncé clairement de quelle nature est la source du Ça (peut être n’est-ce pas trouvable ?), il a cependant pointé la nature de ce qui s’en écoule : c’est la libido. Le Ça est la source de la libido. Mais la réponse est à peine plus claire si on ne clarifie pas la notion de libido !
La libido, un flux
Voici encore un mot très usité dont la signification précise est rarement clairement connue. La libido c’est l’énergie psychique. Freud y a vu essentiellement l’énergie sexuelle. Mais on néglige souvent de préciser que Freud a fait une différence précise entre la sexualité et la génitalité et cela a conduit à de nombreux contresens. La sexualité, selon lui, est l’expression de l’énergie libidinale. La génitalité, selon lui, c’est l’expression de cette énergie dans le cadre de ce que tout un chacun appelle habituellement « sexualité ». La libido ne désigne donc pas à proprement parler la sexualité, mais une énergie psychique, entre autre à l’origine de la sexualité.
D’autres psychanalystes comme Jung ont tenté de recentrer cette nuance, mais Freud et Jung n’ont su s’entendre clairement sur ce point… jusqu’à y sacrifier leur amitié. Sans doute un « petit » dérapage dogmatique !
Il semble raisonnable donc de comprendre que la libido est un flux d’énergie dont le Ça est la source. Par contre nous n’avons pas d’information sur ce qui alimente la source (d’où l’appellation « Ça ») !
Cette énergie psychique (libido) tendra à s’écouler, comme un fluide suivant la pente qu’il trouve devant lui. Le comportement des êtres humains sera influencé par cet écoulement selon qu’il sera libre, contrarié, refoulé, canalisé, empêché…etc.
Le moi retour
Précisions sémantiques
Nous trouverons : das Ich en allemand, ego en anglais, moi en français. Le mot « ego » est aussi utilisé comme synonyme du Moi en français. Mais l'anglais (et par extension le français), utilise quelque fois le mot "self "pour désigner le moi... tout en l'utilisant aussi pour désigner le soi
Le Dr D.W. Winnicott, membre de la société britannique de psychanalyse dans les années 30, a tenté de lever l'ambiguïté en parlant de "faux self" et de "vrai self". Le faux self étant « le paraître », il fait penser au moi. Le vrai self désignant « l'être » évoque, lui, plutôt le soi. Selon Winnicott, le vrai self se différencie du moi en représentant plus que le moi.
En français on traduit donc parfois Self par « Soi », mais ce n'est pas forcément exact. Nous trouvons là des imprécisions sémantiques gênantes
Pour positionner le rôle du Moi, Freud nous propose : « Le Moi traduit en action la volonté du Ça » (Le Ça le Moi et le Surmoi p101). « Si toute la force motrice qui fait se mouvoir le vaisseau est fournie par le Ça, le Moi est en quelque sorte celui qui assume la manœuvre du gouvernail, sans laquelle aucun but ne peut être atteint » p136. « Le Moi tend vers le plaisir et cherche à éviter le déplaisir » p139. Pour Freud, le Ça est donc la source d’énergie et le Moi est le gouvernail.
De son côté, Georg GRODDEK répète que « …ce que nous appelons Moi se comporte dans la vie d’une façon toute passive et que nous sommes, pour se servir de son expression, vécus par des forces inconnues échappant à notre maîtrise ». (Le Ça le Moi et le Surmoi p99).
D’une part ce que propose Groddek est contradictoire avec l’idée de gouvernail énoncée par Freud, d’autre part, nous remarquons qu’il ne s’agit pas vraiment ici du Moi de Freud, mais d’un Soi affaibli. Le Moi n’est donc pas l’individu proprement dit et son propos semble très clair : le Moi est un instrument de l’individu et ce dernier s’y trouve soumis. Mais cet instrument amène une intelligence que le Ça n’avait pas
Ces quelques citations nous montrent à quel point la confusion est présente, mais avec de fortes intuitions qui peinent à trouver leur expression sémantique
Pour Patrick JUIGNET, psychanalyste chargé de cours de psychopathologie à l’université de Nice, « Le Moi a une fonction de régulation et de contrôle (on retrouve donc l’idée de gouvernail). Son rôle principal est de gérer des exigences diverses et contradictoires comme l’opposition entre pulsions et réalités… »P46 de son ouvrage « Manuel de psychopathologie psychanalytique » Presses universitaires de Grenoble
Un préalable narcissique
Le narcissisme, lui, définit une sorte de rapport de l’individu avec le Moi, ou un état de son Moi.
L’écoulement libidinal, venant du Ça, va commencer par s’écouler vers le sujet lui-même. Dans le début de l’existence, on pourrait dire, que ce flux commence à se répandre proche de sa source. C’est ce qu’on appelle la phase narcissique, dans laquelle l’individu est son propre objet de satisfaction et n’a encore que peu conscience du monde extérieur. Il dirige ainsi vers lui-même son flux libidinal.
Cette phase, naturelle au début de la vie, peut devenir pathologique : Si un adulte, se coupant du monde extérieur, revient vers lui-même de façon exclusive nous pouvons aboutir à ce qu’on appelle des états psychotiques dans lesquels nous parlerons de libido narcissique. Dans ce cas, la coupure d’avec le monde extérieur interdit les contacts réels et les psychothérapies en sont rendues plus difficiles (en particulier les approches psychanalytiques basées sur le transfert, où il est nécessaire de reconnaître un objet extérieur à soi). Jean Pierre Chartier, Dr en, psychologie et psychanalyste, nous montre par contre que les psychotiques peuvent tout de même être aidés, dans son excellent ouvrage « Guérir après Freud »
A ce stade, il n’y a pas encore vraiment de Moi. Il n’y a que de l’autosatisfaction pour venir compenser les "manques d’être" ressentis par l’individu, pour venir compenser les sensations de vide auxquelles il est confronté. L’être venant au monde a bénéficié d’une présence continue de sa mère dans le prénatal… et fait rapidement l’expérience de l’alternance de la présence et de l’absence, de la faim et de la satiété, de la chaleur et du froid…etc.
Ces manques d’être, ces vides et ces insécurités sont nécessairement compensés pour permettre une sorte de survie en attendant mieux. A ce stade l’autosatisfaction narcissique est un moyen majeur. Nous ne parlerons cependant pas encore de Moi ou d’ego. Celui-ci n’apparaît que quand la compensation s’opère en dirigeant son flux libidinal vers l’extérieur.
Incompréhension sur la narcissisation
Il est coutume de dire que l’équilibre de l’individu dépend de la qualité de son processus de narcissisation. De sorte qu’un être en difficulté d’affirmation de Soi sera vite identifié comme un individu ayant besoin de se renarcissiser.
Avant d’aller plus loin il me semble utile de rappeler sommairement le mythe de Narcisse : Narcisse est un homme très beau qui séduit involontairement toutes les femmes. Mais il se trouve qu’il est indifférent à celles-ci. L’une d’elle, la nymphe Echo, meurt même de chagrin à cause de cette indifférence de Narcisse à son égard. Leurs sœurs demandent à Némésis (déesse dont c’était le rôle) de venger la défunte. Némésis va alors faire subir à Narcisse ce qu’il a infligé à Echo : désirer quelque chose d’inaccessible. Un jour où il va s’abreuver dans une fontaine, il voir son reflet dans l’eau. La beauté de cette image le laisse stupéfait (narcisse a donné narkê, puis narcose). Il désire passionnément cette image inaccessible, croyant que c’était un autre. Il en reste stupéfait sans manger et sans boire devant cette fontaine et en meurt. Il poussera devant celle-ci les fleurs portant son nom.
Nous ne savons généralement pas cette nuance du mythe : comme si c’était un autre. Narcisse confond sa propre image avec l’existence d’un autre. Ce n’est donc pas lui qu’il aime, mais cet autre imaginaire. Croyant voir un autre, il ne voit qu’un reflet de lui-même.
Cela définit bien que nous ne rencontrons jamais autrui quand nous projetons sur lui nos propres représentations (voir publication « les pièges de l’empathie » et surtout l’ouvrage « L’écoute thérapeutique » ESF p 45) Le mythe de narcisse reflète plus notre problématique du rapport à autrui que du rapport à soi : notre cécité à autrui nous fait prendre nos propres représentations pour l’autre lui-même… et de ce fait nous rend incapable de le rencontrer vraiment.
Cette tendance à vouloir améliorer le sort des individus en leur permettant de développer une meilleure image de soi est ambiguë. Comme nous le verrons plus loin, le Moi ne semble pas être ce qu’on est mais ce qu’on paraît. Améliorer ce qu’on paraît ne peut directement développer ce qu’on est.
Patrick JUIGNET (cité plus haut) décide bien de différencier le Moi et le Soi, l’être et l’image de l’être. Pourtant il nous décrit le Soi, plus comme source d’illusion que comme un fondement existentiel : « Cette instance (le Soi) est centrée sur l’imago (image) de soi-même »…p46 « le Soi est source d’illusion et de méconnaissance par rapport à soi-même, car il donne une vision unitaire, fondée sur l’image de l’autre, valorisée ou dévalorisée de façon tout à fait irréaliste » p47
Je suis désolé si ces quelques lignes amènent un peu de complexité au propos. Il semble que justement ces notions ne soient jamais vraiment clairement énoncées et même parfois abordées de façon contradictoires. C’est la raison pour laquelle ces mots circulent dans le langage commun généralement sans clarifier de quoi il s’agit.
Nous retiendrons plus simplement que la narcissisation est la faculté de développer une image de soi qui, bien qu’étant illusoire, remplace le fait d’être vraiment soi-même. La narcissisation ne définit pas une affirmation de Soi, mais un manque de Soi compensé par une image à laquelle on croit. Si nous lui accordons trop d’importance celle-ci peut même nous couper du monde, dans lequel, comme Narcisse, nous mourrons, non pas de soif en face de la fontaine, mais de solitude tout en étant entouré de plein de gens.
