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Le municipalisme libertaire — également appelé « communalisme » — est né au début des années 1970 sous la plume de Murray Bookchin, penseur et militant étasunien de l’écologie sociale. Il s’avance, depuis, comme l’une des propositions anticapitalistes les plus structurées. Fort des trois échecs du siècle dernier (le communisme d’État, les révoltes anarchistes et le réformisme parlementaire), le municipalisme libertaire entend, par un processus révolutionnaire articulant local et global, « remplacer l’État, l’urbanisation, la hiérarchie et le capitalisme par des institutions de démocratie directe et de coopération ». L’expérience conduite au Rojava, en Syrie, a popularisé l’invitation bookchinienne, jusqu’alors confidentielle.
Murray Bookchin est mort cinq ans après l’écroulement du World Trade Center et douze mois avant l’éclatement de la crise des subprimes. Théoricien de premier plan de l’écologie sociale et du municipalisme libertaire, il voulut, selon les mots de sa biographe Janet Biehl, « ressusciter la politique dans le sens ancien du terme ». Autrement dit : la polis, en grec, la Cité, la communauté de citoyens libres et autonomes.
Bookchin fut tour à tour membre du Parti communiste (années 1930), militant trotskyste (années 1940), porte-drapeau de l’anarchisme (années 1950 à 1980) puis voix critique de ce dernier : cette évolution lui permit d’appréhender, de l’intérieur, ce qu’il tenait pour les forces et les faiblesses de chacune de ces traditions politiques, philosophiques et économiques. Que reprocha-t-il, à grands traits, aux marxismes ? Leur centralisme, leur focalisation fantasmée sur le prolétariat d’usine, leur avant-gardisme, leur autoritarisme léniniste, leur désintérêt pour l’éthique, leur désir éminemment cartésien de soumettre la nature, leur lecture linéaire de l’Histoire, leur appétit productiviste. Que reprocha-t-il, mêmement, aux anarchismes ? Leur condamnation principielle du pouvoir, leur aventurisme, leur individualisme, leur dogmatisme, leur rejet de tout système électoral, leur mépris du principe majoritaire. Quant au réformisme — autrement dit la voie parlementaire et l’accession au pouvoir par les urnes —, il le tenait pour fondamentalement incapable de mettre fin au mode de production capitaliste, à la tyrannie de la croissance, à l’impératif compétitif et à la dévastation des écosystèmes.
L’écologie sociale contre l’écologie profonde
« L’espèce humaine n’est pas l’ennemi : la minorité possédante en son sein, si. »
La lutte écologique n’est pas, en elle-même, garante d’un quelconque projet collectif émancipateur : du GRECE au récent désir, formulé par l’une des têtes des Républicains, de construire « une écologie de droite1 », du trop fameux « capitalisme vert » au localisme identitaire soucieux de « traditions ancestrales » et de se « réenraciner » contre les nomades autour de « l’amour du terroir2 », la liste des écologistes contre-révolutionnaires n’a pas fini de s’étendre. Murray Bookchin prit donc soin d’arrimer l’écologie qu’il défendait à l’épithète « sociale » : de gauche, anticapitaliste et internationaliste. Née au début des années 1970, l’écologie dite « profonde » était l’une de ses cibles de prédilection : il l’accusait, avec sa vigueur coutumière, d’être irrationnelle, mystique, malthusienne, misanthrope, passéiste et possiblement raciste et fasciste. « Presque tous les problèmes écologiques sont des problèmes sociaux », expliqua-t-il ainsi dans son essai Remaking Society. L’espèce humaine n’est pas l’ennemi : la minorité possédante en son sein, si ; les outils technologiques ne sont pas un danger : ne pas les mettre au service de l’autonomie populaire, si3. Le municipalisme libertaire — ou communalisme — entendait donc répondre à cette double exigence sociale et environnementale.
Mettre en place les municipalités
En 1998, l’essayiste Janet Biehl publia, avec l’aval de Bookchin, le manifeste Le Municipalisme libertaire : une « solution de rechange » au système capitaliste, oppresseur de la Terre et de l’immense majorité de ses habitants, humains ou non. Autorisons-nous ce périlleux saut dans l’avenir : à quoi ressemblerait la prochaine révolution ?
Il s’agira, au commencement, de fonder un petit groupe municipaliste sur son lieu de vie. Une fois structuré, politiquement mûr et humainement soudé, il devra s’élargir et s’adresser aux habitants du quartier/bourg/village/arrondissement puis de la ville (partitionnée, à terme, en diverses municipalités selon sa superficie4) afin de devenir une force politique. Ce groupe — adossé à un règlement et prenant graduellement la forme d’un mouvement — optera pour un nom simple à mémoriser et affichera une identité politique accessible au tout-venant ; il s’agira de convaincre les citoyens alentour sur la base de deux ou trois points essentiels : les enjeux de proximité (vie quotidienne et travail), la démocratie directe et l’écologie. L’identité culturelle et historique locale pourra au besoin colorer ledit mouvement. L’éducation populaire sera au cœur de ce processus d’élargissement : un journal et un logo seront créés, des tracts distribués dans les espaces de sociabilité ordinaire, des affiches placardées et des conférences données — les cafés et les bars deviendront des espaces incontournables ; une culture et un bouillonnement politiques jailliront. Des manifestations seront organisées afin de lutter contre les projets locaux délétères ; un maillage avec les coopératives existantes, notamment alimentaires, sera mis en place. Le municipalisme libertaire aura vocation à s’adresser au plus grand nombre, et non aux militants ou aux citoyens déjà au fait des enjeux démocratiques et environnementaux.
Le temps passant et la mobilisation militante opérant, le mouvement s’imposera comme un acteur clé de la vie journalière du quartier ou de la ville. La base institutionnelle des futures municipalités démocratiques sera l’assemblée : l’ensemble de la population d’un espace délimité sera convié à s’y retrouver afin de délibérer et de prendre en charge les questions d’intérêt commun — le citoyen perdra ainsi son statut de « mineur incompétent », soumis à la tutelle de l’État, et deviendra enfin « majeur » à mesure que la politique deviendra la « province des amateurs, des gens ordinaires ». Ces assemblées seront l’espace de la « recorporalisation des masses », de la formation du corps politique ; elles se réuniront à intervalles réguliers dans divers lieux possibles : cour d’école, auditorium, théâtre, église, salle des fêtes, etc. Leur durée sera fixée en amont et un règlement adopté afin d’encadrer, notamment, les modalités de prises de décision. Le bon déroulé de chaque assemblée, mobilisée autour d’un ordre du jour, sera rendu possible par un personnel révocable à tout instant en cas de violation dudit règlement. La liberté d’expression devra être « la plus complète », et ce quelles que soient les divergences idéologiques, éthiques ou partidaires. Les décisions seront prises, après débats, par votation et à la majorité — la minorité aura à s’y conformer, sans quoi la vie sociale « se désintégre[ra] dans une cacophonie d’individus hargneux ». Elle pourra sans contredit continuer d’exprimer ses désaccords et chercher à convaincre la majorité de réviser son jugement ; les dissidents devront exister : sans désaccords, une société ne pourrait être libre, vouée qu’elle serait à « sombr[er] dans la stagnation ».
« Le temps passant et la mobilisation militante opérant, le mouvement s’imposera comme un acteur clé de la vie journalière du quartier ou de la ville. »
Ces assemblées interclassistes5 pas à pas mises en place, deux voies s’offriront. Le mouvement, fort de l’intérêt croissant de la population locale pour la démocratie directe, sollicitera le conseil municipal existant (présidé, en France, par le maire) et exigera de lui qu’il reconnaisse, légalement, la légitimité du municipalisme libertaire et sa participation effective à la vie politique. « Il est hautement improbable », avance toutefois Biehl, que les représentants de l’État y consentiront ; les militants municipalistes devront dès lors se présenter à chaque élection municipale afin de pouvoir, un jour, prendre la main sur le conseil municipal puis, par décision majoritaire, conférer les pleins pouvoirs aux assemblées municipalistes libertaires. Dans les pas de Bakounine, estimant que l’élection communale honore « la volonté populaire » et rend « le contrôle » possible à cette échelle, Bookchin estimait qu’il était vain et contre-productif de participer aux plus amples scrutins. Les campagnes électorales offriront une tribune supplémentaire : un programme concis sera diffusé, articulant en toute occasion les revendications locales avec le projet, plus abstrait, de transformation globale de la société et du monde (les demandes minimales et les demandes maximales, indexées à de brèves, moyennes et longues échéances). Parmi les premières mesures minimales, on lirait par exemple : interdiction des centres commerciaux (corrélée, en mesure maximale, à l’abolition de l’économie de marché) ; protection d’espaces à forts enjeux écologiques ; création de garderies et de foyers pour femmes battues.
