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Rêver sa vie ou vivre ses rêves, Hélène Dubé et Allan Neveu ont choisi la deuxième option. Il y a douze ans, ce couple de québécois a décidé de se lancer dans l’autoconstruction d’un Earthship (ou géonef), un habitat écologique et autonome. Bilan d’une décennie sous le signe de l’autonomie.
Désireux de vivre en autarcie, Hélène Dubé et Alain Neveu - qui ne connaissait rien au bâtiment - se sont lancés dans la construction de leur maison écologique au Canada. Ils ont été séduits par l’Earthship ou géonef en français : une habitation écologique faite à partir de matériaux de récupération (pneus, terre, bois, etc.) et peu coûteuse. Mais surtout, qui tend à l’autosuffisance !
Une maison autonome
Hélène et Alain souhaitaient vivre en autonomie afin de ne dépendre de personne. Ils ont opté pour l’autoconstruction d’un earthship, un habitat écologique apparu dans les années 70, dans la mouvance hippie du “retour à la Terre”. Ils ont d’abord acheté un terrain avec une source d’eau puis, se sont lancés dans l’autoconstruction en 2005. Construite à partir de matériaux recyclés ou de récupération, leur maison est pensée pour économiser et produire de l’énergie mais surtout être en harmonie avec la nature.
Elle dispose d’un chauffage passif et est alimentée en électricité par l’énergie solaire ou provenant d’éoliennes. Le couple dispose de toute l'électricité dont il a besoin mais ne l’utilise que très rarement. Ici, pas de réfrigérateur, ni de sèche-cheveux, l’électricité sert occasionnellement pour la machine à laver. Leur habitat est également doté d’un système de récupération d’eau de pluie, de toilettes sèches et de traitement des eaux usées.
12 ans après, le bilan
La réalisation de ce projet n’a été toujours été un long fleuve tranquille. Le couple a dû faire face aux contraintes climatiques du Québec (températures extrêmes et humidité) mais a finalement su s’adapter avec brio en limitant les pertes de chaleur issues du plancher. De plus, deux grandes baies vitrées sont orientées vers le sud afin de bénéficier de l’ensoleillement et de cultiver fruits et légumes pour tendre vers l'autosuffisance, côté alimentation. Et, tout pousse même en hiver !
Depuis 2005, le couple vit en harmonie avec la nature et en adéquation avec leurs valeurs en limitant leur impact écologique dans leur maison ES-Cargo. C’est la première maison de type "earthship" au Québec. Hélène donne désormais des conférences et ateliers sur la construction écologique et Alain continue de s'intéresser à l'autonomie énergétique (voiture à l‘huile végétale, éolienne, bicyclette génératrice d‘électricité).
C'est une solution presque trop belle pour y croire. La start-up poitevine Filtralife a lancé en septembre dernier une machine capable de rendre potable une eau douce polluée, même par des pesticides. Une innovation qui intéresse en France et à l'étranger. Filtralife est en finale nationale du concours Tech For Futur.
Pour boire l’eau de la Dive à Valence-en-Poitou (Vienne), il faut un peu de force physique et beaucoup d’ingéniosité. Démonstration : gobelet en main, Auguste Minot s'approche du bord de l'eau. "Vous remplissez le réservoir tout simplement : vous allez activer le système avec cette manivelle et là, vous prenez un verre, vous activez le robinet, et vous avez une eau qui sort instantanément potable."
La machine, créée par le jeune homme, fonctionne sans électricité ou produits chimiques. L’eau passe par une succession de filtres. Les membranes bloquent les mauvaises particules et préservent les minéraux. “On est sur un mélange de nano filtration et d'osmose inversée. On va vraiment retenir toutes les bactéries et virus. À la différence d'autres solutions, on va garder les minéraux qui sont essentiels à la vie."
Validée par la Science
Cette méthode a été testée dans un laboratoire, installé à Poitiers et agréé par le ministère de la Santé. Professeur émérite de l'université de Poitiers et spécialiste de la qualité et du traitement des eaux, Bernard Legube a mis la machine d'Auguste Minot à l'épreuve de la science. Son défi : rendre consommable l'eau de la Marne, l'une des plus polluées de France.
"Notre première réaction était d’être surpris, quand même, par le résultat de cette analyse qui est excellente, sourit l'universitaire. Tous les polluants présents dans l’eau ont été éliminés. Que ce soient des polluants métalliques, métaux lourds, ou des polluants organiques comme des pesticides."
Des pesticides absents des résultats. Plus de 500 paramètres ont été évalués. Par exemple, le taux de glyphosate. La réglementation actuelle tolère 0,1 micro gramme par litre. “Dans l’eau filtrée par Filtralife, on a moins de 0,03 microgramme par litre, soit trois fois moins que ce qui est toléré dans les eaux potables", explique Bernard Legube.
Paris, l'Afrique, l'Asie et l'Amérique
Invention, presque miraculeuse, née dans la tête de Paul Minot, ingénieur de formation. Tout a commencé, par un dessin. "Les prémices de Filtralife, ça m’est arrivé à 23 heures, le soir. J'ai eu cette idée de rendre potable toutes les eaux de surface à travers le monde. Dès le lendemain, j'ai commencé à bosser sur le projet."