Si le processus de narcissisation est une heureuse compensation au manque de Soi permettant de "tenir le coup" en attendant une meilleure maturation, il ne peut signifier un aboutissement. Croire que la narcissisation est une finalité c’est amener l’individu à se perdre dans ce qui n’est pas lui. C’est ce que nous faisons maladroitement quand nous complimentons quelqu’un qui se déprécie, dans l’espoir de lui remonter le moral.
Exemple : Dans une maison de retraite, une vielle dame réalise le coloriage qu’on lui a demandé de faire. Comme elle ne semble pas satisfaite du résultat, pour l’encourager, une animatrice lui dit qu’il est très beau. Comme cette vielle dame grimace pour montrer son désaccord, l’animatrice l’encourage encore « vous avez mis vraiment de très belles couleurs ». M’approchant d’elle, je demande à la dame « ça n’a pas l’air de vous plaire ? ». Elle me répond « Non, j’étais institutrice. Les enfants faisaient mieux que moi. Regardez, j’en fous partout ». Je valide alors simplement « Dans ce cas, je comprends que vous ne l’aimiez pas ».
La première formule, quoi qu’essayant d’être bienveillante, casse le Soi déçu de la résidente. Le Moi de l’animatrice est ici contre le Soi et la conscience de la dame. La deuxième formule lui donne au contraire existence et dignité. Le Soi de l’un est alors ouvert au Soi de l’autre. En fait, il ne s’agit pas de renarcissiser, mais de permettre d’exister. Pour cela, rien ne vaut de ramener quelqu’un à la raison qui, en lui, fonde son ressenti. Faute de cela, la narcissisation peut tenir lieu de béquille, et être l’étayage d’une structure psychique fragile… mais souvent en l’abîmant un peu, hélas… parfois en la détruisant !
La naissance du Moi
Suite à un préalable narcissique, où le flux libidinal s’écoule vers soi-même, celui-ci va se diriger vers l’extérieur. Il est courant de dire en psychologie et en psychanalyse qu’il se tourne vers des objets extérieurs plutôt que vers soi-même. Par là même, nous remarquerons bien qu’il se tourne vers des « objets » et non vers des « sujets » (c’est à dire vers des choses et non vers des êtres)
Le Moi va donc être cette partie psychique de l’individu qui va tenter d’investir le monde extérieur avec son flux libidinal. Ce flux va s’éloigner de la source (c'est-à-dire du Ça) pour suivre les « pentes » qui le conduisent vers ce qui l’environne.
Ce flux libidinal, à tort identifié à une sorte de « flux d’amour », n’est autre qu’une tentative de « profiter de l’autre », on pourrait même dire « de s’en nourrir ». S’il en résulte que l’individu semble ici aimer ceux qui l’entourent, il ne fait que les aimer comme on aime un aliment. Cela peut paraître réducteur et cannibalique, mais nous verrons plus loin que cette nuance est incontournable si on veut différencier le Moi, le Soi, l’amour, la libido, la quête des objets et la rencontre des êtres, l’affectivité (qui étouffe l’autre) et la chaleur humaine (qui réchauffe l’autre)
Compte tenu de sa vulnérabilité, de ses insuffisances et de ses vides ressentis intérieurement, un individu va tenter de « remplir » ses lacunes grâce à ces « autres » qu’il trouve autour de lui et dont il se sert pour « faire le plein ». Mais ce n’est, en fait, qu’un faux plein. Il ne s’agit là que d’une compensation de ses vides qui, en réalité, ne se remplissent pas. Il en résulte une attitude égoïste (dans le sens habituel du terme) et profiteuse, où le projet est juste un avantage personnel.
L’intelligence est certainement associée au Moi. Nous prendrons soin de la différencier de la conscience qui serait plutôt associée au Soi. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » est une citation bien connue de Rabelais qui, même s’il ne parlait pas du Soi et du Moi avait pressenti une importante nuance. L’intellectuel « pur et dur » est donc plus sur le mode « Moi » que sur le mode « Soi »
Quand le Moi est fort, il est source de pouvoir, d’investissement énergétique (libidinal). Le Moi, c’est la malignité, l’astuce, c’est le mental dans sa version calculatrice et astucieuse. Notons que le mot « mental » vient du latin men (idée de penser). Mentis désignant l’esprit pensant, avec le verbe mentiri qui a donné mentir. Pour les romains, mentir signifiait qu’on avait de l’esprit.
Nous comprendrons donc que l’assertivité définissant l’affirmation de soi dans le respect d’autrui est basée sur le Soi1, alors que convaincre est basé sur le Moi2 et que la confusion et l’immaturité du Soi engendrent les violences des rapports humains3
1 -voir sur ce site la publication de septembre 2001 « assertivité »
2 -voir sur ce site la publication de juin 2002 « Le danger de convaincre »
3 -voir sur ce site la publication de Juin 2003 « Apaiser violences et conflits »
Profit et manque de discernement
Ce qui caractérise le Moi est donc une attitude de profit, dont la puissance intellectuelle (quand elle existe) devient un danger pour l’environnement. Le Moi fonctionne essentiellement sur la notion d’intérêt et est incapable d’attention envers autrui. Nous noterons que l’intérêt concerne les choses et l’attention concerne les êtres.
Ce flux d’intérêt se fait avec une certaine intelligence (plus ou moins affinée en fonction des capacités intellectuelles de chacun) permettant de tirer meilleur profit possible. Cependant il s’y trouve une inconscience de l’autre en tant qu’individu. Une sorte de cécité existentielle rendant les êtres inaperçus à son regard.
Comme le disait Saint-Exupéry dans « Le petit prince » l’essentiel est invisible : « on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux » p72 « qu’il s’agisse de la maison des étoiles ou du désert, ce qui fait leur beauté est invisible » p78 (folio junior GALLIMARD 1987)
Si le Moi discerne les moyens de profiter, il n’a pas d’yeux pour discerner les êtres et les choses. L’écologie du monde et des rapports humains lui échappent donc tout à fait et lui confèrent une tendance à la prédation, plus qu’à la réelle rencontre d’autrui. IL va devoir être régulé, pour donner aux rapports humains un semblant d'humanité
« Quant au Moi, Freud lui assigne… le difficile devoir de servir trois maîtres à la fois : le Ça, le Surmoi et le monde extérieur » (Le Ça le Moi le Surmoi p107)
Le Surmoi sera donc l’élément complémentaire par lequel le Moi assurera sa régulation.
Le Surmoi retour
Précisions sémantiques
En allemand Über-Ich : ce qui est au-dessus du Moi. La construction est ici la même qu’en français.
En anglais superego : ce qui est plus que le Moi. Ici il s’agit d’un élément comme le Moi, mais plus fort que lui
ces mots, eux, ne comportent pas d'ambiguïté linguistique
Idéal du Moi (fondement du Surmoi)
Face à son environnement, l’individu ayant développé son Moi (ego), voit des attitudes et des comportements chez autrui qu’il prendra plus ou moins comme modèles d’efficacité et de performances.
D’autre part, son expérience personnelle l’amènera à choisir des modèles de comportement plus efficaces que d’autres, en fonction des punitions ou récompenses qu’ils ont suscités de la part d’autrui envers lui.
Il en résulte un idéal à atteindre pour optimiser la performance de l’écoulement d’énergie, de l’écoulement du flux libidinal vers l’extérieur. A défaut d’avoir développé une conscience d’autrui suffisante, même si c’est encore à des fins personnelles, il va néanmoins se mettre à tenir compte des autres.
Une prothèse de conscience
Le Moi va de ce fait devoir satisfaire les pulsions du Ça, tout en tenant compte du monde extérieur, ainsi que des règles exigées par le Surmoi (les 3 maîtres énoncés par Freud)
En ce sens, le Surmoi va tenir lieu de prothèse remplaçant la conscience manquante. Nous parlerons d’un outil d’étayage venant compenser un manque de Soi et de lucidité existentielle.
Le Moi avait pour tâche d’orienter le flux libidinale (gouvernail) dans le projet d’un profit maximum. Le Surmoi aura pour tâche d’éviter les débordements impulsifs du Ça, mais aussi de ménager son environnement (évitement des récifs réels ou supposés de l’égoïsme). Les motivations restent basées sur les notions de plaisir/déplaisir, mais en tenant compte des autres. Pourtant il ne s’agit là que d’un faux Soi, d’une fausse conscience qui se contente de refouler ce qui n’est pas en accord avec le modèle.
Une correction régulatrice aveugle
Cette correction du Moi suit la logique d’un modèle qui a été adopté pour compenser « les yeux qui ne voient pas ». N’ayant pas encore eu l’opportunité de développer une sensibilité suffisante à autrui et à soi-même, un individu va s’appuyer sur des modèles « tous faits » pour assurer une vie acceptable.
Les multiples corrections de comportement, qui en résulteront, seront donc aveugles car elles ne correspondront pas à la réalité des situations présentes, mais seulement à la situation antérieure prise comme modèle.
L’individu se trouvera ainsi en train de refouler, cacher, retenir, forcer, exagérer des attitudes qui ne seraient pas les siennes en l’absence de Surmoi. En même temps que cela provoque des actes « tous faits » ou des inhibitions, cela permet tout de même d’ajuster une vie sociale moins anarchique. Le Surmoi fait de l’homo sapiens sapiens le précurseur d’un homo sociabilis… mais il est encore loin d'une réelle reconnaissance d'autrui et encore moins de soi. Bien souvent le faux respect d’autrui qui en résulte est accompagné d’un déni de Soi dont les multiples refoulements amènent les douleurs psychologiques.
Débridage dangereux
Il pourrait être tentant, à ce stade de retourner vers un Moi libre où le refoulement n’existe plus. Pourtant, il convient surtout d’aller vers le développement du Soi plutôt que vers la suppression du Surmoi.