Bien que Bookchin ait reconnu aux cadres et aux leaders leur légitimité historique et organisationnelle, les candidats ne parleront jamais en leur nom propre : ils représenteront le municipalisme libertaire et auront à répondre, devant le mouvement, de leurs faits et gestes. Il conviendra de se montrer prudent avec les médias de masse — très certainement hostiles — et de privilégier les dispositifs « communautaires » et les espaces où la parole ne sera pas systématiquement tronquée et individualisée. Les premiers échecs électoraux — inévitables — ne seront pas un frein et n’auront à susciter nulle amertume ; il se n’agira pas tant de gagner que de « grandir lentement et organiquement », de créer une vaste, solide et profonde toile sur l’ensemble du territoire. Se préoccuper des résultats lors des soirées électorales ne présentera donc, les premiers temps, que peu d’intérêt : il faudra plutôt s’armer de « beaucoup de patience ». Ni prise d’assaut du Palais d’Hiver ni succession de réformes, donc : le communalisme aspire à s’appuyer sur le déjà-là (les conquis émancipateurs) tout en étendant et en radicalisant la démocratie.
Mettre en place le confédéralisme
Les assemblées finiront pas obtenir les pleins pouvoirs dans un certain nombre de municipalités du (ou des) pays. Un congrès de délégués, dit conseil fédéral, sera mis en place via une assemblée confédérale — une « Commune des communes », en somme. Ces délégués ne seront pas des représentants mais des exécutants élus révocables à tout instant ; ils ne parleront pas à la place du peuple mais appliqueront les décisions actées à échelle municipale. Le conseil fédéral aura vocation à coordonner les municipalités, à régler les questions impossibles à traiter localement (la construction d’une route traversant le pays, par exemple) et à examiner les éventuelles dérives locales (si une municipalité, embourbée dans on ne sait quel esprit de clocher, en venait à décider majoritairement de discriminer les homosexuels, l’ensemble des délégués du conseil votera pour savoir si cette municipalité pourra poursuivre dans cette voie). C’est que le municipalisme libertaire, riche de l’héritage proudhonien, n’entend pas sacraliser le local ; il n’ignore rien des dérives possibles — présentement régulées, il est vrai, par la centralisation des États de droit capitalistes — et réfute l’autarcie autant que l’illusoire autosuffisance locale. D’où le second étage de l’échafaudage : le confédéralisme. Les municipalités libertaires — qui, précisait Bookchin, devront être assez rapprochées pour passer à pied de l’une à l’autre — formeront des confédérations régionales puis, à mesure de leur essor, constitueront un vaste réseau interconnecté sur tout le territoire national, puis international : Bookchin appela à créer « une Internationale dynamique, solidement enracinée dans une base locale ». Cette articulation local/national/international constituera pourtant la réserve essentielle d’Olivier Besancenot et Michael Löwy, dans Affinités révolutionnaires — Nos étoiles rouges et noires6 : si le tandem marxiste libertaire salue, non sans admiration, la clairvoyance, la force prémonitoire et la cohérence de l’œuvre de Bookchin, ils prennent leur distance avec ce qu’ils nomment son « culte du localisme » et rappellent l’impérieuse nécessité d’une politique planificatrice.
Municipaliser l’économie
« Les classes fortunées seront expropriées ; les impératifs de croissance et de concurrence seront remplacés par les notions de limite et d’équilibre. »
Le municipalisme libertaire trace une troisième voie entre la nationalisation et la propriété privée : la municipalisation. Les coopératives ne peuvent à elles seules garantir une sortie du mode de production capitaliste ; il importe, dès lors, de rendre la propriété publique : celle-ci sera placée sous le contrôle des citoyens via les assemblées. Ce sera là, selon Bookchin, le moment d’« enlever l’économie à la bourgeoisie ». La terre, les usines et les moyens de production (bureaux, banques, transports collectifs, etc.) deviendront la propriété de la communauté et la vie économique sera organisée, en fonction des besoins communs, par les travailleurs et les citoyens eux-mêmes. Les classes fortunées seront expropriées ; les impératifs de croissance et de concurrence seront remplacés par les notions de limite et d’équilibre ; l’homogénéisation des revenus — condition nécessaire à toute démocratie authentique — sera instaurée dans des proportions à définir.
« Vider » l’État et armer le peuple
Le municipalisme libertaire renvoie dos à dos les deux modalités historiques de l’émancipation : constituer des îlots autogérés et prendre le pouvoir (par les urnes ou par les armes). Il s’agit pour lui d’ériger un contre-pouvoir à l’État-nation, de croître au nez et à la barbe du gouvernement. Mais, nul n’en doute, ce dernier ne verra pas semblable expansion d’un bon œil — d’autant que les municipalités affranchies assumeront sans détour cette conflictualité : il ne sera pas question de frayer avec les instances étatiques ni de les provoquer physiquement, mais bien de progresser en parallèle. Le pari de Bookchin — car c’en est un — est le suivant : la propagation libre et volontaire des municipalités démocratiques entraînera de nombreux bienfaits tangibles et redonnera un sens aux existences de millions de citoyens jusqu’alors anémiés, assujettis, privatisés, abrutis par le marché de l’emploi et dépossédés de tout pouvoir, excepté celui de consommer ; ses sympathisants, devenus majoritaires au sein de la population, déserteront progressivement les structures statonationales au profit de la révolution municipaliste ; l’État en viendra à perdre sa légitimité et ce qu’il lui reste d’aura.
Travailler à son auto-désintégration ne suffira pourtant pas. Les possédants et le régime chercheront à entraver, par la force armée, l’extension du municipalisme libertaire ; raison pour laquelle chaque municipalité devra constituer une garde civique7, non sans avoir dissous les corps de police et d’armée présents sur son territoire, en vue d’assurer la défense des citoyens et de la démocratie naissante (« substitue[r] à l’armée et à la police séparées du peuple l’armement direct et immédiat du peuple lui-même8 », écrivait déjà Lénine en 1917, avant qu’il ne prenne le pouvoir). Cette garde civique rendra des comptes à l’assemblée et comptera des officiers élus. Il n’est pas exclu, en plus d’assauts étatiques circonscrits et plus ou moins sporadiques, qu’une confrontation globale violente ait lieu : la question du pouvoir trouvera alors sa réponse. Puisque le pouvoir ne saurait être détruit — voilà une bévue théorique et une impasse pratique, estimait Bookchin —, ne reste d’autre alternative que de l’arracher à l’État pour le remettre au peuple. À la condition d’avoir réuni ces trois conditions (organisation des municipalités, large soutien de la population et délégitimation de l’État capitaliste), la révolution municipaliste pourrait « éliminer sans trop de difficultés » le gouvernement déconsidéré et ses appareils affiliés : colosse aux pieds d’argile qu’un ultime coup renverse… L’État disparu, la société sans classes — que Bookchin appela également « communiste libertaire » — sera tout entière aux mains des communes coordonnées de bas en haut par la Commune. Le temps de travail sera réduit ; l’agriculture deviendra intégralement biologique ; les combustibles fossiles et les pesticides seront éliminés. Mais le défi prospectif s’arrête ici : la société future ne peut « être décrétée par les théoriciens du municipalisme », précise Biehl, puisqu’elle sera l’œuvre du peuple émancipé.