Avec son fils Auguste, ils ont mis plusieurs mois à concevoir LE système de filtration adapté. Un système breveté et gardé secret, qu’ils veulent exporter. Tous deux rêvent de conquérir l'international. “On échange avec des ONG comme Médecins sans frontières, Action contre la faim..., raconte Auguste Minot. Et puis une partie privée, ou de grandes entreprises, présentes en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie."
Mais pour l'heure, direction Paris. Filtralife a été sectionnée pour la finale nationale du concours d'innovation Tech for Future. Le startupper poitevin a défendu son invention devant un jury de professionnels. “Ça passe très vite, trois minutes de pitch, trois minutes de questions. Il faut être précis. Au vu des réactions, ça a pas mal plu. Les arguments sont assez solides. Maintenant, on attend les résultats le 28 mars."
Auguste et Paul Minot sont confiants. L'enjeu est crucial. Selon l'OMS, en 2022, 9 % de la population mondiale n'a pas accès à l’eau potable.
Un reportage signé Marie Colin, Morgane Knoll et Bénédicte Biraud
L’agriculture syntropique
Encore peu connue en France, l’agriculture syntropique est une approche novatrice qui a vu le jour il y a une quarantaine d’années : elle se base sur le fonctionnement des écosystèmes naturels, en répondant aux objectifs de production des agriculteurs. En pratique, elle mise sur une organisation synergique d’une diversité des cultures, pour viser des récoltes abondantes.
Une méthode émergente en France
A l’origine de l’agriculture syntropique ? Ernst Götsch, un agriculteur et chercheur suisse. En 1984, il part au Brésil, dans l’État aride de Bahia, pour reprendre une exploitation de 500 hectares, dont les sols sont altérés et improductifs. Pour remettre en production ces terres, le suisse teste pendant 30 ans des techniques s’inspirant des principes de fonctionnements de la nature, et notamment des forêts. Suite aux résultats probants obtenus, cette méthode s’est répandue au Brésil puis dans de nombreux pays.
En France, l’agriculture syntropique émerge depuis quelques années. En exemple, la ferme des Mawagits, dans le Gers, créée en 2018 dans le but d’en faire un lieu pédagogique dédié aux pratiques agroécologiques. L’un des associés, ingénieur agronome, a étudié pendant deux ans au Brésil où il a découvert l’agriculture syntropique : 1000 m² y sont aujourd’hui dédiés sur une parcelle dégradée, pour poursuivre sa formation et adapter la méthode au contexte pédoclimatique, avec le projet de la transférer à terme sur l’ensemble de l’exploitation. Aucun fertilisants, ni d’intrants chimiques ou d’irrigation ne sont utilisés sur la ferme où a été implantée une grande diversité d’espèces. Tout est conçu pour limiter les apports exogènes et créer des synergies entre les plantes.
Les principes de l’agriculture syntropique
Selon le dictionnaire, la syntropie est définie comme l’action convergente de plusieurs facteurs. Dans le cas de l’agriculture syntropique, il s’agit de créer un système de cultures dense et complexe, pour aboutir à un équilibre entre les plantes et obtenir une production en abondance.
Cette méthode se base sur le processus naturel de la régénération des écosystèmes dans le but d’y introduire des espèces comestibles et commercialisables. Le principe : remettre les plantes dans les conditions de lumière et de fertilité qu’elles auraient dans leur milieu naturel.
Outre l’existence de débouchés viables, le choix des espèces prend en compte deux facteurs : la vitesse de croissance et l’occupation de l’espace. Il s’agit d’implanter des associations de cultures avec des cycles complémentaires – plantes annuelles, bisannuelles et vivaces – qui vont se développer à des rythmes asynchrones, selon le principe de succession rencontré dans la nature (d’où l’autre appellation pour désigner l’agriculture syntropique, l’agroforesterie successionnelle). Tout le système est organisé par strates (basse : herbacées ; moyenne : arbustes et buissons ; haute : canopée et émergente), afin d’optimiser l’utilisation des surfaces, aussi bien horizontalement que verticalement.
L’agriculteur intervient régulièrement pour perturber le système, notamment par la taille des strates supérieures ou la coupe des espèces en fin de cycle, l’objectif étant de soutenir la dynamique de croissance, d’accélérer la succession végétale et de récolter les productions pour la vente.
Des avantages mais aussi des limites ?
L’agriculture syntropique a de nombreux atouts : enrichir le sol en matière organique, améliorer sa fertilité, augmenter la biodiversité, l’humidité etc. Outre la restauration de l’environnement et des écosystèmes, elle permet d’assurer des revenus pour l’agriculteur tout en étant socialement valorisante auprès de la société (pas d’apports extérieurs, qualité des produits….).
Cette méthode demande toutefois une connaissance fine des espèces implantées – biologie, dynamique de croissance, besoins en lumière -, des interactions entre elles et des processus biologiques en jeu. Ces informations doivent ensuite être croisées avec les caractéristiques des parcelles, le type de sol et le climat. Une période de test peut donc être nécessaire, avant la mise en œuvre effective sur l’exploitation. Dans tous les cas, il s’agit de prendre le temps de réfléchir à un tel projet et de prévoir une gestion minutieuse du système.
Réseau Méthodologique et Technique Alimentation Locale