Certains praticiens en psychothérapie confondent parfois le fait de se libérer des inhibitions du Surmoi avec le fait de développer le Soi. Or il semble que ce soit un leurre de chercher à développer un plus « d’être » en revenant vers un Moi débridé. Il convient de ne pas confondre l’individuation avec l’individualisme
Pour comprendre cela clairement, il est nécessaire de différencier avec précision le Soi et de ne plus le confondre avec le Moi ou avec le Ça.
Le Soi retour
Précisions sémantiques
Sich est le pronom personnel soi. Mais en allemand le Soi se dit das Selbst. Nous avons aussi le Dasein désignant "l'être là" chez les psychologues existentiels, évoqué par le philosophe Martin Heidegger et qui pourrait se rapprocher de l'idée du Soi.
OneSelf en anglais serait le bien venu à la place de self, qui est généralement utilisé. OneSelf reflèterait bien l'idée d'unique, d'individu (d'indivisibilité).
Nous remarquerons ici la différence des mots Ich (Moi) et Selbst (Soi) en allemand, puis entre les mots ego ou self (Moi) et self ou OneSelf (qui serait bien venu pour évoquer l'idée de Soi, en anglais). Mais comme nous l'avons vu plus haut, certains auteurs utilisent le mot "self" pour désigner "plus que le moi"... d'où parfois la traduction de self par "Soi". Ce n'est pas simple!
Pour désigner Ça, Moi, Surmoi, Soi:
En allemand, nous avons : Es, Ich, Über-Ich, Selbst
En anglais nous avons : id, ego, superego, "self" (ou mieux, "OneSelf" car le mot self a trop été utilisé comme synonyme d'ego).
L’expression "das Es" retient l'attention de Freud en ce qu’elle illustre l’idée développée par Groddeck, que … « …nous sommes vécus par des forces inconnues immaîtrisables ». Elle concorde aussi avec le langage spontané des patients dans des formules comme « ça a été plus fort que moi… »
Selon Jung, dans son ouvrage Ma vie (Folio - Gallimard 1973) « le Soi est une entité surordonnée au Moi. Le Soi embrasse non seulement la psyché consciente, mais aussi la psyché inconsciente et constitue de ce fait pour ainsi dire une personnalité plus ample, que nous sommes aussi…. » p462
« Je constate continuellement que le processus d’individuation est confondu avec la prise de conscience du Moi et que par conséquent celui-ci est identifié au Soi, d’où il résulte une désespérante confusion de concepts. Car, dès lors, l’individuation ne serait plus qu’égocentrisme ou auto érotisme » p457.
Encadré réservé à ceux que les références linguistiques intéressent:
voici quelques complexités sémantiques trilingues, mais aussi des complexités de concepts.
HACHETTE LANGENSCHEIDT Dictionnaire fr/all et all/fr -HACHETTE -Paris 1995
Das Selbst : le moi (le soi est ici confondu avec le moi)
Soi : (psych) Das Es (le soi est ici confondu avec le ça)
Das Es : (psych) ça (juste!)
Moi : (psych) das Ich, das Ego, das Selbst, Notre vrai soi, unser wahres Ich, Selbst
(donc le moi et le soi sont confondus)
Le ROBERT ET COLLINS Dictionnaire fr/angl et angl/fr -ROBERT -Paris 1985
Self : le moi … The conscious self : le moi conscient
(le self est identifié au moi)
Le ROBERT ET COLLINS senior Dictionnaire fr/angl et angl/fr -ROBERT -Paris 1994
Self : psych : le moi…. The conscious self : le moi conscient (le self est identifié au moi)
Le moi : the self, the ego…. Notre vrai moi, Our true self (le self est identifié au moi)
Soi : (psych. inconscient), id (le soi est identifié au ça)
Id : (psych). Ça
Ça : (psych. Inconscient), id
Le ROBERT ET COLLINS Dictionnaire fr/angl et angl/fr -ROBERT édition 2006
Soi: self (psych= inconscient) id (le soi est identifié au ça)
VOCABULAIRE DE LA PSYCHOLOGIE Henri PIERON -PUF -Paris 1973
Le ça : Structure topique de l’appareil psychique….comme équivalant de l’allemand « Es » est habituellement préféré au terme « soi » (le ça est un mot préféré, mais on peut, hélas, trouver l'utilisation du mot "soi")
Soi : voir ça (confirmation que le ça est confondu avec le soi)
Moi : (psych) das Ich, das Ego, das selbst ; notre vrai moi : unser wahres ich, Selbst (le moi est ici confondu avec "das selbst" qui signifie "soi" et qui en plus est parfois synonyme de "das Es" qui en réalité signifie "ça")
(nous trouvons la même définition exactement que dans le dictionnaire Hachette ci-dessus)
VOCABULAIRE DE LA PSYCHANALYSE J. LAPLANCHE et J-B PONTALIS -PUF -Paris 1990
Ça : allemand das Es anglais the Id
HARRAP'S SHORTER Dictionnaire angl/fr et fr/angl -édition 2006
Le soi: The self; (psy) the id (le soi est identifié au ça)
Self: (psy) le moi
LAROUSSE CHAMBERS -angl/fr et fr/angl -Paris édition 2003
Le soi: the self
Le moi: the ego
LEXIQUE TRILINGUE des termes psychanalytiques (français anglais allemand) -MASSON -1997
Le soi: self, selbst
Le moi: ego, Ich
Le ça: id, Es
GRAND DICTIONNAIRE LAROUSSE de la psychologie -LAROUSSE -Paris 1997
Le Soi Psychan. : Chez M. Klein, ensemble des pulsions de la personnalité toute entière par différence avec le moi qui se réfère à la structure de la personnalité. (syn Self) Quand l’objet se divise en bon et en mauvais, il en est de même pour le soi, dont les différentes parties ainsi clivées peuvent entrer en conflit Thérap. Pour l’école de Palo Alto, le moi de l’individu en tant qu’il se caractérise par son identité et son autonomie en se dotant de valeurs et de contre-valeurs. Dans l’écosystème familial, le soi se constitue par référence au mythe familial, et selon Murray Bowen, par le processus de différenciation du soi. Voir self. (Mélanie KLEIN parlait du "clivage d'objet", par exemple le sein de la mère qui est en même temps "bon quand il est là" et "mauvais quand il est absent" et du clivage du moi qui en résulte... mais pas du clivage du soi. Or ici le soi est associé à un discours sur le moi)
Self Synonyme de soi. Psychan. Vrai self/faux self. Chez DW Winnicott, distinction établie par lui concernant le développement de l’enfant (la traduction de « self » en « soi » n’a volontairement pas été effectuée dans les textes français (et nous voyons là une prudence bien venue) Pour Winnicott, le moi du nourrisson s’achemine vers un état dans lequel les exigences instinctuelles sont ressenties comme faisant partie du self (ou soi) et non de l’environnement. Winnicott établit un parallèle entre le vrais self et le faux self : il reprend en cela la distinction freudienne entre, d’une part une partie centrale du moi gouverné par les pulsions ou par ce que Freud appelle sexualité génitale et prégénitale (expression du ça) et d’autre part une partie tournée vers l’extérieur, établissant les rapports avec le monde (expression du moi s'il s'agit de la libido, ou expression du soi s'il s'agit d'existentiel... mais ce n'est pas précisé!). Le faux self est représenté par toute l’organisation que constituent une attitude sociale polie, de bonnes manières, et une certaine réserve. Le vrai self est spontané et les évènements du monde se sont accordés à cette spontanéité, du fait de l’adaptation d’une mère suffisamment bonne. Voir soi (le soi est identifié au self)
Nous assistons là à un ballet de glissements sémantiques où self signifie tantôt soi, tantôt ça, et nous avons la même chose en allemand où das Selbst est parfois donné par les dictionnaires bilingues comme synonyme de das Es (d'où l'ambiguïté de la traduction du titre du livre de Freud "Das Ich und des Es" par "Le moi et le soi"). Il semble que ces références ne soient pas toutes "parfaitement fiables" (ou du moins parfaitement claires), et face à ces contradictions, il nous faut pourtant bien utiliser des termes assez précis pour ne pas mélanger des notions aussi différentes que le ça, le moi et le soi. Il importe de ne pas confondre le libidinal (venant du ça et régulé par le moi, source de paraître) avec l'existentiel (venant du soi, source de construction de l'être). Au delà des conflits et débats de spécialistes (parfois de pseudo spécialistes) autour des mots, ce qui importe c'est que les notions soient clairement exprimées et que l'on s'assure de ne pas désigner un élément de la psyché à la place d'un autre... car cela fausserait complètement les concepts psychologiques qui en découlent et même la qualité de l'aide qu'on est en mesure d'apporter aux patients en psychothérapie.
C'est ce qui a conduit JUNG à dénoncer la confusion entre le moi et le soi dans la phrase déjà citée en haut de cet encadré: « Je constate continuellement que le processus d’individuation est confondu avec la prise de conscience du Moi et que par conséquent celui-ci est identifié au Soi, d’où il résulte une désespérante confusion de concepts. Car, dès lors, l’individuation ne serait plus qu’égocentrisme ou auto érotisme » (Ma vie -Folio Gallimard 1973 - p457).
Sources et projets (intuition existentielle de Freud)
« La tâche du Surmoi consiste aussi, en effet, à approvisionner en amour le Moi docile et méritant. Fierté, sentiment de protection et satisfaction narcissique récompensent par conséquent le Moi, bon serviteur de ses trois maîtres (Ça - Surmoi - monde extérieur) » : Freud, Moïse et le monothéisme 1939 dans Le Ça le Moi, le Surmoi Tchou p107.
Nous voyons ici que Freud, parlant du Surmoi, annonce un prémisse de source existentielle (amour), venant en réalité du Soi, mais qu’il attribut au Surmoi. D’autre part, il met cette source existentielle sur le même plan que la narcissisation, peut être à cause d’un parti pris objectal et libidinal. L’admiration (culte de l’image) et la reconnaissance (de l’individu réel) ne semblent pas ici être différenciées.