Une inspiration pour le Rojava
« Bookchin a répété à l’envi qu’il n’existait aucun modèle, seulement des inspirations. »
Bookchin a répété à l’envi qu’il n’existait aucun modèle, seulement des inspirations : Athènes, les communes de l’Europe médiévale, la Nouvelle-Angleterre, le Paris révolutionnaire ou l’Espagne anarchiste. Si le municipalisme libertaire n’est, du vivant de son créateur, pas parvenu à s’ancrer au sein de l’Europe et de l’Amérique du Nord, il a trouvé un écho inattendu en Turquie puis en Syrie. En 2005, le cofondateur du PKK, Abdullah Öcalan, opéra du fond de son cachot, selon ses propres mots, un « tournant idéologique et politique » : la minorité kurde opprimée n’aspirait plus à l’indépendance nationale mais à l’autonomie au sein des frontières historiques ; la création d’un État était abandonnée au profit d’un projet confédéral visant, à terme, le « triomphe » sur l’État centralisé ; le marxisme-léninisme était écarté en vue de construire un néosocialisme communal et écologiste. Cette nouvelle doctrine avait — et a — pour nom « confédéralisme démocratique ». C’est qu’Öcalan avait lu Bookchin, se disait l’un de ses « étudiants » et lui avait écrit afin d’entrer en relation avec lui ; ce dernier, à l’approche de la mort, s’excusa de ne pouvoir honorer pareille invitation mais se félicita de ravitailler la pensée émancipatrice kurde. En 2014, en pleine guerre civile syrienne, le Rojava — territoire du nord-syrien, mixte et à majorité kurde — publia son Contrat social, pièce maîtresse d’un fragile processus révolutionnaire bâti sur les cantons : il consacrait la « justice sociale », la vie démocratique, l’égalité des sexes devant la loi et « l’équilibre écologique ».
« Je n’exclus pas non plus la possibilité de l’échec. Mais s’il existe une raison d’espérer, c’est l’approche municipaliste libertaire qui nous la fournit », disait Bookchin lors d’un entretien à la fin de l’année 1996 : sans quoi, « [le capitalisme] détruira certainement la vie sociale ».
Écrit par Igor Lefèvre, cet article est issu de la rubrique « dossier » du n°44 des Cahiers de la sécurité et de la justice, paru en janvier 2019, consacré à la sécurité…
Un Acte administratif, quel qu'il soit, doit respecter la loi suivant la Hiérarchie des normes du droit français.
Or pour qu’une loi soit applicable, elle :
· votée par le Parlement,
· promulguée par le Roi conformément à l’Article 1er de votre Code civil de 1848, seul texte réglementaire pouvant être valable à ce jour et non "par le Roi (le Président de la République)." (Lire les explications ci-après). Un Roi n’est au aucun cas un (le Président de la République) et vice versa en véritable français.
· publiée au Journal Officiel de la République Française,
· arrivée en province pour être consultable.
La cours de cassation (d'appel de nos jours) Deuxième chambre civile Formation de section 28 juin 2001 Arrêt n°1262 stipule que la loi est applicable le lendemain de leur arrivée dans le département.
Comme il y a le principe d'unicité de la loi, si le code n'est pas applicable en un seul lieu du territoire, il est inapplicable sur tout le territoire.
Vous ne pouvez ignorer que :
· la PREFECTURE DES PYRENEES-ATLANTIQUES a attesté le 27 novembre 2000 que : ...les dates d’enregistrement de l’arrivée des Journaux Officiels en Préfecture ne sont pas disponibles avant le 1er janvier 1994. » (voir l’attestation en pièce Annexe I.)
· Napoléon a créé le "CODE NAPOLÉON" Décrété le 5 Mars 1803 (Copie originale sur le site Gallica -B.N.F.i), promulgué le 15 du même mois, devenu le "Code civil des Français" en 1804 (Copie originale sur le site Gallica -B.N.F.ii)
· Depuis 1848, l’ensemble des lois et textes actuellement en vigueurs, le sont en totale violation de l’Article 1er de votre Code civil de Adrien CARPENTIER Professeur à la Faculté de droit et Avocat à la COUR D’APPEL DE PARIS qui était bien en vigueur en 1922 (Copie originale sur le site Gallica -B.N.F.iii) et jusqu’en 2004.
Ce 1er Article promulgué le 15 Mars 1803 stipulait que :
"Les lois sont exécutoires dans tout le territoire français, en vertu de la promulgation qui est faite par le PREMIER CONSUL."
Les termes "PREMIER CONSUL." furent remplacés par "Le Roi."par Louis XVIII par l’Ordonnance royale du 17 juillet 1816 (Bull. CI, n° 914).iv
Sous la IIe République du 25 février 1848, l’on conserva sans changement la formule « le Roi ». Faute de le faire, les LOIS républicaines de la Seconde République perdaient ipso facto leur base légalev,vi.
La mention : "(le Président de la République)." qui a été ajouté via l’Ordonnance n°2004-164 du 20 février 2004 - art. 1 () J.O.R.F. 21 février 2004 en vigueur le 1er juin 2004 par Jacques Chirac qui endossait le rôle de Président de la République, par Jean-Pierre Raffarin qui endossait le rôle de Premier ministre et par Dominique Perben qui endossait les rôles de garde des sceaux et ministre de la justice, en violation directe de ce même article car non promulgué par le Roi de France. Or, depuis la fin du règne de Louis-Philippe 1er, le vingt quatrième jour du deuxième mois de l’An de grâce mille huit cent quarante-huit, nous n’avons plus de roi et donc il n’existe plus aucun Royaume de France. Ce qui implique que toute loi n’ayant pas été promulguée par le Roi n’a strictement aucune valeur, ne peut pas être appliqué, est nulle et de nul effet. Et il en va de même bien évidemment pour la Constitution de la Ve république. Ce qui rend caduc l’ensemble des textes votés et validés par l’ensemble des présidents, ministres, parlementaires, sénateurs, députés et tout autre représentant présent et passé, quel qu’il soit, car les textes qu’ils ont faussement prétendu être des lois sont en réalité des textes législatifs et réglementaires, mais en aucun cas des lois.
Tous les présidents de la République, incluant Charles de Gaulle qui a mis en place de son propre chef la Ve République, qui n’a aucune existence légale, puisqu’il n’avait aucun pouvoir de la promulguervii,viii,ix,x, George Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron qui ont été Titré Chef de l'État qui ne sont rien d’autre que le gérant de la société fiduciaire nommée fiction REPUBLIQUE FRANCAISE PRESIDENCE. Ils n’ont donc jamais été Roi de France, seul et unique statut qui leur donnait le pouvoir de promulguer des lois qu’ils n’ont jamais eu autrement que par le D-O-L en invitant la population à aller aux urnes pour leur donner une fausse légitimité par la ruse et la tromperie.
Donc tout ce qu'il y a après le 25 février 1848 n'a pas de valeur juridique.
Aussi stupéfiant que cela puisse paraître, c’est écrit noir sur blanc dans le Code Civil Dalloz.
Par conséquent, cela confirme que la France n’a plus de constitution ou plus précisément la constitution de la Ve république est caduque. Absolument, complètement et définitivement caduque !
Parce qu’elle n’a pas été promulguée par le roi, conformément à l’Article 1er du Code civil, explication en vidéo du lien URL :
https://www.youtube.com/watch?v=JC0KeE0oNx0&t=30s
Ce qui implique de fait que :
· Tous les tribunaux sont virtuels et qu’ils ne peuvent rendre aucun jugement.
· Aucun juge ne peut agir de quelque manière que ce soit, ce qui implique de fait une imposture de la fonction.
· Toutes les lois promulguées depuis la IIe république sont nulles et de nul effet.
· Toutes les élections sont nulles et de nul effet.
· Toutes les institutions de la république sont virtuelles et n’ont aucune existence propre légale ou légitime.
· Tous les présidents, tous les gouvernements, tous les sénateurs, tous les députés, le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel n’ont aucune existence légale.