Pourtant Freud nous propose dans Les névroses l’homme et ses conflits p68 « …la collaboration des patients devient un sacrifice personnel qu’il faut compenser par quelque succédané d’amour. Les efforts du médecin, son attitude de bienveillante patience doivent constituer de suffisants succédanés »
Il donne ici des éléments qui font échos avec la qualité de présence proposée par Carl Rogers, mais sans pourtant que la dimension existentielle y soit clairement différenciée. Pourtant une telle attitude n’est possible qu’avec une réelle présence du Soi. Mais la confusion a parfois été telle que certains thérapeutes ont confondu neutralité avec froideur. C’est le résultat des imprécisions et de la difficulté à transmettre des nuances aussi subtiles.
Il semble pourtant naturellement et intuitivement que les notions de Moi et de Soi se différencient et ne puissent être confondues. C.G.Jung, dans son ouvrage « Ma vie », comme nous venons de le citer, se désole qu’on ne fasse pas clairement cette distinction.
Nous venons donc d’expliciter que le Ça est la source, que la libido est le « fluide (l’énergie) » qui s’en écoule, que le Moi essaye d’optimiser cet écoulement pour un profit maximum, que le Surmoi régule les excès d’après des modèles figés… tout cela dans quel projet ?
S’il y a à tout cela une finalité, nous pourrions tout aussi bien examiner cet ensemble des parties de la psyché, de telle façon que la source des phénomènes soit le projet final et non le départ. Oups ! Désolé pour ce moment de complexité ! Il est habituel de considérer qu’on a d’abord les causes, puis ensuite les effets. Mais on peut aussi avoir un regard inversé dans lequel l’origine est dans la finalité. C’est un peu ce qu’on rencontre quand nous avons un projet qui assure la motivation de tout le reste. On appelle cela un regard « téléolonomique », c'est-à-dire où c’est la finalité qui produit le départ grâce à un plan prédéterminé.(Téléolonomique : de nomos régulation, étude des règles, et de têle loin, télé à distance – littéralement réglé à distance.).
Depuis le début de ce document, nous avons pris l’habitude de considérer le Ça comme source libidinale. Le Soi pourrait-il être une autre source ?
Il semble raisonnable de considérer le Ça comme source libidinale et le Soi comme source existentielle. En ce sens le Ça va vers ce qui l’entoure pour s’en servir et le Soi va vers les êtres pour les rencontrer.
Les deux sources
Nous avons vu que la "libido vers Soi" c’est le narcissisme. D’ailleurs cela s’appelle libido narcissique. Nous avons vue, que la libido allant vers l’extérieur est dite se tourner vers des « objets ». D’ailleurs nous l’appelons libido objectale. Dans ce dernier cas, les autres sont considérés comme des objets…et cela reflète parfaitement le projet du Moi qui n’est pas de rencontrer, mais de profiter.
Il convient pourtant de remarquer qu’un individu peut tout de même se tourner vers l’autre pour le rencontrer et non pour assurer un profit. Dans ce cas (où l’être qu’est l’individu est vraiment considéré), nous parlerons non plus de flux libidinal, mais de flux existentiel. Et la source de flux ne peut plus être le Ça. Nous la reconnaîtrons dans le Soi. Le Ça et le Soi étant tous deux des sources, cela peut expliquer qu’on les ait parfois confondus (comme en traduisant maladroitement « Das Ich und das Es » par le Moi et le Soi).
Ces sources de natures différentes, pour ne pas dire opposées, jouent probablement toutes deux un rôle majeur dans la maturation d’un individu. Alors que le Surmoi était une prothèse de conscience, le Soi semble être une conscience à part entière. Le premier venant temporairement supplanter le second encore en devenir (et pourtant déjà présent en tant que projet)
Un individu peine ainsi à passer de son immaturité initiale à la maturité qui fera de lui un humain à part entière. Mais le cheminement semble se réaliser de toute façon et quand un praticien en psychothérapie accompagne un individu en souffrance psychique, il se doit de comprendre ces phénomènes afin de ne pas ramener vers le Ça un patient qui tend vers une évolution du Soi. Il prendra soin de ne pas renarcissiser (de ne pas ramener vers le Moi) quelqu’un qui est en train de lâcher son ego pour développer le Soi. Il prendra soin de ne pas combattre les inhibitions engendrées par un Surmoi assurant la sécurité en attendant le développement du Soi. Un praticien en psychothérapie se devra de ne pas confondre la source existentielle et la source libidinale, car prendre l’une pour l’autre peut conduire à causer des dégâts.
Par exemple : On peut malencontreusement inviter une jeune femme à prendre de la distance avec sa mère pour se construire. On croit ici qu’il faut stopper un flux libidinal (de besoin) entre elles. Ceci est partiellement vrai, mais peut être dangereux si on ne sait pas, en même temps, qu’elles doivent remplacer le flux libidinal par un flux existentiel. C’est à dire qu’elles n’ont pas besoin d’être distantes, mais juste d’être distinctes afin de se rencontrer vraiment (et sortir des images idéalisées imago). Elles ne sortiront de la fusion qu’en devenant distinctes (et non distantes) et en permettant que le flux existentiel s’écoule librement entre elles. Si maladroitement on les invite à la distance, il n’y aura plus de flux libidinal, mais il n’y aura pas non plus de flux existentiel. Le vide qui en résultera sera source de beaucoup de douleurs engendrées par cette maladresse thérapeutique. Le domaine psy peut aussi, hélas, parfois produire des souffrances iatrogènes (iatrogène : engendrée par le soignant et n’ayant rien à voir avec la pathologie initiale du patient).
Un tout en devenir
Cette notion de « personnalité toute entière » abordée par Jung est très touchante car l’expérience clinique semble vraiment montrer cela quand on aide des personnes en psychothérapie. C’est du moins l’expérience que j’en ai avec l’approche maïeusthésique décrite sur ce site
Voir les publications d’avril 2004 « Communication thérapeutique » pour l’approche elle-même et de mars 2005 « Libido amour et autres flux » pour la situer parmi d’autres approches existantes)
Dans son ouvrage « Le développement de la personne » Carl ROGERS nous rapporte le cas de Mrs Oak qui semble en être l’illustration. Il rapporte les propos de sa cliente p58 :
« Mais vous savez, l’idée qui me vient tout le temps : c’est que tout ça c’est exactement comme si j’essayais de mettre ensemble les morceaux d’un puzzle. Pour l’instant, il me semble, je suis en train d’examiner des petits morceaux qui ne veulent vraiment pas dire grand-chose. Je les tiens simplement en main, je n’arrive même pas à voir le dessin. C’est ça l’idée qui me vient tout le temps. Et ça m’amuse parce qu’en fait je déteste les puzzles. Ça m’a toujours énervée. Mais c’est l’idée qui me vient. Je veux dire que je ramasse des petits morceaux de puzzle (ici elle joint le geste à la parole) qui n’ont absolument aucun sens, sauf de sentir que vous tenez dans la main des morceaux sans voir où il faut les mettre, mais rien qu’à les sentir comme ça, je me dis : ça va probablement aller quelque part. »…. et p59 « En même temps j’ai le sentiment d’être très objective et cependant je n’ai jamais été aussi proche de moi-même »… « …je ne suis pas en train de faire un puzzle comme quelque chose dont j’aurais vu l’image. Peut être que j’aimerai rester là à sentir simplement comment ça se passe. Ou en tout cas que je suis en train d’apprendre quelque chose. »…. « …nous faisons des petits morceaux, nous ne sommes pas débordés, ou hésitants, ou soucieux, ou, très intéressés quand… quand les aveugles apprennent à lire avec les doigts, le Braille… » puis p.60 « Je suis venue pour résoudre des problèmes, et je me mets simplement à faire l’expérience de moi-même ».
Ce chapitre a malencontreusement été nommé « Expérience immédiate du Moi potentiel » alors que Mrs Oak parle ici d’une expérience du Soi potentiel. Mais peut être cela vient-il de la traduction, car C. Rogers est vraiment un thérapeute basé sur l’existentiel et la traduction du titre de son ouvrage « Counseling and psychotherapy » par « relation d’aide et psychothérapie » marque déjà une profonde déformation. « Counseling » dans le sens de « tenir conseil » ne signifie pas « relation d’aide », surtout quand on sait que « relation » signifie « relié » et amène de l’« affectivité ». Ces nuances entre "relation", "communication" et "aide" sont largement abordées dans les documents de ce site: « Communication thérapeutique » (avril 2004) et « assertivité » (septembre 2001)
Constitution de la psyché
Un individu semble constitué de celui qu’il est, de tous ceux qu’il a été depuis qu’il existe… et de tous ceux dont il est issu.
Les parts de Soi ont tendance à se rassembler pour constituer l’intégrité d’un individu. Celui qu’il est, tous ceux qu’il a été et de ceux dont il est issu sont ainsi assemblés dans une structure plus ou moins stable.
Dans cette idée de structure psychique, nous retrouvons l’idée de topique du départ, une sorte de représentation spatiale comportant plusieurs éléments.
Il s’agit ici cependant d’une nouvelle topique, différente de celles de Freud: celle-ci est une topique existentielle faisant intervenir plusieurs parties du Soi, alors que la deuxième topique de Freud est une topique libidinale faisant intervenir le le Moi et ses prémices.
Ces éléments du Soi sont donc portés à s’assembler, mais les parts douloureuses tendront à être évitées. Nous aurons ainsi une pulsion qui rassemble (ce qui est intégrable) et une pulsion qui éloigne (ce qui, ayant trop souffert, n’est pas intégrable), laissant ainsi des vides, ou au moins de fractures, dans la structure.
Pulsion de vie et pulsion de survie
J’ai nommé la pulsion qui rassemble « pulsion de vie » et la pulsion qui éloigne « pulsion de survie ».
Il semblerait que la pulsion de survie consomme de l’énergie pour maintenir à distance les parts de Soi dont on ne veut pas et que la pulsion de vie tende toujours à les rapprocher, sans y investir d’énergie. Je comparerai cela à l’action de la pesanteur : Il faut de l’énergie pour envoyer quelque chose en l’air loin de soi. Il n’en faut aucune pour que ça retombe ! La pulsion de survie consomme beaucoup d’énergie pour rejeter, pour maintenir à distance. La pulsion de vie n’en consomme aucune pour rassembler, comme si une pente naturelle produisait ce phénomène de rassemblement et que l’énergie n'était investie que pour s’y opposer.
Nous avons ainsi d’un côté la libido comme réservoir à énergie (conduisant la dispersion) et de l’autre l’existentiel comme moyen d’accès à l’équilibre (conduisant l’attraction)
La psychanalyse a parlé de pulsion de vie en parlant de la libido et de pulsion de mort en parlant de ce qui désassemble. Pourtant la libido éloigne de l’autre (pas de considération pour autrui, juste attiré pour un profit). La dispersion, assimilée par la psychanalyse à Thanatos, semble mal nommée également car elle assure la survie. Maintenir à distance ce qui fait mal pour pouvoir continuer à avancer sans trop souffrir ne ressemble pas à la mort mais à une stratégie de vie : assurer la survie de ce qui reste, afin de pouvoir poursuivre son processus de maturation, ressemble à une ingénieuse stratégie qu’on ne peut assimiler à la mort. Il est néanmoins réel que la pulsion de survie aimerait faire en sorte qu’on puisse se débarrasser de ces parts de Soi douloureuses.
Les notions de pulsion de vie et de mort, du point de vue de Freud, sont par exemple explicitées dans l’ouvrage Les névroses, l’homme et ses conflits (TCHOU1979) p143. « Si on se réfère à la dualité pulsionnelle Instinct de vie/Instinct de mort, introduite précisément par Freud, dans Au-delà du principe de plaisir, la liaison serait en rapport étroit avec Eros qui cherche à établir des unités toujours plus grandes, tandis que la déliaison serait, elle en rapport avec Thanatos, dont le but est de désintégrer les ensembles, de briser les liens »
Même si la symétrie vie/mort semble attirante pour un fondement théorique, je n’y retrouve pas mon expérience clinique. Il apparaît plutôt que la mise à distance permette d’attendre la maturation qui, ultérieurement, rendra possible l’intégration.
Pourquoi intégrer ce qui a été douloureux ?
Il est légitime de se demander pourquoi il ne faudrait pas plutôt se débarrasser de ce qui a été douloureux. En réalité, pour comprendre cela, il faut clarifier la différence qu’il y a entre ce qui est arrivé (le circonstanciel, l’événement parfois horrible) et celui qui l'a vécu (l’existentiel, l’individu de valeur toujours inestimable).
Il ne s’agit jamais de retrouver, ni d’intégrer l’événement qui s’est produit, ni de retourner dans le passé, mais de donner enfin une place d’honneur en soi, à celui que nous avons été. Pour cela il convient de ne plus mêler l’individu qui a vécu l’événement à l’événement lui-même. C’est cette confusion entre l’événementiel et l’existentiel qui rend la pulsion de survie exagérément persistante (au point de ressembler à une pulsion de mort) et nous fait vouloir oublier ce qu’on a été.
Pourtant, quand par exemple des chaussures nous ont fait mal aux pieds au cours d’une longue marche, il importe plus de s’occuper de ses pieds que de ses chaussures. Le soin aux pieds est primordial. De la même façon il convient de s’occuper de l’être qui a vécu l’événement et surtout pas de ressasser cet événement pour se débarrasser de je ne sais quoi. Sinon, cela reviendrait à un marcheur qui manipulerait sans cesse ses chaussures (ou les jetterait) en oubliant de s’occuper de ses pieds meurtris ! Ne faisant pas la différence entre ses pieds et ses chaussures, il jetterait même les pieds avec les chaussures. Il est souhaitable de bien comprendre que l’événement est passé, alors que celui qui a souffert est toujours en nous et en attente qu’on s’occupe de lui. Or cela est impossible tant qu’on l’assimile encore à ce qui est arrivé.
Les manifestations de rejet ou de rencontre se déroulent entre les différentes parts de Soi, de la même façon qu’elles se produisent avec le monde extérieur : profit, évitement, rejet, pouvoir…. ou au contraire rencontre.
La structure psychique (topique existentielle) s’assemble ou se désassemble. Je peux ainsi me demander quel rapport j’entretiens avec ceux que j’ai été dans ma vie (et ceux dont je suis issu, mes ascendants). Est-ce que si je devais les rencontrer, je leur donnerais volontiers une place d’honneur (pour ne pas dire d’amour), ou préfèrerais-je les oublier (pour ne pas dire les détruire)?
C’est ce qui fait que pour répondre à l’interrogation du Dr John PRESTON cité au début du document « que dois-je faire maintenant ? » il s’agit souvent de permettre au sujet en consultation de réaliser une sorte de psychodrame mental, à l’aide de son imaginaire, dans lequel il « rencontre » et « écoute » ceux qu’il a été, en prenant soin de ne pas les confondre avec ce qui est arrivé. Je ne détaillerai pas plus ce processus thérapeutique ici puisqu’il est largement développé avec de nombreux exemples concrets dans le document d’avril 2004 « Communication thérapeutique ».
Equilibre des deux flux retour
Structure psychique, Vie et Energie
La structure psychique semble donc devoir satisfaire à deux types d’écoulements de flux : le flux libidinal et le flux existentiel, qu’on pourrait aussi qualifier de flux d’énergie pour l’un et de flux de vie pour l’autre.
Ici également il convient d’apporter une précision sémantique. Souvent nous confondons à tort les notions de "vie" avec celles "d’énergie". C’est sans doute ce qui conduit aussi à mal différencier l’existentiel et le libidinal. L’énergie a pour étymologie le grec erg (idée de travail) et le préfixe en (dedans), energia signifiant activité et ergon travail. Nous voyons clairement que ce mot désigne le « faire ». Or quand nous parlons de vie devons nous parler de « faire » ou « d’être » ?
Notons que de par sa dénomination "dynamique", la psychothérapie psychodynamique "dit" s'occuper des forces et de l'énergie (libido), plus que de l'existentiel (vie). Quand Jung parle du Soi et de l'individuation, il étend donc la psychanalyse au delà du champs de la psychodynamique.
Il est courant d’évoquer les trois bases que sont « être, faire, et avoir » et vous remarquerez qu’on les énonce toujours en plaçant « être » en premier (un peu comme dans une phrase où le sujet est avant le verbe, qui est lui-même avant le complément). Si l’on éprouve le besoin de faire cette distinction c’est qu’il s’agit de nuances très différentes :
Être : L’acteur, le sujet… c’est l’individu, l’être
Faire : L’action, le procès (processus)… c’est ce que le sujet met en œuvre
Avoir : L’avoir, c’est ce qui résulte du procès et dont le sujet peut ensuite disposer. Il semble qu’Être soit la source du faire et de l’avoir et que les trois soient bien distincts. Nous pourrions énoncer que l’énergie c’est FAIRE et que la vie c’est ÊTRE.
Le flux libidinal (énergie) se trouve donc vraiment différent du flux existentiel (vie). L’un procède du monde des objets et l’autre du monde des sujets. D’ailleurs tout le discours psychanalytique dit bien que le flux libidinal va vers un objet (en parlant de l’autre vers lequel il est dirigé). Même les discours psychologiques parlent souvent de l’attention se portant sur un objet (pour nommer l’autre vers qui nous portons notre attention). Il semble vraiment que la façon de nommer les phénomènes soit plus orientée vers la notion d’objet que vers celle de sujet.
Ceci prend une nouvelle nuance avec la psychologie existentielle où l’on parle "d’individu", de "sujet", "d’être au monde", " d’être là". Nous trouvons cela avec des praticiens comme Carl Rogers, Rollo May, Ludwig Biswanger, Karl Jaspers. Certainement que ces deux types de flux (existentiel et libidinal) sont importants et il convient de ne pas les confondre, ni d’en délaisser un pour sacraliser l’autre.
L’écoulement libidinal : flux d’énergie
Avec la libido, nous avons donc un flux vers des « objets ». Ce flux est une énergie venant du Ça, gérée par le Moi et régulée par le Surmoi. Il assure la survie en jouant sur les notions de profit ou d’évitement. L’autre n’y est pas reconnu en tant qu’individu. Il n’y est qu’instrumentalisé pour un profit ou évité pour échapper à un désagrément. Ce flux ne permet pas de rencontrer vraiment autrui, ni soi même. Il a un rôle de compensateur des vides, encore présents dans la structure psychique en devenir. Chaque fois que ce flux se met en œuvre, il y a consommation d'énergie.
Ce flux permet de poursuivre la vie malgré de nombreux manques existentiels et d’avancer vers un plus de maturité au fur et à mesure des années. Des parts d’être continuent de s’assembler pendant que certaines sont évitées. La structure psychique en devenir se construit ainsi progressivement mais avec un coût énergétique (celui de l’évitement et de la compensation). Ce coût énergétique est parfois d’autant plus intense que la pulsion de vie (existentielle) pousse dans l’autre sens : rassembler ce qui est dispersé par le Moi.
L’évitement est curieusement, et heureusement, compensé par les besoins venant aussi du Moi. Combien de personnes sommes nous amenés à rencontrer dans notre vie, plus par besoin que par volonté de les fréquenter. Par exemple il peut y avoir des collègues, patrons, ou collaborateurs qu’on supporte juste parce qu’on a besoin de travailler. Grâce à ce besoin (qui ne contient aucune générosité de notre part) nous sommes alors amenés à fréquenter (et peut être découvrir) des êtres vers lesquels nous n’aurions jamais pensé aller spontanément ! Cela nous amène à rencontrer le monde… un peu plus.