· Aucune autorité publique ne peut avoir d’existence légale et par conséquent, il n’y a donc plus aucune autorité publique qui ne doive être, puisqu’il n’y a plus ou pas d’Etat.
Donc , de facto, cet Acte administratif unilatéral en France n'a aucune existence légale, ni légitime car cela viol le libre arbitre et le consentement qui doit être libre et éclairé. Tous ces Actes sont donc viciés par défaut.
i L’intégralité de la copie original est disponible sur Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France : https://gallica.bnf.fr/
ii L’intégralité de la copie original est disponible sur Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France : https://gallica.bnf.fr/
iii L’intégralité de la copie original est disponible sur Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France : https://gallica.bnf.fr/
iv Lien : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006089696/
v Lien : https://www.agoravox.fr/commentaire304754
vi Lien : https://www.youtube.com/watch?v=2ml5rnLh1Qw&t=341s
vii livre CECI N'EST PAS UNE VE RÉPUBLIQUE de Christophe Chabrot : https://613054fe-967a-445a-838b-e7dcd2b2f15f.usrfiles.com/ugd/613054_c859b2b67f0b41858534029594f53481.pdf
viii GPMF: Gouvernement Provisoire de la Monarchie Française : http://www.christ-roi.net/index.php/Conclusions#La_monarchie_ou_la_royaut.C3.A9_est_donc_toujours.2C_.C3.A0_la_date_de_l.E2.80.99appel_du_18_octobre_2001.2C_la_forme_l.C3.A9gale_des_institutions_de_la_France
ix lien : https://lys-noir.blogspot.com/2008/11/gouvernement-provisoire-de-la-monarchie.html
x livre 12 PREUVES QU’IL N’Y A PLUS RIEN DE LÉGAL DANS LA " RÉPUBLIQUE " de Philippe Fortabat Labatut Avocat - Docteur en droit Droit pénal – Droit des affaires – Droit des sociétés : https://urlz.fr/i47b
La démocratie populaire intégrale : une approche innovante pour donner le pouvoir au peuple
Réaliser la démocratie représente le plus grand défi de notre époque. En effet, la démocratie a toujours été pensée. Elle est le double de notre humanité qui a toujours cherché à expérimenter des formes de gouvernance. Comment répondre à ce besoin démocratique exprimé par tous les citoyens qui sont de plus en plus conscients de leur pouvoir. Et si la solution venait non des penseurs occidentaux mais bien de Chine ?
En effet, la Chine propose une nouvelle approche : la démocratie populaire intégrale. Serait-ce là la possibilité d’un système politique plus inclusif et participatif. Selon une définition récente donnée dans un communiqué de presse de PR Newswire, la "démocratie populaire intégrale" est un modèle qui permet aux citoyens de participer activement à la prise de décision à tous les niveaux, de l'échelle locale à l'échelle nationale. Dans cet article, je vais tenter d’explorer les principes clés de ce modèle et ses implications pour l'avenir de la gouvernance.
La "démocratie populaire intégrale" promeut une participation directe et active des citoyens dans le processus de prise de décision, ainsi qu'une répartition équitable du pouvoir politique et économique. Comme le souligne l’article sur le site de radio CRI,“fondée sur le système du congrès populaire, la "démocratie populaire intégrale" permet au peuple chinois de participer largement et en permanence aux activités politiques quotidiennes à tous les niveaux, y compris les élections démocratiques, la consultation politique, la prise de décision et le contrôle.”
Voici les principaux principes de la "démocratie populaire intégrale" :
La participation citoyenne : Les citoyens ont le droit et la responsabilité de participer directement et activement dans le processus de prise de décision, que ce soit par le vote, la consultation ou la délibération.
La transparence : Les décisions prises par les responsables politiques doivent être ouvertes et accessibles au public, afin de garantir que les citoyens puissent surveiller les décisions prises en leur nom.
La responsabilité : Les élus doivent rendre des comptes aux citoyens et être responsables de leurs actions, afin de garantir qu'ils agissent dans l'intérêt du peuple plutôt que dans leur propre intérêt ou celui de groupes d'intérêts particuliers.
L'égalité : La "démocratie populaire intégrale" promeut une répartition équitable du pouvoir politique et économique, de manière à garantir que tous les citoyens aient une voix égale dans les décisions qui les concernent.
La justice sociale : La "démocratie populaire intégrale" vise à réduire les inégalités sociales et économiques, en garantissant que les besoins et les intérêts des groupes marginalisés et vulnérables sont pris en compte dans le processus de prise de décision.
En somme, la "démocratie populaire intégrale" vise à mettre le pouvoir entre les mains des citoyens, afin de garantir une gouvernance plus juste, transparente et équitable.
Contrairement à la démocratie représentative traditionnelle, où les citoyens élisent des représentants pour les gouverner, la "démocratie populaire intégrale" permet aux citoyens de participer directement à la prise de décision. Cela se fait par des mécanismes tels que les assemblées citoyennes et les délibérations publiques.
La "démocratie populaire intégrale" vise à renforcer la transparence dans la gouvernance. Les décisions prises par les responsables politiques doivent être ouvertes et accessibles au public, et les citoyens doivent être en mesure de suivre les processus décisionnels de bout en bout. Cela signifie que les citoyens ont le droit de connaître les informations et les détails sur les processus de prise de décision, y compris les raisons pour lesquelles les décisions ont été prises, les alternatives envisagées et les conséquences potentielles des décisions. En outre, la "démocratie populaire intégrale" encourage les élus à rendre des comptes aux citoyens, de manière à garantir qu'ils agissent dans l'intérêt du peuple plutôt que dans leur propre intérêt ou celui de groupes d'intérêts particuliers.
En renforçant la transparence dans la gouvernance, la "démocratie populaire intégrale" vise à réduire les risques de corruption, d'abus de pouvoir et de prises de décisions injustes ou inappropriées. Les citoyens sont ainsi en mesure de surveiller les décisions prises par les responsables politiques et de s'assurer que les intérêts de la communauté sont pris en compte dans le processus de prise de décision. En fin de compte, la transparence accrue dans la gouvernance peut renforcer la confiance des citoyens dans leurs institutions et leurs dirigeants, et encourager une plus grande participation citoyenne dans la vie politique.
Sans doute devons-nous noter que la "démocratie populaire intégrale" semble être une approche prometteuse pour donner le pouvoir au peuple, cependant, elle doit relever plusieurs défis pour sa mise en œuvre. L'un des plus importants est la nécessité de garantir la participation équitable de tous les citoyens, sans exclure les groupes marginalisés ou sous-représentés. De plus, il est nécessaire de trouver un équilibre entre la participation citoyenne et la prise de décision efficace, afin de garantir que les décisions sont prises de manière éclairée et fondée sur des faits.
Nous devons ainsi conclure qu’au-delà de ces défis la "démocratie populaire intégrale" est une approche novatrice pour donner le pouvoir au peuple en permettant une participation citoyenne active, une transparence accrue et une responsabilité politique. Cette approche pourrait offrir des avantages significatifs en termes d'inclusion et de participation citoyenne. Si nous voulons bâtir un avenir plus juste et plus équitable, il est temps de considérer la "démocratie populaire intégrale". Et c'est précisément cela que la Chine propose.
Par Léa Bessis
Pour la première fois, les Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux se penchent sur le droit de propriété, à la suite d’une récente et riche littérature scientifique. On sait la place, le rôle et la fonction que ce droit – souvent entendu socialement comme droit individuel et privé de propriété – occupe dans les sociétés occidentales. C’est le cas en particulier en droit français qui consacre, depuis la Révolution française, la propriété comme un « droit inviolable et sacré » (art. 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 – DDHC) et un « droit naturel et imprescriptible » (art. 2 DDHC). Par extension, on le retrouve dans la Convention européenne des droits de l’homme, à l’article 1er du premier Protocole additionnel consacrant le « droit au respect de ses biens », ainsi qu’à l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui consacre le « droit de jouir de la propriété des biens […] acquis légalement ».
L’anniversaire de la rédaction de la Théorie de la propriété de Pierre-Joseph Proudhon en 1862 (parue en 1866) donne l’occasion aux contributeurs des Cahiers de montrer toute l’actualité de la notion de propriété dans le champ juridique.