Nous avons aussi ce phénomène, quoi que beaucoup plus subtile, dans le couple. Dans l’état amoureux initial, chacun est animé par un grand besoin de l’autre. Ce besoin est aveugle à la réalité et fait se côtoyer et s’unir des individus qui, la plupart du temps ne sont pas encore capables de se rencontrer, de s’accueillir et de s’apprécier dans ce qu’ils sont vraiment (ils s’idéalisent plus qu’ils ne se rencontrent). Ce n’est que quand l’état amoureux cessera que l’amour prendra toute sa dimension : soi-même tel qu’on est, face à l’autre tel qu’il est. L’amour au départ n’est que potentiel et le besoin initial lui permettra de se réaliser ultérieurement, si la maturation fonctionne bien. Ce thème a longuement été développé sur ce site dans la publication de février 2001 « Passion »
L’écoulement existentiel : flux de vie
Avec le flux existentiel nous avons un flux vers des êtres (vers des sujets). Le flux libidinal allait vers « quelque chose » (l’autre était vu comme un objet), le flux existentiel va vers « quelqu’un » (l’autre est vu comme un individu, un être). Ce flux est un flux de vie venant du Soi et tentant de rassembler un ensemble fragmenté par les pulsions de survie.
Puisque nous parlons ici d’existentiel, d’être et d’exister, quelques précisions sémantiques sur ces termes seront les bienvenues :
Exister : En latin nous avons ex-sistere (ex l’extérieur, sistere se tenir, être). Donc « être à l’extérieur ». Puis en grec nous avons ek à l’extérieur, sta position station, stabilité… qui a donné le mot « extase ». Littéralement, « être à l’extérieur » également. Les psychologues existentiels parleront « d’être là », d’être au monde ». Exister, c’est donc « être au dehors ».
Nous remarquerons que « être présent » est aussi une expression intéressante. Elle signifie que nous savons « être là », dans l’instant et dans l’espace (le fameux ici et maintenant)… mais c’est aussi étymologiquement praesens (latin), c’est à dire « être devant » avec prae signifiant devant. Nous avons aussi essentia : le fait d’être.
Comment exister peut il signifier « être au dehors » ? Nous connaissons tous l’expression « je suis hors de moi » à tort assimilée à « être hors de soi ». Nous pourrions la préciser en disant « être hors du Moi ». Le Moi étant du paraître, il semble possible que pour « être plus » il soit nécessaire de sortir du paraître, sortir des personnages que nous jouons, sortir des statuts et des imagos. Pour être plus Soi, être moins dans le Moi.
Il s’agit donc d’une disposition particulière de la psyché qui se « dévoile » au sens littéral du terme. D’une part le flux existentiel est, pour le Soi, une façon « d’être au monde » ; d’autre part le flux libidinal est, pour le Soi qui ne sait pas encore être au monde, une source de survie. Le Moi, est ainsi pour le Soi, une façon temporaire « de ne pas être au monde » (il tient compte du monde pour s’en servir, pas pour le rencontrer. Il ne fait que l’instrumentaliser)
Il est toujours étonnant de découvrir à quel point les mots contiennent déjà tellement de renseignements. Ils sont souvent le reflet de phénomènes psychologiques perçus sans doute inconsciemment dans chaque culture. Il semble peu probable que les mots ne soient que le fruit d'une construction intellectuelle ou d'un hasard sur lequel on se serait ensuite accordé. Quand on parle des mots comme d’un code conventionnel… on néglige un peu rapidement les trésors de pertinence qu’ils contiennent. De plus, la communication c’est 93% de non verbal… et 7% de sémantique... vu ce que chaque mot contient, l’ensemble est encore plus riche qu’on se l’imagine !
Ce flux existentiel peut s’écouler de soi vers autrui, mais en psychothérapie, il devra aussi s’écouler de soi vers les différentes parties du Soi. Vous vous souvenez que la structure psychique est constituée de trois zones : celui qu’on est, tous ceux qu’on a été et ceux dont on est issu. Il importe que le flux existentiel s’écoule librement entre ces différentes localisations de la psyché.
Une régulation inconsciente mais lucide
Quand le flux existentiel ne peut s’écouler entre deux parties du Soi (par exemple celui qu’on est et l’enfant qu’on a été), la pulsion de survie fournit l’énergie nécessaire pour la mise à distance. Elle fournit aussi des moyens de compenser le manque qui en résulte, par l’utilisation de ce qui nous entoure (les choses et les êtres). Nous trouverons ici les multiples situations libidinales du Moi, canalisées avec plus ou moins de bonheur pas le Surmoi.
Des symptômes d’inconfort (parfois certaines psychopathologies) apparaissent ultérieurement, spécialement pour interpeller sur ce manque et permettre de retrouver cette part du Soi, afin de lui accorder la place qui lui revient dans la structure psychique. Ces symptômes sont produits par le Soi tentant de restaurer son intégrité. Cette notion de symptômes « spécialement pour » et non « à cause de » est essentielle pour répondre à l’interrogation du Dr Preston « maintenant que dois-je faire ? ».
Quand on croit que le symptôme existe à cause d’une mauvaise situation vécue, on tendra à chercher à en libérer le sujet. Quand, au contraire, on perçoit que le symptôme existe spécialement pour restaurer une part du Soi, on tendra à la retrouver et à la réhabiliter. On fera cela d’autant mieux qu’on saura différencier l’événementiel (mauvais) de l’être qui l’a vécu (toujours de grande valeur). Je ne développerai pas plus ici ces notions largement explicitées dans la publication d’avril 2004 « communication thérapeutique »
Un tout réalisé
Le Soi va vers une complétude que Jung appelait « individuation ».
Il dit dans Ma Vie p457 « On pourrait donc traduire le mot d’individuation par réalisation de son Soi ». Il définissait également la névrose comme un « état de désunion d’avec soi même » p459.
Cette désunion produite, puis compensée, par le flux libidinal, trouvera médiation avec le flux existentiel , comme un flux de vie qui se rétablit entre différentes parties du Soi. Une sorte de guérison d’un « infarctus » de la psyché qui obstruait le passage du flux existentiel.
Au départ le Moi désunit énergiquement les parts du Soi non intégrables (énergie de répulsion). Puis il provoque un besoin qui l'attire et l'oblige à s'approcher d'objets (énergie d'attraction) pour compenser les manques engendrés par la répulsion. Enfin le Soi produit des symptômes qui attirent l'attention vers les parts d'être à restaurer tout en remettant en cause les compensations (décompensations). Si tout se passe bien, le passage du flux existentiel est rétablit. Ce flux de vie correspond plus à une ouverture qu'à une énergie.
Objectal et Existentiel retour
Nous sommes donc en présence de deux flux de nature différente souvent mal différenciés. Ils concernent deux mondes très distincts : le monde des objets concernant les choses (monde objectal), et le monde des sujets concernant les individus, les êtres (monde existentiel).
Le monde des objets
Le flux libidinal est celui qui constitue l’énergie psychique et qui se projette vers l’extérieur, non pour le rencontrer mais pour en profiter. Quand cet extérieur est sa cible, cette cible est nommée « objet ». La libido se tourne toujours vers un « objet ». Ne dit-on pas « l’objet du désir » ou même « l’objet de notre amour ». Il est pourtant curieux qu'en psychanalyse on parle d’amour objectal pour dire que la libido s’est tournée vers quelqu’un. Vu que dans ce type d'attraction l’autre est considéré comme un objet, le mot « amour » trouve ici une curieuse utilisation.
La psychanalyse peine à désigner autrui comme un "sujet". Pourtant, Patrick JUIGNET, dans son manuel de psychopathologie psychanalytique p541, donne la précision suivante:
"Nous distinguerons fermement l'objet, élément de la structure psychique, du référent objectal, la personne concrète à laquelle le sujet s'adresse".
Ce qui est appelé objet n'est donc plus ici ce qui est extérieur à soi, mais la représentation intérieure qu'on s'en fait. Il est donc clair que le flux libidinal va alors vers l' image qu'on a de l'autre (image qui est un objet, une représentation qu'on a en nous), et non vers l'autre lui-même (qui est un sujet, qui est une présence extérieure à nous). Cela aurait pu nous apporter un début de réponse,
Cependant, Patrick JUIGNET, dans son ouvrage, n'évoque généralement pas l'autre en terme de sujet. Il y explique clairement que le développement narcissique et le développement objectal se poursuivent en parallèle, en même temps que s'opèrent des phases structurantes p68-83. Il nous précise même qu'à la dernière phase de la psychogénèse de l'enfant (phase de reprise et d'achèvement de l'adolescence) , le référent objectal est perçu comme un sujet qui possède une altérité vraie (p80). Mais il considère le Soi comme "source d'illusion et de méconnaissance de soi-même" p47. Même s'il reconnaît au Soi son rôle d'unification et de synthèse (individuation), il l'estime construit avant tout par des ressemblances à autrui, s'inspirant plus de l'image des autres que d'une intuition de celui qu'on est. Il le réduit donc ainsi à une "photo" bâtie sur les "objets environnants (imagos)" et il n'y est jamais question du Soi en tant qu'individu, en tant que sujet (comme nous l'avons lu plus haut dans l'exemple de Mrs Oaks avec Carl ROGERS).
Nous remarquons ici, encore une fois, qu'il s'agit donc avant tout d'une théorie s'appuyant essentiellement sur la notion "d'objet" et d'énergie (libido) et où celle de "sujet" et de vie (existentiel) sont absentes. Curieusement, dans la notion de flux libidinal dirigé vers l'extérieur (objets) nous ne voyons alors en fait qu'un flux dirigé vers des représentions intérieures de ce qui nous entoure. Comme si la libido objectale n'était qu'une variante de la libido narcissique, mais au lieu de se diriger vers une représentation de soi, elle se dirige vers une représentation d'autrui... dans le deux cas ce ne sont que des représentations qu'on a en soi. L'autre (le référent objectal) n'est pas rencontré vraiment, pas plus que soi-même (celui qu'on est). A ce titre, nous prendrons soin également de différencier, dans le rapport avec soi-même, "s'admirer" et "s'aimer". Le premier est narcissisme libidinal, alors que le second est individuation existentielle. Comme le souligne Jung dans une phrase déjà citée plus haut:
« Je constate continuellement que le processus d’individuation est confondu avec la prise de conscience du Moi et que par conséquent celui-ci est identifié au Soi, d’où il résulte une désespérante confusion de concepts. Car, dès lors, l’individuation ne serait plus qu’égocentrisme ou auto érotisme » Ma vie p 457
La notion de sujet et d'objet doit donc être clairement précisée. En réalité, pour un objet on a de l’intérêt, alors que pour un être on a de l’amour ou, plus simplement, de l’attention. Il est toujours étonnant de trouver ces imprécisions sémantiques qui sont autant de sources de confusion.
Le monde des objets concerne le relationnel. La notion de relation est souvent confondue à tort avec celle de communication2 . Au point même qu’on pense souvent qu’être relationnel est plus chaleureux qu’être communiquant. Pourtant la relation relie, attache, génère de l’affectivité, ne nous fait que projeter sur l’autre ce que nous imaginons…. Elle ne s’occupe que de l’information pour en profiter ou pour la combattre. Les relations conflictuelles, amoureuses, professionnelles… sont des genres différents d'une même propension à privilégier l’objet par rapport au sujet. Bien sûr nous y trouvons toute la dimension libidinale.
C’est sur ce registre que se dérouleront le fait de convaincre, d’imposer, de posséder, de dominer, de manipuler ou de fuir. Je ne développerai pas trop en détails ces notions de relation et communication longuement explicitées sur ce site dans la publication de septembre 20012
1 - Manuel de psychopathologie psychanalytique – Patrick Juignet Presse Universitaires de Grenoble – 2001
2 - voir sur ce site la publication de septembre 2001 "Assertivité"
Le monde des sujets
Le flux existentiel est celui qui constitue la vie, et qui s’écoule vers l’extérieur pour rencontrer et non pour profiter. De la même manière il peut se tourner vers l’intérieur, vers des parts du Soi, mais de façon non narcissique. Le narcissisme, c'était le flux libidinal vers le Moi, dans le projet de compensations de manques de Soi, par autosatisfaction, alors qu'ici il s'agit du flux existentiel vers le Soi dans le projet d'individuation, de plénitude (remplir ses vides et non plus les compenser). Nous prendrons soin de bien différencier le flux libidinal vers le Moi, qui donne le narcissisme et le flux existentiel vers le Soi qui donne l'individuation.
Le projet, ici, est alors de rétablir, la circulation existentielle entre différentes parts du Soi, entre lesquelles elle avait été interrompue. Une façon de « rassembler ses esprits », une façon de se rencontrer et surtout pas de s’utiliser ou de s’admirer à des fins d’autoprofit ou de compensations.
Si la notion d’amour objectal n’avait pas plus de sens que de parler des « coins du cercles » (les mots ne vont vraiment pas ensemble), celle d’amour existentiel prend tout son sens. Par contre on ne pourra pas parler d’intérêt existentiel, puisque le mot « intérêt » est réservé aux choses.
On peut se demander s’il est nécessaire d’être aussi pointilleux sur le langage ? Il est certain qu’il vaut mieux de la considération avec de mauvais mots, que de la manipulation avec des mots exacts ! Rien n’est pire que l’habileté intellectuelle au service de la manipulation.
Pourtant, pour énoncer des idées précises, l’emploi de mots inexacts amène des confusions. C’est un peu comme pour un outil de bricolage. Par exemple peu importe le tournevis pour une vis standard. Mais quand il s’agit de resserrer ses branches de lunettes, il faut un outil approprié. Nous trouverons aussi des vis cruciformes… et de différentes tailles ! Sans l’outil adapté on abîme soit la vis soit l’outil. Il en va de même des mots. Quand ils sont inexacts, nous risquons d’abîmer les idées que nous essayons d’échanger quand celles-ci comportent de subtiles nuances. Nous arrivons aussi à abîmer les mots à force de mal les utiliser.
Dans cette zone existentielle, il ne s’agit plus d’objets (ni extérieurs, ni intérieurs), mais de sujets, d’individus, d’êtres. Le quelque chose y est toujours moins important que le quelqu’un.
Ce sera le monde de la communication où les interlocuteurs comptent plus que les propos. L’état d’ouverture, fait que l’information y passe mieux, alors que, paradoxalement, celle-ci est mise au second plan par rapport aux interlocuteurs. Cela s’explique simplement par le fait que, pour que l’autre nous entende, il faut d’abord qu’il existe, et que pour qu’il existe, il doit d’abord à nos yeux, plus compter que les choses.
Cet énoncé qui semble une évidence se trouve aussi dans les soins psychologiques : qu’est ce qui mobilise l’attention du thérapeute ? Est-ce l’objet pathologique à guérir ? Est-ce le sujet souffrant de cette pathologie à rencontrer et entendre ? Tout est là. Quel est l’axe de notre attention ? L’être ou la morbidité ?
Karl JASPERS nous interpelle sur le fait que si les buts sont clairs dans la médecine somatique, il en va tout autrement quand on aborde les soins psychiques : « Mais aussitôt que nous voulons agir sur l’âme de l’homme, la clarté du but disparaît. Nous devons même nous demander consciemment, lorsque nous voulons éviter de prendre des dispositions confuses ou indifférentes : Qu’est-ce que nous voulons vraiment atteindre ? » (Psychopathologie générale p518)
Jean-pierre Chartier, cité au début de ce document nous propose : « Mais plus encore, en faisant des symptômes névrotiques, non plus un stigmate de je ne sais quelle dégénérescence nerveuse, mais un message énigmatique adressé à l’autre et du délire une tentative de guérison fondée à l’origine sur un élément de réalité, Freud positionne la maladie au cœur de la psyché, comme un langage qui cherche à dire la vérité de l’être » Guérir après Freud p 29 et « Doit-on traiter les symptômes d’une maladie mentale hypothétique ou soigner quelqu’un qui souffre de sa psyché ? »p30
Ces notions sont détaillées sur ce site dans la publication d’avril 2004 « communication thérapeutique »
Situations concrètes de la vie,
entre le Moi et le Soi
Nous rencontrons dans notre vie quotidienne de nombreuses situations où les échanges sont les résultats du Moi ou du Soi. Le plus souvent nous trouverons le Moi de l’un combattre le Soi de l’autre. D’autres fois ce sera le Moi de l’un qui combat le Moi de l’autre. D’autres fois encore le Moi de l’un utilisera (pour son profit) le Moi ou le Soi de l’autre. Enfin, dans des situations plus rares, le Soi de l’un s’adresse au Soi de l’autre
Exemples de débuts de situations:
Le Moi de l’un contre le Soi de l’autre (le plus fréquent)
-Quand un enfant pleure et qu’on le prend dans ses bras pour le calmer, c’est du pouvoir contre son ressenti. Notre flux libidinal s’oppose à son expression. Il s’agit d’un pouvoir de notre Moi contre l’expression du Soi de l’enfant.
-Quand notre conjoint rentre du travail en nous parlant d’un conflit qui l’a blessé avec un collègue : si nous lui disons « ne t’en fais pas, il ne vaut même pas la peine que tu penses à lui ». Comme pour l’enfant, notre Moi s’oppose au vécu du Soi de notre conjoint.
-Quand un malade ne veut pas prendre ses médicaments et que le médecin lui explique pour quelle raison il devrait les prendre, ce dernier utilise le pouvoir de son Moi pour affaiblir le Soi du patient.
-Quand un enseignant explique à un élève qu’il peut mieux faire, il utilise son Moi contre le Soi de l’enfant qui éprouve une difficulté.
-Quand une personne âgée se plaint qu’on ne s’occupe pas d’elle, qu’on ne vient pas assez vite et qu’un soignant lui répond « Je n’ai pas pu venir plus tôt parce que nous devions finir de préparer les médicaments », nous avons le Moi et l’intellect du soignant qui vient éviter le vécu du Soi du patient.
-Quand une personne se plaint d’être fatiguée et qu’on lui dit « tu n’as qu’à te reposer un peu ou dormir plus », notre Moi envoie un flux d’énergie contre l’expression du vécu de son Soi.
-Quand un thérapeute dit à son client qui ne dit pas certaines choses, ou ne se laisse pas aller dans les émotions « vous avez encore des résistances », il oppose le pouvoir de son Moi à la raison intime du Soi de son patient.
-Quand un thérapeute dit à sa patiente « vous serez bien obligée de devenir adulte quand vous n’aurez plus votre mère », par le pouvoir de son Moi, il détruit le Soi de la mère et celui de sa patiente ainsi que le flux existentiel qui devrait pouvoir s’écouler entre elles. Or, une telle situation chez la patiente, marque souvent plus le fait d’avoir manqué sa mère que d’en être trop proche.
-Quand une femme dit « je me sens un peu vieillir. Ça m’angoisse ! » et que sa meilleure copine lui dit avec un ton d’indignation « Mais pourquoi dis-tu ça. Tu es superbe ! », elle oppose l’énergie de son Moi à l’expression du Soi de son amie.
-Dans un couple, l’épouse disant à son mari lorsque le deuxième enfant quitte la maison pour aller suivre ses études : « tu sais, c’est vraiment difficile de voir les enfants qui partent de la maison. Ça me laisse un sentiment douloureux » Il lui répond « ce n’était pas si terrible quand le premier est parti. Et puis il faut bien qu’il fassent leur vie » Le Soi de l’une est invité à se taire par le Moi de l’autre
Le Moi de l’un contre le Moi de l’autre (assez fréquent aussi)
Quand un enfant reproche à son père « tu ne m’écoutes jamais » et que celui-ci répond « de toute façon tu n’es jamais là », c’est une bataille de leurs deux Moi
« Je trouve que tu pourrais faire un effort » reproche le premier. « Tu n’as qu’à le faire toi-même répond le second ». C’est aussi une bataille entre les Moi
Un professeur dit à un élève « vous ne faites jamais d’effort ». L’élève répond « ce n’est pas ça, monsieur, mais le devoir était trop long » Le Moi de l’un argumente contre le Moi de l’autre.