Par Samuel Guicheteau, Université de Nantes
Samuel Guicheteau a récemment publié Les ouvriers en France.1700-1835, Paris, A. Colin, Collection U, 2014. Il présente ici les enjeux historiographiques et épistémologiques de cet ouvrage.
Cette présentation vise à mettre en lumière quelques enjeux de l’histoire des ouvriers dans la Révolution française. Deux questions peuvent guider la réflexion : comment faire l’histoire des ouvriers ? Quels éclairages cette histoire des ouvriers apporte-t-elle à l’analyse de la Révolution ?
Identité et expérience : renouvellements de l’histoire sociale et de l’histoire de la Révolution française
Il n’est plus possible de considérer les ouvriers comme un groupe a priori. Cependant, il est également impossible d’ignorer l’importance de l’industrie au 18e siècle et, donc, l’existence d’une main-d’œuvre industrielle. Or, l’importance même de la main-d’œuvre industrielle a pour conséquence sa diversité : les ouvriers travaillent dans de multiples activités et dans des cadres variés (seul à domicile, en atelier, dans une manufacture concentrée, sur des chantiers) ; ils exercent des métiers plus ou moins qualifiés ; hommes et femmes, citadins et ruraux se distinguent ; enfin, les travailleurs de l’industrie présentent des situations socio-économiques différentes. Tandis que certains sont salariés, d’autres travaillent à façon (notamment des ruraux pluri-actifs, mais aussi de petits maîtres déchus à l’instar des célèbres canuts lyonnais). Cette diversité de la main-d’œuvre industrielle pose des problèmes de définition et de méthode. Tous ces travailleurs ne se sentent pas appartenir à un même groupe social : il existe donc des mondes ouvriers. De plus, à la hiérarchie des qualifications peuvent s’articuler le clivage des sexes, le clivage ville / campagne. La diversité se double donc de césures entre ouvriers. Les Ouvriers, comme les Paysans ou le Peuple, ne sont pas des catégories naturelles, mais des constructions forgées par les acteurs historiques, puis par des historiens.
Il est également impossible de projeter sur les ouvriers du XVIIIe siècle les critères du XXe siècle. Il faut donc s’intéresser à l’identité originale de ces ouvriers. L’identité n’est ni donnée, ni figée : elle s’éprouve lors d’expériences partagées, elle est donc plurielle et ouverte. Les ouvriers développent une conscience professionnelle : ils se sentent appartenir à un métier. Cette conscience professionnelle s’inscrit dans l’ensemble des identités communautaires : les hommes du 18e siècle se sentent appartenir à un village, à un quartier, à un métier. De plus, l’identité n’est pas univoque : ce sentiment d’appartenance à une communauté s’inscrit dans une série d’identités emboîtées. Les ouvriers sont insérés dans l’ensemble des couches populaires : ils partagent par exemple l’attachement à l’économie morale, qui veut que les autorités réglementent l’activité économique pour permettre la vie.
Il est néanmoins judicieux d’étudier les ouvriers dans leur ensemble pour deux raisons. D’une part, ils présentent des traits communs et originaux. Le travail est le creuset d’une identité ouvrière. Au travail, les ouvriers forgent des pratiques et des valeurs : le travail qualifié nourrit l’exaltation du métier ; l’élasticité du temps de travail, la plasticité de l’espace de travail, la maîtrise du processus de production nourrissent l’attachement à l’autonomie ; la qualification et l’autonomie fondent la fierté. Toutefois, il faut préciser que des modalités similaires de construction de l’identité au travail ne donnent pas nécessairement naissance à une conscience collective car l’exaltation de la qualification suscite le sentiment d’appartenir à un métier. Fiers de leur savoir-faire, menuisiers, verriers, maçons … développent un sentiment comparable : ils se sentent tous appartenir à un métier, mais chacun à son métier.
D’autre part, les ouvriers partagent au travail une série d’expériences : l’industrialisation, les bouleversements des Lumières et la Révolution française. Mais, pas plus que l’identité comparable forgée au travail ne donne automatiquement naissance à une conscience collective, ces expériences partagées ne suscitent une telle conscience. En effet, les ouvriers ne constituent pas un « matériau humain brut », selon la formule d’E.P. Thompson dans son livre sur La formation de la classe ouvrière anglaise, qui constitue une référence fondamentale pour l’histoire ouvrière actuelle (1). Ils vivent les mutations du XVIIIe et du XIXe siècle pour partie en fonction de leur identité préexistante. Ainsi, leur conscience professionnelle se trouve cristallisée par des organisations professionnelles, dont le renforcement, inhérent à la montée des tensions qui accompagne l’industrialisation, peut entretenir les césures entre métiers ou entre les ouvriers qualifiés et les autres, notamment les femmes. Par ailleurs, les ouvriers participent aux mobilisations populaires générales de la Révolution française et développent alors la conviction de posséder des droits civiques. Ainsi réapparaissent des identités plurielles, sous des formes nouvelles.
Si l’invention d’une conscience collective ouvrière n’est nullement évidente, l’identité ouvrière n’est pas pour autant figée. Bien au contraire, les ouvriers sont des acteurs des transformations à l’œuvre et leur identité s’enrichit. Ils élaborent des stratégies et cultivent des aspirations, et contribuent ainsi au développement de ces transformations au même titre que les autres protagonistes sociaux. De plus, celles-ci sont des processus originaux et complexes, forgées précisément par les rapports entre les différents acteurs sociaux.
Les ouvriers peuvent donc être appréhendés comme des acteurs à part entière. Acteurs du façonnement de leur identité, ils ne sont pas créés par la révolution industrielle sous la forme d’un prolétariat homogène au XIXe siècle. Les ouvriers sont donc aussi des acteurs de la voie originale française d’industrialisation. Ils résistent aux exigences nouvelles des manufacturiers et des négociants, qui, dès le XVIIIe siècle, cherchent à rationaliser le travail et à remettre en cause leur autonomie. Mais leur résistance ne doit pas être vue comme archaïque : les ouvriers ne sont pas des obstacles à l’application d’un modèle anglais de révolution industrielle. Leur résistance contribue plutôt au façonnement de l’originalité de l’industrialisation française. Elle suscite le renforcement des organisations ouvrières qui favorisent, dans les luttes, la découverte des Lumières, la revendication de droits, notamment durant la Révolution. De plus, l’intervention des ouvriers dans la Révolution contribue à son ampleur, concourt donc à en faire la matrice de l’originalité de l’histoire de France. Enfin, les ouvriers sont des acteurs de la Révolution française : ils développent des luttes ouvrières tout en participant aux diverses mobilisations populaires, révolutionnaires ou anti-révolutionnaires, citadines et rurales. Les ouvriers sont des acteurs de toutes les mutations en cours : ils les abordent à travers leur identité et celle-ci s’enrichit de leurs expériences, sans que pour autant l’émergence d’une conscience collective soit évidente.
Ce renouvellement de l’analyse sociale, qui écarte la réification des groupes sans renoncer à une approche collective de la société, peut contribuer au renouvellement de l’interprétation de la Révolution française, dont témoigne le colloque Vers un ordre bourgeois ?, dans lequel J.-P. Jessenne écrit qu’on peut « réinterroger l’événement révolutionnaire en partant des acquis récents de l’histoire sociale selon lesquels l’identité (…) des groupes (…) n’est pas un donné, mais le résultat d’une construction ( ;) l’identification d’un groupe ou d’une classe découle d’interactions multiples entre des rapports socio-économiques, des représentations culturelles et des investissements politiques » (2). Pour autant, les ouvriers n’abordent pas la Révolution comme un « matériau humain brut », pour reprendre l’expression de E. Thompson : leur participation à la Révolution est marquée par l’investissement dans celle-ci de leurs revendications et, plus largement, des tensions inhérentes à l’industrialisation dans la Révolution.