Le parent d’un malade dit au soignant « vous pourriez vous occuper un peu mieux de lui, il ne mange pas assez ». Le soignant répond « mais vous savez, nous faisons tout ce qu’il y a à faire, il ne faut pas vous inquiéter comme ça » le Soi du parent étant inquiet, il utilise son Moi pour attaquer le soignant qui utilise le sien pour se défendre
Dans une réunion, une personne attaque son collègue « sur ce dossier tu aurais pu être plus précis, je n’ai eu que des ennuis avec le client » et le collègue lui objecte « Bien sûr c’est facile à critiquer, on voit bien que ce n’est pas toi qui a dû te débattre avec tous ces chiffres » Le Soi de l’un ayant été embarrassé, il utilise son Moi pour combattre l’autre, qui lui-même se défend avec son Moi. Les deux Soi s’ignorent mutuellement.
Le Surmoi de l’un et les deux Soi cachés.
Quand nous aimerions aller au cinéma et que nous n’y allons pas pour ne pas ennuyer notre conjoint qui n’aime pas ça, notre Surmoi adapte notre Moi pour satisfaire à celui de notre conjoint. Aucun des deux Soi n’existe ni n’est rencontré.
L’un aimerait bien dire à l’autre que la musique qu’il écoute le gène. Mais il se tait pour ne pas recevoir en retour un reproche. Juste après, à table il lui dit « tu pourrais finir ton assiette, pourquoi tu en laisses tout le temps ». Le Surmoi a contenu la première remarque pour éviter un reproche. Mais le Moi a débordé à table juste après.
Le Soi qui tente d’émerger
Quand un adolescent nous explique qu’on ne le comprend pas, il revendique la construction et l’existence de son Soi. Souvent il n’est invité qu’à l’élaboration de son Moi (plus de lutte) ou de son Surmoi (apprendre à s’écraser un peu) ou les deux à la fois : « Bien sûr qu’on t’entend. On n’entend même que toi. Tu râles tout le temps »
« Je me rends compte que j’hésite souvent à donner mon avis et à te dire ce que je ressens » dit finalement une femme à son compagnon après quinze années de vie commune. Lui : « Mais tu sais j’essaye de t’écouter au mieux. Je crois que je ne t’ai jamais empêché de dire ce que tu avais à dire ». Elle : « Justement, là, tu vois je ne sens pas que tu m’entends ». Il ajoute « je ne vois pas ce que je peux faire de plus ». Chacun revendique son ressenti à l’autre. Mais chacun n’étant pas prêt, le Soi ne reçoit pas, ni d’un côté, ni de l’autre. Il se contente de revendiquer son ressenti et l’envoi par l’intermédiaire du Moi comme une objection.
Le Soi de l’un qui s’adresse au Soi de l’autre
Quand un jeune dit « je ne sais pas si je trouverais du travail. C’est vraiment difficile en ce moment » et qu’il s’entend reformuler « Tu es vraiment très inquiet ? » nous avons là un Soi qui reconnaît et valide l’expression du Soi de l’autre.
L’un exprime sa colère « je n’en peux plus de toutes ces histoires », l’autre lui reformule « c’est insupportable à ce point ? » C’est aussi une validation du Soi
L’un dit « J’ai vraiment été très heureux de ce que tu as fait ». L’autre reformule « Ça a vraiment été très agréable pour toi ? ». Il se voit répondre que oui et ajoute. « Tu sais c’était vraiment avec plaisir ». Nous avons ici un échange simple ou chacun exprime son vécu sans effacer celui de l’autre.
Pour comprendre cette expression du Soi, vous pouvez lire les exemples de la publication de novembre 2002 « reformulation »
Rôle du Moi et du Soi dans l’exemple d’une situation phobique
Une personne ayant failli se noyer il y a dix ans a une phobie de l’eau depuis deux années. La phobie est donc apparue, alors que la situation antérieure ne semblait pas avoir laissé de trace pendant 8 années. Le Moi a su être assez fort pour mettre durablement de côté cette circonstance douloureuse (personnalité forte). Puis la phobie est finalement apparue afin de retrouver la part manquante du Soi (spécialement pour cette réhabilitation).
Mécanismes préalables :
La mise à distance de la part de Soi qui a vécu la noyade avait été réalisée par le Moi (pulsion de survie). Par contre, le fait de la garder dans l’inconscient (et non de l’éradiquer) avait été accomplie par le Soi afin de ne pas la perdre, en attendant une opportunité de réhabilitation.
A l’occasion d’une baisse d’énergie (moment de faiblesse du Moi, fragilisation de la personnalité), le Soi peut enfin faire émerger le symptôme phobique qui sera le moyen par lequel on pourra revenir à cette part manquante.
Le projet global (perspicace, mais patient) est celui du Soi, qui tend à retrouver son intégrité afin de permettre une meilleure qualité d’individuation. Pendant ce temps, le Moi s’y oppose en tentant d’offrir un confort optimum par l’oubli (identifié à tort à la pulsion de mort, alors que c’est plutôt une pulsion de survie). Mais le Moi a besoin d’énergie alors que le Soi n’en utilise aucune. La lutte est donc inégale car tôt ou tard le Soi aura une opportunité, lors d’un effondrement énergétique (libidinal)
Il peut y avoir plusieurs « décompensations » puis « recompensations »…. jusqu’au moment où :
Moment thérapeutique :
Le sujet arrivera à faire la différence entre les circonstances effrayantes (noyade) et celui qu’il était dans cette circonstance (l’individu qu’il était à ce moment). Il n’y a une peur d’y retourner que tant qu’on croit qu’il faut y retourner… En fait il ne s’agit pas de retourner au moment de la noyade, et encore moins de la revivre, mais juste de rencontrer celui qu’il était et qui a vécu cela afin de l’entendre, le soutenir, le reconnaître dans son vécu et de lui donner sa place dans la structure psychique.
Notions de Moi et de Soi hors des concepts psychodynamiques
De nombreuses souffrances psychologiques correspondent souvent au schéma ci-dessus (y compris en dehors des situations phobiques). La source ne vient donc pas forcément de l’enfance. Le ça, le Moi et le Surmoi, n’y concernent pas non plus systématiquement les étapes infantiles envisagées dans la psychodynamique.
Une situation psychothérapique se concrétisera plus souvent sur un schéma analogue au cas ci-dessus, que sur celui d’une étude de la sexualité infantile.
Psychothérapie et psychodynamique
Généralement les données de la psychanalyse appliquées à la psychothérapie conduisent à tenir compte des quatre éléments de la psyché que sont le ça, le Moi, le Surmoi et le Soi. Le plus souvent seuls les trois premiers éléments sont évoqués et quand le quatrième est présent, sa différenciation reste confuse. De plus, ils sont abordés avec, en toile de fond, l’idée de sexualité infantile et des stades du développement correspondants. Mais ceux-ci nous sont de peu d’utilité pour l’accompagnement d’un sujet en souffrance psychique et risquent même de laisser le praticien face à son client, avec cette question du Dr Preston « que dois-je faire maintenant ? ».
Ces stades sont, le « stade oral » (vers 17 mois), le « stade annal » (jusqu’à 4 ans), le « stade phallique » (jusqu’à 7 ans), suivis d’une « période de latence » (jusqu’à 12 ans) précédant le « stade génital » (à partir de 12 ans). Les développements définis par la psychodynamique placent vers 3 à 5 ans le complexe de castration et le complexe d’Œdipe pour les garçons ainsi que l’envie de pénis pour les filles. Le complexe d’Œdipe chez les filles étant plutôt identifié vers 12 ans.
Je ne prendrai donc pas la peine de détailler ici ces éléments. J’ai choisi d’utiliser dans ce document les notions de ça, de Moi, de Surmoi et de Soi de telle façon qu’elles puissent avoir directement une utilité en psychothérapie ou en compréhension de soi, afin de comprendre les enjeux à l’œuvre dans la psyché. Mettre l’accent sur la cohabitation des mécanismes libidinaux et des mécanismes existentiels m’est apparue, ici, plus important.
En effet, les stades de développement cités ci-dessus sont intéressants du point de vue de l’étude théorique des phases d’évolution d’un individu, mais l’expérience clinique m’a montré qu’ils n’apportent pas d’éclairage pour l’efficacité d’une psychothérapie dans laquelle le sujet a besoin d’une aide immédiate. Ce document n’apportant pas d’éléments sur ces stades du développement, j’invite le lecteur qui chercherait ce type d’information à se tourner vers un site traitant principalement de la psychanalyse ou de la psychodynamique.
Que ce soit en tenant compte de ces notions, ou hors du champs de celles-ci, le lecteur qui souaite plus de détails au sujet de la psychopatholgie et de la psychothérapie peut lire la publication d'avril 2008: "Psychopathologie" et, pour des nuances particulirement innovantes en ce domaine, la publication de décembre 2008 "Le positionnement du praticien dans l'aide et la psychothérapie"
Synthèse
Pour reprendre l’ensemble de ce qui a été évoqué dans mon document, vous trouverez en annexe un tableau mettant en face de chacun des 4 éléments constituant la psyché, ce qu’il induit d’attitudes, de réactions, de comportements, d’ouverture, de fermeture…etc. Vous trouverez dans ce tableau des mots renvoyant à de nombreuses notions développées dans d’autres documents de ce site.
Une 2e annexe reprend les évolutions simultanées du Moi (ego) et du Soi (individuation) sur le cours d'une vie. Ceci permet de bien visualiser le rapport entre l'évolution du paraître et celle de l'être (du libidinal et de l'existentiel)
Thierry TOURNEBISE
article intéressant sur la raison, la morale, donc l'éducation