La sans-culotterie revisitée par l’histoire du travail
Albert Soboul a apporté une contribution essentielle à l’analyse de la sans-culotterie (3). Celle-ci apparaît en 1792, puis se développe en 1793-94. Elle mène trois combats : pour les subsistances, pour la défense nationale, pour la démocratisation de la Révolution. Dominée par les artisans et les boutiquiers, la sans-culotterie présente une grande hétérogénéité sociale : elle rassemble des bourgeois et des gens du peuple, des maîtres et des compagnons. Ceux-ci partagent l’idéal de petite production, le combat pour le pain et développent une culture politique démocratique. Ces combats, pratiques et idéaux communs expliquent la réunion de gens si variés, voire de conditions opposées (patrons et ouvriers) dans un même mouvement. Mais ces différences ne disparaissent pas pour autant : A. Soboul en est bien conscient et il y voit l’origine des contradictions qui fragilisent la sans-culotterie.
Néanmoins, à partir d’une étude poussée de la montée des conflits du travail entre maîtres et compagnons dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Steven Kaplan a remis en cause cette analyse. Il souligne que les conflits du travail s’aggravent notamment lors de la tentative de suppression des corporations en 1776. Étant donné que les corporations mettent en œuvre la police du travail, les ouvriers estiment que la suppression de celles-là signifie la disparition de celle-ci. S. Kaplan pense que ce traumatisme du « carnaval de Turgot » explique la survie des corporations au début de la Révolution, en dépit de l’abolition des privilèges (les corporations étaient des corps privilégiés, dotés de monopoles). De plus, les ouvriers intègrent les principes révolutionnaires et revendiquent notamment la liberté d’association (4). Ils exigent la suppression de la police du travail d’Ancien Régime, dont ils ont combattu le durcissement (5). La poussée des luttes ouvrières est si forte que les modérés – les futurs Feuillants – entreprennent de la briser avec la loi Le Chapelier de juin 1791, adoptée dans un contexte politique périlleux : la poussée démocratique, puis la fuite du roi. La loi Le Chapelier rappelle l’interdiction des organisations ouvrières et limite donc au domaine politique l’exercice des droits civiques, dont les ouvriers sont aussi privés comme citoyens passifs (6).
Cette aggravation des conflits du travail est telle que, pour S. Kaplan, l’union des maîtres et des compagnons dans la sans-culotterie en 1792 est impossible. Il développe donc une nouvelle vision de la sans-culotterie, qui rompt avec l’interprétation classique :
« Le mouvement sans-culotte fit office d’instrument de contrôle social postcorporatif. L’ordre du jour des sans-culottes contribua à prévenir, déplacer et discréditer tout conflit sur le marché du travail. Les valeurs fondamentales des sans-culottes – patrie, famille, travail – interdisaient le genre d’anarchie qui avait fait de la première moitié de 1791 une période si pénible (7). »
Le renversement qu’opère S. Kaplan sur le plan social est complété sur le plan politique par H. Burstin dans son analyse des rapports entre les élites politiques, les militants révolutionnaires et les masses populaires :
« On peut considérer le sans-culotte comme un moule inventé par les élites révolutionnaires pour contenir le mouvement populaire parisien. Pour que ce moule soit efficace, il doit être crédible et acceptable aux yeux, soit des élites qui fixent les bornes de la participation populaire, soit des couches qui doivent s’y identifier. A cette fin, sa figure doit rester aussi vague que possible. Il y a effectivement une sociologie du sans-culotte, mais intentionnellement imprécise : plus vague est la connotation, plus élastique s’avère son application, et plus efficace son emploi métaphorique (...) Le problème est donc celui de permettre aux individus de se situer, de se représenter et de s’interpréter à l’intérieur d’un nouveau système de valeurs mis en place par la Révolution. Pour rattacher les individus à ce système, tout un arsenal idéal typique entre en jeu : une série de notions douées de force de cohésion comme ‘‘peuple’’, ‘‘citoyen’’, ‘‘sans-culotte’’, auxquelles on a recours afin de stimuler un sentiment d’adhésion et d’appartenance » (8).»
Selon Ph. Minard, c’est précisément la loi Le Chapelier qui, en séparant radicalement le social et le politique, suscite « un escamotage du social qui a ouvert la voie à la construction socio-politique factice de ‘‘peuple’’ unifiée autour des thèmes du patriotisme et de la lutte pour les subsistances » ; les rapports sociaux réels sont occultés au profit d’une « citoyenneté abstraite » (9).
Si ce questionnement est intéressant, l’adhésion aux réponses suggérées par ces historiens n’est pas obligatoire. D’ailleurs, d’autres historiens relèvent que les ouvriers se comportent en citoyens au travail, font appel aux sans-culottes ou adhèrent à la sans-culotterie. Ainsi, les ouvrières des filatures parisiennes sollicitent l’appui des sans-culottes pour obtenir de meilleurs salaires. Elles se comportent comme des « citoyennes au travail » : en conflit avec un chef, une ouvrière lit à haute voix dans son atelier la Déclaration des droits de l’Homme (10). C’est d’autant plus remarquable que les ouvrières restent privées des droits civiques en tant que femmes. Les ouvriers de la défense nationale contribuent à la mobilisation nationale et révolutionnaire, tout en avançant leurs revendications qui peuvent, d’ailleurs, se heurter à l’effort de la Convention pour rétablir la discipline du travail au nom de l’effort de guerre (11).
Il apparaît donc que l’histoire des ouvriers peut contribuer au débat sur la réinterprétation de la sans-culotterie, ouvert par S. Kaplan à partir d’une analyse des conflits du travail.
« La Révolution interdit les grèves et les syndicats », « Bonaparte crée le livret ouvrier »
De telles assertions ne sont pas rares, notamment dans les manuels scolaires (12). La Révolution interdit les syndicats avec la loi Le Chapelier, lit-on, comme s’il y avait des syndicats, comme si les associations ouvrières avaient été légales sous l’Ancien Régime et comme si la Révolution était un personnage (la personnification de la Révolution tend à occulter les tensions entre ses acteurs et la diversité des expériences révolutionnaires). En fait, interdites sous « l’Ancien Régime », les associations ouvrières se sont renforcées au XVIIIe siècle, du fait de la résistance des ouvriers face aux nouvelles exigences patronales qui accompagnent le développement économique et face au durcissement de la police du travail qui tente de briser cette résistance. L’interdiction des cabales est rappelée notamment dans deux grands édits de police du travail, celui de 1749 qui généralise le billet de congé (pour être embauché, un ouvrier doit – devrait – présenter un certificat de son précédent maître ; pour l’obtenir, il faut respecter un délai de congé, ce qui empêche de sortir sur un coup de colère ou lors d’une cabale), puis celui de 1781, au lendemain du « carnaval de Turgot », qui crée le livret ouvrier, livret qui compile les billets de congé successifs (13).
Précisément, l’autre erreur que l’on peut relever, c’est l’attribution au Consulat de la création du livret ouvrier. Créé en 1781, le livret se heurte à une très forte résistance des ouvriers dans les années 1780. A partir de 1789, ils développent leurs luttes et exigent que les droits révolutionnaires s’appliquent au domaine du travail. Par conséquent, la police du travail est remise en cause, voire tombe en désuétude : pour les ouvriers, la liberté correspond non seulement à la liberté d’assemblée, d’association (comme on l’a vu) mais encore à la liberté de mouvement : quitter un patron sur-le-champ. L’offensive ouvrière est réprimée par la loi Le Chapelier, mais les associations ouvrières ne disparaissent pas pour autant. De plus, la police du travail reste fragilisée, même si les gouvernements successifs s’efforcent de rétablir la discipline : la Convention pour la défense nationale, le Directoire et le Consulat pour terminer la Révolution, fonder un ordre favorable aux propriétaires, comme le montre l’article 1781 du code civil qui affirme qu’en cas de discorde sur les salaires, « le maître est cru sur son affirmation ».
La loi de germinal an XI constitue une véritable « loi-cadre » pour le « nouvel ordre manufacturier », selon les expressions de J-P Hirsch (14). Cette loi est parfois présentée comme créant le livret ouvrier ou le restaurant. Cependant, l’ampleur des bouleversements révolutionnaires est telle qu’il est difficile, voire impossible de rétablir la police du travail d’Ancien Régime. Précisément, Alain Cottereau souligne les différences entre le livret de 1781 et celui de 1803 (15). D’abord, le nouveau livret est un contrat privé et non plus une mesure de surveillance publique. Certes, c’est le patron qui indique si les engagements ont été tenus. Mais ceux-ci ne sont pas précisés par la loi. Ils tiennent en fait aux usages, dont le code civil prescrit le respect. Ces usages sont locaux. Mais comment les ouvriers peuvent-ils obtenir satisfaction alors que le maître est cru sur parole ? En fait, il faut distinguer louage d’ouvrage et louage de service. Le louage d’ouvrage concerne les ouvriers qualifiés, le louage de service les journaliers et les domestiques. Or, le fameux article 1781 du code civil ne s’applique qu’au louage de service. Pour les ouvriers qualifiés, il revient au patron de fournir des preuves écrites : aux prud’hommes, les ouvriers obtiennent la restitution des livrets retenus par le patron, lorsque celui-ci ne peut fournir de preuves. Mais, la distinction entre louage d’ouvrage et louage de service n’est pas nette au début du 19e siècle. Elle est précisément un enjeu entre patrons et salariés. Ensuite, il est interdit aux patrons de porter des appréciations sur les livrets : les autorités et les tribunaux rappellent cette interdiction qui manifeste leur volonté d’appliquer des principes révolutionnaires au domaine du travail.
Une fois établis ces changements importants, il semble impossible de parler de ‘‘restauration’’ du livret d’Ancien Régime. Selon A. Cottereau, le nouveau livret ne vise pas tant à brider la mobilité des ouvriers qu’à la faciliter : l’inscription des dettes sur le livret permet aux ouvriers de les rembourser tout en changeant de maître. Cependant, selon A. Dewerpe, le livret reste encore un « instrument de contrôle » (16). Si l’ordre fondé par Bonaparte est favorable aux propriétaires, la stabilisation de la société postrévolutionnaire implique l’intégration de droits nouveaux. Si les manufacturiers et les négociants disposent d’institutions représentatives et si les luttes ouvrières sont durement réprimées, le nouvel ordre n’est pas la restauration de l’Ancien Régime.
Une synthèse sur l’histoire des ouvriers dans un long 18e siècle permet de mieux comprendre ce dossier de la police du travail car elle dépasse les coupures académiques entre périodes. C’est également l’intérêt d’une histoire de la Révolution qui commence avant 1789 et se prolonge au-delà de 1799. Cet intérêt réapparaît avec l’étude de la création des tribunaux de prud’hommes, qui met également en lumière l’enjeu de la redécouverte du local, ou plutôt les enjeux car cette redécouverte invite aussi à prendre en compte la diversité des expériences.
De la redécouverte du ‘‘local’’ par rapport au ‘‘national’’ à la prise en compte de la diversité des expériences_
Le premier conseil de prud’hommes est créé à Lyon en 1806. Il prolonge les luttes menées par les canuts au 18e siècle et notamment durant la Révolution. Il prolonge aussi les expériences menées à Lyon durant la Révolution pour intégrer les principes révolutionnaires au domaine du travail : en 1790 a été créé un tribunal des arts et métiers, où siègent déjà à parité des représentants des canuts et des négociants et qui vise à régler les querelles. Enfin, le conseil des prud’hommes s’inspire de la régénération de la justice, comme le montrent l’élection des juges et l’objectif de la conciliation. Du succès des prud’hommes témoignent le nombre d’affaires traitées, l’importance des conciliations et la diffusion rapide de cette nouvelle institution dans les grandes villes de fabrique textile. Les prud’hommes jugent en équité et se réfèrent aux usages : ce sont donc de véritables « justices de paix du travail » (17). Sur la base des usages, du consentement des parties et de l’équité, les conseils de prud’hommes élaborent des jurisprudences, qui apparaissent comme des « quasi-législations locales du travail » (18). La tolérance de ces réglementations est l’une des entorses au libéralisme de principe, qui caractérise le « libéralisme tempéré » du début du XIXe siècle. L’analyse à l’échelle locale met en lumière ces compromis qui favorisent la stabilisation postrévolutionnaire.
La prise en compte de l’échelle locale permet donc de mieux comprendre le « nouvel ordre manufacturier », tandis qu’une approche uniquement nationale soulignait les mesures favorables au patronat et défavorables aux ouvriers (le code civil stipule que le maître est cru sur parole ; la loi Le Chapelier et le Code pénal répriment durement les cabales). Ces « quasi-législations locales du travail » ont disparu avec le développement du droit national du travail au 20e siècle, à partir des premières lois sociales de la IIIe République naissante (19).
Mais, une fois établie l’importance de l’échelle locale, il faut éviter de retomber dans le défaut qui caractérisait l’étude de la seule législation nationale, c’est-à-dire l’établissement d’une norme unique. Si l’on admet l’importance de l’échelle locale, il faut prendre en compte toutes les expériences locales, notamment s’intéresser aux villes qui n’ont pas de conseils de prud’hommes, Paris notamment mais aussi Nantes (jusqu’en 1840). Dans ces villes, la ‘‘réapparition’’ d’un livret s’accompagne de la création de bureaux de placement pour lutter contre la puissance des compagnonnages. Pour combattre le contrôle du marché du travail par les compagnons, les maîtres et les autorités créent de tels bureaux, comme ils l’avaient déjà fait sous l’Ancien Régime. Pour les compagnons de l’artisanat, qui travaillent dans des villes dépourvues de prud’hommes, le livret de 1803 apparaît comme une arme patronale, au même titre que le livret d’Ancien Régime (20). Ainsi, les situations locales varient : ce rappel ne vise pas à atténuer l’intérêt pour l’échelle locale ; bien au contraire, puisqu’il s’agit de prendre en compte la mosaïque des cas locaux.
Enfin, l’absence de conseils de prud’hommes dans certaines villes ne signifie pas que les acteurs locaux ne ressentent pas le besoin de conciliation et de régulation auquel répondent les prud’hommes là où ils existent. La prise en compte de l’échelle locale permet de mettre au jour la pérennité des relations collectives et de l’intervention des autorités publiques dans le domaine du travail, malgré l’adoption de la loi Le Chapelier. En effet, le besoin de concertation, de régulation, voire de réglementation ne s’est pas brusquement évanoui. Les juges de paix, les autorités locales, les représentants en mission répondent à ce besoin. Au début du XIXe siècle, en l’absence de conseils de prud’hommes, les municipalités et peut-être les commissaires de police dans un cadre infra-judiciaire jouent ce rôle (21).
Portée de l’expérience révolutionnaire des ouvriers, diversité des révolutions vécues
La Révolution française constitue, pour les ouvriers comme pour tous les Français, une expérience essentielle : une formidable mobilisation s’accompagne d’une profonde articulation du social et du politique, qui nourrit la conviction de la légitimité des revendications en vertu des Droits de l’Homme. Chez de nombreux ouvriers se développe alors une conscience révolutionnaire qui associe, d’une part, les pratiques et les revendications héritées et, d’autre part, les mobilisations et les principes révolutionnaires : dans le prolongement des luttes précédentes, ils s’efforcent d’appliquer les droits révolutionnaires au domaine du travail.
Cependant, la ‘‘classe ouvrière’’ ne naît pas de la Révolution française. Les ouvriers cultivent en effet, une identité à la fois professionnelle et populaire. D’une part, le combat pour la reconnaissance des organisations ouvrières conforte leur identité professionnelle et accentue même la différence entre ouvriers et ouvrières. D’autre part, la conscience populaire est renforcée par les combats démocratiques pour le droit à l’existence et pour la défense nationale et révolutionnaire. Aussi originale qu’essentielle, l’expérience révolutionnaire enrichit néanmoins considérablement l’identité des ouvriers : en avançant des revendications similaires, issues des tensions suscitées par l’industrialisation, et imprégnées de la volonté d’appliquer au travail les droits révolutionnaires, ils peuvent considérer leur condition commune en termes de droits. Ils partagent alors une expérience révolutionnaire sans pour autant développer une conscience collective spécifique.
Au-delà, il faut aussi prendre en compte la multiplicité des révolutions vécues : connaissant eux-mêmes une grande diversité de situations socio-économiques, les travailleurs industriels ont pu participer à des mouvements populaires très variés, voire antagonistes. Ainsi, des ruraux pluri-actifs se sont mobilisés pour acquérir des biens nationaux, d’autres ont basculé dans la contre-révolution. Mais le foisonnement des expériences révolutionnaires dépasse la distinction ville / campagne et la question religieuse (Nîmes, Ouest) comme en témoigne le mouvement fédéraliste (Marseille, Toulon).
Note
(1) « La formation de la classe ouvrière relève tout autant de l’histoire politique et culturelle que de l’histoire économique (...) nous ne devons pas (...) nous représenter une force extérieure – la ‘‘Révolution industrielle’’ – s’exerçant sur un matériau humain brut, indifférencié et indéfinissable, et produisant au bout du compte une ‘‘nouvelle race d’individus’’ ; les transformations des rapports de production et des conditions de travail propres à la Révolution industrielle furent imposées non pas à un matériau brut, mais à l’Anglais né libre – l’anglais né libre tel que Paine l’avait laissé ou tel que les méthodistes l’avaient façonné ; l’ouvrier (...) fut soumis à un endoctrinement religieux massif, et, en même temps, il inventa des traditions politiques ; la classe ouvrière se créa elle-même tout autant qu’on la créa » (Thompson, Edward, La formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, Seuil, 1988 (1963), p. 74).
(2) Jessenne, Jean-Pierre (éd.), Vers un ordre bourgeois ? Révolution française et changement social, Actes du symposium international tenu à Villeneuve d’Ascq les 12-14 janvier 2006, Rennes, PUR, 2007, p. 11.
(3) Soboul, Albert, Les sans-culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et Gouvernement révolutionnaire, 2 juin 1793-9 thermidor an II, Paris, Clavreuil, 1958.
(4) « Pour les ouvriers, aucun des droits révolutionnaires n’était aussi important que la liberté de s’assembler (…) Les ouvriers de la France entière brandissent la Déclaration des droits de l’homme (de 1789) pour légitimer leurs actes » (Kaplan, Steven, La fin des corporations, Paris, Fayard, 2001, p. 424 et 429). H. Burstin rejoint cette analyse : « (en 1791), le nouveau langage de la liberté constitue pour les travailleurs une incitation à s’organiser et, si nécessaire, à contester collectivement leurs employeurs pour négocier de meilleures conditions de travail, selon une pratique qui n’était pas nouvelle, mais qui jouissait désormais – du moins en théorie – d’une nouvelle légitimité ; (en 1792) la force acquise par le mouvement populaire au plan politique agissait sur les revendications économiques qu’il formulait, en particulier dans le monde du travail, où les travailleurs salariés exploitaient durant les négociations salariales leurs succès dans la révolution parisienne ; pour les populations les plus modestes en effet, le message d’égalité de la Déclaration des droits de l’homme était surtout destiné au cadre concret du monde du travail : c’est justement sur ce plan qu’elles brandissaient ces principes énoncés de manière abstraite et les retournaient en leur faveur » (Une révolution à l’œuvre. Le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Seyssel, Champ Vallon, 2005, p. 306 et 485).
(5) Voir plus bas l’étude du livret ouvrier.
(6) W. Sewell avait déjà souligné combien « la loi Le Chapelier avait dû représenter pour les compagnons une rupture brutale dans (leur) expérience révolutionnaire ; ils avaient cru comprendre jusqu’en juin 1791 que le nouvel ordre révolutionnaire tolérait, à défaut d’approuver, les associations qui procédaient à la refonte de leurs préoccupations de toujours comme l’assistance mutuelle, les salaires, les conditions de travail et la réglementation générale du métier dans de nouveaux moules révolutionnaires » (Gens de métier et révolutions. Le langage du travail de l’Ancien Régime à 1848, Paris, Aubier-Montaigne, 1983, p. 143).
(7) Kaplan S., La fin des corporations, op. cit., p. 581.
(8) Burstin, Haim, L’invention du sans-culotte. Regards sur le Paris révolutionnaire, Paris, O. Jacob, 2005, p. 91.
(9) Minard, Philippe, « Le métier sans institution : les lois d’Allarde-Le Chapelier de 1791 et leur impact au début du XIXe siècle », dans Kaplan, Steven, Minard, Philippe (éd.), La France, malade du corporatisme ? XVIIIe-XXe siècles, Paris, Belin, 2004, p. 86.
(10) Godineau, Dominique, Citoyennes tricoteuses. Les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution française, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 102-3.
(11) Alder, Ken, Engineering the Revolution : Arms and Enlightenment in France, 1763-1815, Princeton, PUP, 1997; Gross, Jean-Pierre, Égalitarisme jacobin et droits de l’homme, 1793-1794. La Grande famille et la Terreur, Paris, Arcantères, 2000 ; Woronoff, Denis, L’industrie sidérurgique en France pendant la Révolution et l’Empire, Paris, EHESS, 1984.
(12) Enseignant dans une ESPE, j’y suis particulièrement sensible. De même, la survie des corporations jusqu’au décret d’Allarde est souvent gommée.
(13) En 1749, le pouvoir royal interdit « à tous compagnons et ouvriers employés dans les fabriques et manufactures de notre royaume, de quelque espèce qu’elles soient, de les quitter pour aller travailler ailleurs sans en avoir obtenu un congé exprès et par écrit de leurs maîtres » et défend « à tous les compagnons et ouvriers de s’assembler en corps sous prétexte de confrairie ou autrement, de cabaler entre eux pour se placer les uns les autres chez des maîtres ou pour en sortir, ni d’empescher, de quelque manière que ce soit, les maîtres de choisir eux-mêmes leurs ouvriers soit françois ou étrangers ». L’édit de 1781 rappelle ces interdictions et ordonne « que lesdits ouvriers aient un livre ou cahier sur lequel seront portés successivement les différents certificats qui leur seront délivrés par les maîtres chez lesquels ils auront travaillés ».
(14) Hirsch, Jean-Pierre, Les deux rêves du Commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, EHESS, 1991, p. 353 et 355.
(15) Cottereau, Alain, « Sens du juste et usages du droit du travail : une évolution contrastée entre la France et la Grande-Bretagne au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, 2006-2.
(16) Dewerpe, Alain, « En avoir ou pas. A propos du livret d’ouvrier dans la France du XIXe siècle », dans Stanziani, Alessandro (dir.), Le travail contraint en Asie et en Europe, XVIIe-XXe siècles, MSH, 2010, p. 239.
(17) Cottereau, Alain, « La désincorporation des métiers et leur transformation en ‘‘publics intermédiaires’’ : Lyon et Elbeuf, 1790-1815 », dans Kaplan S., Minard Ph. (éd.), La France, malade du corporatisme ?, op. cit., p 142.
(18) Cottereau, Alain, « Justice et injustice ordinaire sur les lieux de travail d’après les audiences prud’homales (1806-1866) », Le Mouvement social, 1987-4, p 51.
(19) Puis ces « quasi-législations locales » ont été oubliées. Il est intéressant de remarquer que les historiens les redécouvrent à l’heure où le droit national du travail est remis en cause.
(20) Guicheteau, Samuel, La Révolution des ouvriers nantais. Mutation économique, identité sociale et dynamique révolutionnaire (1740-1815), Rennes, PUR, 2008.
(21) L’hypothèse du rôle joué par les commissaires de police est avancée par D. Margairaz (« Entre conciliation, arbitrage et règlement judiciaire : le juge de paix face aux conflits du travail avant l’institution des prud’hommes », Revue d’histoire moderne et contemporaine, à paraître).
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ou souhaitent vivre dans des écolieux collectifs : les oasis.
forme de gouvernance